Ce que cache le révisionnisme de « l’historien » Michel Soukar.
- Première partie.
- Mise en contexte :
Présentant son roman, “Acaau, que ta mort ne tue pas ta vie”, sur Magic9, Michel Soukar a souillé l’histoire de notre pays et la réputation de nos ancêtres, en traitant le père de la Nation, Dessalines, ainsi que Toussaint Louverture et Henry Christophe, de voleurs de terres, Dessalines se lan volè tè li mouri. Activité illicite, privée, qui selon lui, a occasionné et justifié l’assassinat de l’Empereur. Il ne s’agirait, en d’autres termes, que d’une histoire de voleur qui a été à juste titre abattu.
Personne jusqu’à présent n’a demandé l’arrestation de Soukar pour profanation. L’action publique n’a pas été mise en mouvement. Même la société d’Histoire et de Géographie n’a pas jugé bon de protester. Le journaliste vedette de Magic9, Robenson Alphonse, l’a même encensé. Notre nation est vraiment en train de mourir !
Choqué de cet affront à la Nation, j’ai appelé des amis intellectuels et présumés progressistes, pour exprimer mon étonnement face aux propos haineux de Michel Soukar. Ils exprimèrent leur étonnement que je sois étonné, en me disant qu’ils l’avaient déjà entendu dire pire que cela. Ils étaient pour la plupart indifférents à ce que pourrait prononcer Soukar sur l’histoire d’Haïti et le mal qu’il causait dans l’esprit des jeunes haïtiens et haïtiennes. Donc, ce que j’écris aujourd’hui est à l’intention des simples citoyens et amis sur les réseaux sociaux qui m’ont signifié leur indignation et qui se sont sentis insultés, mais également frustrés après cette entrevue.
Cette publication est faite sous réserve que Soukar fasse des excuses aux Haïtiens et rectifie ses paroles haineuses. Vu ses interventions répétées, apparemment progressistes sur Métropole, interventions diffusées à grande échelle comme s’il était en campagne, je m’interroge sur l’objectif poursuivi et sur les raisons qui ont porté Magic9 à le laisser débiter de tels propos.
À priori, je ne porte aucun jugement sur le contenu du livre de Soukar. Cependant, l’interview donne l’impression que le thème n’est qu’une excuse pour développer et sceller théoriquement le discours anti-noir, pour ne pas dire mulâtriste, de la réalité politique historique haïtienne.
Ceci étant dit, regardons de plus près ce que cache l’essence de la théorie qui sous-tend ce discours trompeur et les prémisses fallacieuses de Soukar.
Chapitre I.
“Nèg nwa ki gen kòb se mûlat, mûlat pòv se nèg nwa”
“Nèg nwa ki gen kòb se mûlat, mûlat pòv se nèg nwa”, une déclaration contextuelle de Jean Jacques Accaau, utilisée hors contexte et de manière abusive par des opportunistes intellectuels et mulâtristes pour accabler les noirs, sans distinction, qu’ils soient riches ou pauvres et gommer ainsi la réalité du racisme culturel et institutionnel en Haïti.
Cette citation cache la réalité effective des relations sociales, de classes et de couleur dans le contexte passé et présent haïtien. En fait, elle renvoie et résume la question de couleur et de classes à des privilèges superficiels, accessibles à ceux ayant les moyens. – ce qui est faux -.
Mais surtout, elle fait fi des structures établies et de l’idéologie dominante qui sous-tendent et renforcent les différents statuts économiques et sociaux, liés à la couleur de la peau.
Donc, le noir, en étant riche, perd son identité et bénéficie d’une promotion sociale, celle de devenir mulâtre, puisque sa place et son environnement naturels, ce serait d’être pauvre ; surtout s’il veut garder son identité et rester noir. Son gîte naturel est de fait, la pauvreté.
En revanche, le mulâtre, dont le statut naturel est qu’il soit riche, se trouve rétrogradé à être noir s’il ne l’est pas.
Alors, il faut déduire l’ordre naturel des choses, si tout le monde devait garder sa place : Noir = Pauvre; Mulâtre = Riche. Et le Noir qui devient riche est un traite alors que le mulâtre qui devient pauvre est une victime.
Voilà la logique et l’idéologie dont fait usage Michel Soukar sur Magic9, pour se positionner faussement en intellectuel progressiste de gauche dévoué à la cause de la paysannerie. Chemin faisant, il réinvente l’histoire d’Haïti, fait la promotion de Pétion par la petite porte et assassine la mémoire de notre Empereur une énième fois.
Sa méthode n’est pas nouvelle. Il s’agit de nous offrir un héros, en la personne d’Acaau, pour mieux en détruire un plus grand.
Soukar ne s’est pas trompé ou mal exprimé. N’importe quel marxiste adulte, qui aurait un tout petit peu voyagé saurait pertinemment, que dans ce monde, le Blanc reste ‘Blanc’, avec tous les privilèges que cela comporte, avec ou sans argent. A contrario, le Noir reste ‘Noir’, avec ou sans argent et fondamentalement, ne saurait se substituer au Blanc. Surtout avec les stigmates découlant de trois cents ans d’esclavage déshumanisant d’après le Code noir.
En Haïti, depuis l’assassinat de Dessalines, il y a un privilège inhérent à être mulâtre, blanc et maintenant, Arabe. Avec ou sans argent.
La notion en elle-même est biaisée et trompeuse. En effet, le Noir doit d’abord travailler pour devenir riche avant d’être considéré mulâtre. Il apparaît donc plus important d’être mulâtre que d’être un Noir riche.
Mais en réalité, la situation de la paysannerie haïtienne, des masses noires ou des mulâtres, sur l’échelle économique et sociale n’est pas du tout la préoccupation de Soukar. Il a seulement besoin d’un justificatif pour semer son venin mulâtriste et nous préparer à une éventuelle candidature mulâtresse. Car, si on lui avait demandé de qualifier le statut de l’Arabe arrivé pauvre en Haïti et devenu riche, il nous aurait probablement répondu que ce sont de rudes travailleurs.
Chapitre II
Le mensonge inhérent dans la thèse de Soukar:
Soukar nous apprend fièrement qu’Acaau était un illettré, une affirmation sans argumentaire, véhiculée sur la plupart des Noirs qui ont fait l’Indépendance. Il est certain que Goman ni Acaau n’ont fait les belles lettres ni eu un parcours académique classique, comme ce fut le cas pour Pétion et les mulâtres qui ont étudié en France. Mais aller jusqu’à dire qu’il était illettré est du domaine de l’imagination de Soukar. Ils devaient être au moins tous allés à l’école de la révolution antiesclavagiste, n’est-ce pas ? Qu’un soi-disant marxiste, même élitiste, adepte de l’école marxiste de l’expérience, de la pratique et de la maîtrise, les qualifie d’illettrés relève purement du racisme.
Tout arrogant et intellectuel qu’il soit, Michel Soukar n’a fait aucun effort pour détecter et analyser toute faille éventuelle dans la déclaration d’Acaau. Il a préféré en trafiquer le propos pour satisfaire son agenda politique et idéologique propre. Agenda qui consiste à faire fi des structures établies et de l’idéologie raciste dominante, pour en innocenter les bénéficiaires.
Une simple observation à l’arrivée de l’aéroport international Toussaint Louverture nous expose la réalité que décrit Acaau. Les portefaix, tous Noirs, approchent en tout premier lieu les voyageurs blancs et mulâtres pour les aider avec leurs bagages, comme si les autres n’existaient pas. Les quelques mulâtres qui ne sont pas abordés sont ceux qui ont la mine fermée, et ceux réputés ‘fauchés’. Ils traînent alors leurs propres bagages. La diligence et le choix des portefaix sont vraisemblablement dus à une présomption de richesse envers les Blancs et les Mulâtres et à un espoir de récompense financière.
En deuxième lieu, ce sont les officiels du gouvernement, les hommes noirs du milieu politique et économique (généralement, connus) qui sont sollicités. Ils sont costumés ou ils portent des vêtements et des chaussures de marque. Le reste des voyageurs, pour la plupart des noirs, sont royalement ignorés et se débrouillent avec leurs propres bagages. Il est entendu qu’ils n’ont ni les moyens ni la culture du pourboire. Au parking des VIPs, la plupart des blancs, les mulâtres et les noirs influents rejoignent leurs chauffeurs et agents de sécurité. Ils se disent au revoir, se font la bise et partent tous ensemble, noirs, blancs et mulâtres, en convoi.
Ainsi, Acaau, selon la lecture de Soukar, aurait pu, de façon fort simpliste, en déduire que les Noirs qui sont riches sont traités et se comportent comme des Mulâtres, et les Mulâtres pauvres sont ignorés comme des Noirs.
Cependant, la scène à l’aéroport Toussaint Louverture ne raconte pas toute la réalité. Et, ça, Soukar le sait. Si nous voulons connaître la réalité effective des privilèges liés à la couleur de peau, il nous faudrait faire un inventaire des propriétaires de banques, des importateurs de carburant, des concessionnaires de voitures, des propriétaires de grandes industries, l’inventaire de ceux qui contrôlent les moyens de production, l’exportation et l’importation. Ou alors, l’inventaire des oligarques. Ne serait-ce pas là, la démarche d’un vrai historien, marxiste de surcroît ?
En passant, les portefaix, qui se retrouvent les mains vides, ont tout le loisir d’aider les mulâtres qui ont la mine au front et sont fauchés, à titre gracieux !
Soukar aurait pu se contenter de mettre les oligarques du secteur privé, les politiciens noirs et mulâtres dans le même panier pour faire son »analyse ». Mais non, son objectif était de détruire Dessalines et d’humilier le peuple.
Chapitre III
Les bases idéologiques du discours de Soukar.
Il est déplorable que le discours du marxiste/intellectuel haïtien ait été dogmatiquement introduit en Haïti, par des intellectuels bourgeois qui ont étudié en France et qui ne juraient que par la lutte des classes et la dictature du prolétariat blanc, selon Karl Marx. Et cela, même quand ce prolétariat n’existait pas encore en Haïti et dans la plupart des pays dits du Sud. Marx lui-même avait ignoré les luttes des peuples du Sud et de l’Asie, jusqu’à faire une boutade sur le pouvoir de Soulouque. Son modèle s’est appuyé sur la France, l’Allemagne, en fait l’Europe occidentale. Pas une parole pour les colonisés et les esclaves noirs. La perspective eurocentrée de la lutte des classes importée en Haïti, n’a jamais donné de résultats politiques probants, sinon quelques productions littéraires importantes, des analyses théoriques de bonnes factures, bien que sans application pratique sur le terrain. À force de nier la réalité de la société haïtienne et les vraies contradictions en son sein, particulièrement la question agraire, celles de la langue nationale, de la religion et la question de la couleur, qui constituent l’essence même de l’identité haïtienne, les marxistes haïtiens n’ont jamais su s’implanter réellement dans le pays, ou apporter des solutions. Ils ont fini par s’aliéner des masses noires et sont devenus, de fait, leurs ennemis et les alliés de la bourgeoisie majoritairement mulâtre. Leur dogme se heurtait à une réalité qui n’était pas dans les classiques marxistes. Ils se sont retrouvés dépourvus et confus, car les masses travailleuses haïtiennes n’étaient ni blanches ni prolétaires.
L’arrivée au pouvoir de François Duvalier qui a fait de l’établissement d’un pouvoir noir en Haïti son cheval de bataille, les embryons de luttes anti-impérialistes dans la région aidant, a donné un nouveau souffle au mouvement communiste/marxiste haïtien. Il y avait, en effet, non seulement une dictature qui n’était pas prolétarienne à combattre, mais également un pouvoir qui faisait la promotion des noirs au lieu du prolétariat. Ce nouveau souffle a du même coup, consacré le mouvement communiste/marxiste haïtien, comme étant un mouvement de mulâtres.
Dans cette perspective du marxisme dogmatique, il faut ignorer et, si possible, éliminer tout ce qui ne correspond pas à la vision étroite du marxisme et de la lutte des classes. Il faut substituer toute lutte ou revendication spécifique des peuples noirs/chinois ou arabes, en une lutte prolétarienne. Pour ce faire, il faut s’opposer à leurs revendications, à leurs mouvements, à leurs aspirations, voire à leur histoire. Si possible, il faut détruire leurs symboles et leurs leaders.
C’est la raison pour laquelle, ces marxistes intellectuels sont devenus les alliés incontestables des bourreaux de ces peuples. Voilà pourquoi, Karl Marx a dénigré Soulouque ; Staline n’a pas soutenu Mao Tsé-Toung au début de sa lutte de libération nationale; et c’est ce qui explique que Michel Soukar traite Dessalines, Toussaint et Christophe de voleurs.
L’intellectuel marxiste/communiste haïtien est foncièrement, et des fois, malgré lui, anti-noir.
C’est pourquoi il ne s’intéresse pas à l’Afrique, ni aux luttes de libération nationale, ni aux injustices (comme le franc CFA), pratiquées sur ce continent.
Voilà ce qui explique qu’un marxiste à posture révolutionnaire, disciple du soi-disant visionnaire Acaau a pu quand même s’associer à un groupe politique à la solde de pays étrangers, particulièrement la France, dont l’un des objectifs était de boycotter la célébration du bicentenaire de l’Indépendance.
Il ne peut pas se justifier en prétextant avoir été ignorant de la lutte d’Acaau à cette époque-là, puisqu’il prétend que son projet remonte à sa jeunesse.
Cependant, je ne souhaite pas faire l’analyse psychosociale d’intellectuels/communistes haïtiens, du genre de Michel Soukar, mais plutôt déposer une parole pour la jeune génération, pour leur dire qu’il ne faut jamais laisser le mensonge prospérer, particulièrement quand il s’agit de nos ancêtres. Qu’il faut se battre pour que la vérité et la science règnent. Et, que nous devons être prêts à périr pour elles et avec elles. Une façon de rallier ceux qui peuvent l’être, pour contribuer à sauver notre pays et notre histoire.
Chapitre IV.
La vérité historique, sur Dessalines et le phénomène Goman/Acaau:
Pour bien comprendre le phénomène Goman/Acaau, il faut d’abord revisiter les défis auxquels Dessalines faisait face, son projet et sa vision. Dessalines a voulu construire un État, militairement et économiquement fort. Il a fait construire des forts partout dans le pays afin de combattre un retour éventuel des forces occidentales, notamment de l’armée française. La constitution qu’il a promulguée en 1805 contient l’essentiel de sa vision et de sa stratégie, à savoir : que tous les Haïtiens étaient égaux, devraient avoir un métier, être de bons soldats, prêt à se battre et sont tous connus sous la dénomination de Noirs, quelle que soit la couleur de leur peau. L’article 14 de la constitution impériale n’était pas vu d’un bon œil par nombre de mulâtres. Gerin eut ainsi à déclarer que la progéniture d’un esclave ne saurait jamais être égale à la sienne.
Le conflit éclata ouvertement entre les mulâtres et Dessalines quand celui-ci prit les dispositions pour bloquer les tentatives des mulâtres du Sud de s’approprier les biens des anciens colons. Dessalines pensait que c’était l’État qui devait être fort et riche, pas les particuliers. Il fit rentrer tous ces biens dans le patrimoine des villes et des régions. La corruption avait déjà eu le temps de gangrener tout le Sud.
Les mulâtres commerçaient clandestinement avec les Anglais et les Américains, ce qui représentait un manque à gagner considérable pour les caisses de l’État alors même que ces pays ne nous reconnaissaient pas en tant qu’État. Les anciens affranchis et les hauts dignitaires de l’armée commencèrent à accaparer des terres, des habitations et des maisons que les colons français avaient abandonnées dans leur fuite. Ils arrivèrent même à fabriquer de faux titres de propriété jaunis avec de la fumée pour avoir un aspect d’ancienneté.
Soukar, voulant reconnaître le droit des Mulâtres à s’accaparer des terres et à hériter des biens des anciens colons au détriment des masses d’esclaves noirs devenus libres, estime que c’est Dessalines, le criminel. Se considérant comme un mulâtre honoraire et défendant la cause des siens, il souille la réputation de l’Empereur.
Néanmoins, n’en déplaise à Soukar, Dessalines mit un frein à toutes ces combines en réclamant la vérification de tous les titres de propriété. À cette occasion, il prononça des paroles qui signèrent son arrêt de mort : « De la même façon qu’on traite ceux qui volent des poules, des denrées ou du bétail, je ferai fusiller ceux qui ferment les yeux sur l’accaparement des biens de l’État…Avant de prendre les armes contre Leclerc, les Mulâtres, tout fils de Blancs qu’ils furent, ne recevaient aucun héritage de leur père. Comment comprendre que sitôt que nous avons chassé les colons, ces fils se mettent à réclamer leurs biens ». « Les Noirs dont les pères sont en Afrique, n’auront-ils donc rien » ?
Dessalines, en fait, faisait référence aux pères et grands-pères de Goman et d’Acaau.
Le 1e septembre 1806, Dessalines a passé une loi pour faire cesser le vol des terrains.
Gérin qui normalement signait les lois ne l’a pas signée. Dessalines l’a fait signer par son secrétaire privé, Boisrond Tonnerre. Un peu plus d’un mois plus tard, soit le 17 octobre 1806, l’Empereur fut assassiné. Sept jours après, Boisrond Tonnerre fut lui aussi assassiné en prison, sous l’ordre du général Gérin.
Certains leaders militaires noirs moins puissants, comme Goman, puis Accaau, n’ayant pas bénéficié des largesses de Pétion, se sont révoltés contre lui, avec comme objectif de déstabiliser son pouvoir. Christophe, qui avait réalisé que le coup d’État de Pétion avait été accompli avec l’appui de l’international, particulièrement de la France, s’est mis à consolider son pouvoir et à construire son propre État dans le Nord. En 1807, il a promulgué sa propre constitution.
C’est dans ces circonstances que Goman sous Pétion, et ensuite Acaau sous Boyer, réalisant que les deux avaient construit un pouvoir exclusivement au profit des Mulâtres, contrairement au projet de Dessalines, ont voulu renverser le pouvoir de Pétion puis celui de Boyer. Goman avait réussi à recruter et à faire cause commune avec certains Mulâtres pro-Dessalines, qui étaient en fuite, pour sauver leurs vies. Acaau a en partie hérité de cette alliance ou affection envers Goman, mais n’a pas pu convaincre certains militaires, généraux et nantis noirs au parlement de rejoindre ses rangs, bien qu’ils fussent tous dans l’opposition à Boyer. De jeunes mulâtres frustrés, revenus de France, sans emploi et gardés à l’écart du pouvoir de Boyer, étaient davantage animés par la ferveur révolutionnaire de l’époque, que les Noirs au parlement ou proches du pouvoir censé représenter le peuple, majoritairement noir. Plus tard, pour calmer la ferveur populaire, il y aura une succession de présidents noirs fantoches, auxquels Acaau ne s’était jamais identifié. C’est alors, et dans ce contexte qu’il a prononcé cette fameuse phrase : “Nèg rich se mulat, mulat pòv se nwa”.
Chapitre V.
Le cynisme de Michel Soukar:
En bon manipulateur de l’histoire, Michel nous dit que Pétion fut le premier à dire qu’il fallait donner des terres aux paysans. Mais, devinez quoi, aucune preuve n’existe en dehors d’une soi-disant lettre de Pétion, dont il attribue la préservation au courage de Myrtha Gilbert qui aurait été la seule à l’avoir publiée ; comme si elle l’avait publiée sous un pseudonyme, dans la clandestinité, de peur d’être guillotinée. Seuls des révisionnistes entre eux ont accès à cette lettre fictive.
Après avoir distribué toutes les terres aux mulâtres, et à certains généraux noirs, des dispositions furent prises par Pétion dans les articles 7 et 8 de sa constitution du 27 décembre 1806, afin de leur garantir leur butin. Il est clairement écrit dans l’article 8: “La propriété est inviolable et sacrée ; toute personne soit par elle-même, soit par ses représentants a la libre disposition de ce qui est reconnu de lui appartenir. Quiconque porte atteinte à ce droit se rend criminel envers la personne troublée dans sa propriété.” Ce qu’il faut comprendre ici, c’est qu’on se trouve dans le contexte de Décembre 1806, soit trois mois après l’assassinat de Dessalines. Il était encore question que Christophe hérite du pouvoir, et vraisemblablement pour continuer la politique agraire de Dessalines. De ce fait, Pétion a confirmé la possession des terres accaparées par les mulâtres, afin d’assurer leur allégeance. D’où la phrase : Quiconque porte atteinte à ce droit se rend criminel envers la personne troublée dans sa propriété. Ils sont tous devenus des propriétaires de fait.
Mais, pour bien apprécier le mobile criminel de Pétion et la complicité malsaine de Soukar, qui se pose en historien, il faut bien lire l’article 12 des dispositions générales de la Constitution impériale de 1805, de Dessalines :
Art. 12. Toute propriété qui aura ci-devant appartenu à un Blanc français est incontestablement et de droit, confisquée au profit de l’État. Notons qu’il a précisé »blanc français ». Cet article ne s’appliquait pas aux Polonais.
Voici, dans un seul article, ce qu’était la vision de notre grand génie et libérateur. Tous les pays à vocation socialiste et nationaliste vont adopter ce concept, plus de cent ans après Dessalines. Cependant, selon le marxiste Soukar, quand un blanc nationalise les terres au bénéfice des blancs, c’est du socialisme. Par contre, quand c’est un Noir au bénéfice du noir c’est du vol. Notons en passant que Dessalines n’a laissé ni bien ni héritage. Dans sa Constitution, sa famille n’était pas l’héritière de son trône.
Qui est donc Michel Soukar, pour venir souiller l’image d’un tel homme ? On n’ose imaginer le sort qu’il aurait eu s’il avait déshonoré un tel symbole dans un pays musulman… Mais certains d’entre nous, les Haïtiens, avons un peu perdu le don de l’essentiel et la portée de notre valeur. Soukar devrait s’en réjouir.
Le 20 avril 1807, soit un an après, une fois qu’il était devenu clair que son pouvoir n’était pas menacé, le sénat de Pétion, rédigea une loi traitant de la question agraire, consolidant les droits de propriété des Mulâtres en imposant les limites aux Bossales/Noirs et en mettant des restrictions à leurs mouvements. L’article 1 de cette loi en dit long : “tout cultivateur actuellement propriétaire de n’importe quelle quantité de terres, en vertu de titre légal sera maintenu dans sa propriété, pourvu que dans l’an et jour, il est établi en cafés, cotonnier ou autres denrées. La femme mariée suivra la profession de son mari, avec leurs enfants en bas âges. Ceux qui ne le seront pas pourront se marier dans l’année, s’ils veulent jouir du bénéfice de la loi.”
Voilà que Pétion non seulement, concède de vastes terres aux mulâtres, mais fait immédiatement de leurs familles des héritiers, au détriment de l’État.
Qui pis est, l’article 2 précise que les Mulâtres ne peuvent pas acquérir moins de 10 carreaux de terres, tandis que, comme l’avait prédit Dessalines, les Bossales dans les montagnes dont les pères étaient en Afrique n’ont rien eu !
Le vagabondage agraire des mulâtres que Dessalines avait voulu éviter, s’était tellement répandu sous Pétion, que Boyer arrivé au pouvoir après avoir éliminé Goman, a voulu faire une ouverture, pour retourner à la politique de Dessalines, afin de calmer l’insatisfaction populaire. Quand il réalisa, qu’il pourrait y laisser sa peau, il s’est ravisé et a même renforcé l’application de la politique de Pétion.
J’espère bien croiser Soukar prochainement. Peut-être qu’il aura alors la copie conforme de cette lettre de Pétion, dans sa poche. Ces intellectuels et historiens mulâtristes trouvent toujours un dernier document sorti d’un chapeau, comme par un tour de magie, pour justifier leurs affirmations douteuses, pour réhabiliter leurs idoles, ou défendre leurs patrons impérialistes. Il en était de même, lorsque le New York Times a publié des articles sur le crime français de la dette de l’indépendance. Pour défendre leurs patrons français, ils ont cette fois-là sacrifié, leur idole, Pétion. Ils ont vraiment le sens des priorités. Ils étaient plusieurs à faire valoir que ce n’était pas la France qui avait réclamé la dette. Selon eux, c’était plutôt Pétion qui l’avait proposée, dans une lettre à la France. Quelle supercherie ! Un président en fonction qui propose un dédommagement à une puissance coloniale pour la perte des revenus provenant de l’esclavage ! Ils en sont venus à dire que Pétion espérait une ristourne. Si Pétion a effectivement fait cette proposition, ce serait une preuve de plus de la trahison des Mulâtres, sous son leadership. Si cela était vrai, comment des intellectuels progressistes, ont-ils accepté que la commune la plus importante de la ville porte son nom? Le nom de celui qui a tué l’empereur, qui a dirigé un coup d’État, changé le drapeau et la Constitution du pays? Il faut être un marxiste haïtien, comme Michel Soukar, pour justifier tout cela. Vraiment, comment célébrer un Pétion, au détriment d’un Toussaint Louverture, d’un Henry Christophe, du Grand et Immortel Jacques 1e ?
Soukar a affirmé, sans donner de sources, que Dessalines aurait tué Lamour Dérance et pris son drapeau, le drapeau noir et rouge. Mais, il ne nous dit pas où se situe le problème. C’est dans son timbre de voix qu’on peut déceler qu’il décrit un acte de vagabondage : en sous-entendant que Dessalines n’aurait été qu’un vulgaire tueur, usurpateur de drapeau. C’est ça l’arrogance mulâtre.
Sans entrer dans les différends qui opposaient l’armée indigène, sous la direction de Toussaint, et ensuite Dessalines, aux troupes de Lamour Derance, notons que Dessalines fut nommé empereur par acclamation, par l’ensemble des généraux qui ont fait la guerre de l’Indépendance. En 1805 il promulgue la première Constitution haïtienne et hisse le premier drapeau haïtien, un drapeau noir et rouge. Qu’il ait choisi le drapeau flotté par Lamour Derance, c’est tout à son honneur et à l’honneur des Bossales. En plus des couleurs symboliques du drapeau, c’était un hommage certain au courage et à la contribution de ces Bossales, dans la guerre de l’Indépendance. D’ailleurs, Dessalines s’est toujours soucié du sort et du bien-être du peuple haïtien, à l’époque, composé en majeure partie de Bossales. C’étaient les intérêts du peuple et des Bossales qu’il avait en tête, lorsqu’il a interdit aux mulâtres d’accaparer les terres pour eux-mêmes.
Soukar, comme la plupart des historiens révisionnistes, ne peut contester que le drapeau original d’Haïti est le drapeau noir et rouge. Il préfère se réfugier dans le dénigrement, pour souiller le Drapeau de l’empereur, notre Drapeau, le Drapeau fondateur de notre Nation ! Comme diraient les Américains: “Shame on you, Michel!”
Chapitre VI.
“Les politiciens haïtiens: le problème”, ou le racisme honteux des intellectuels mulâtristes:
Soukar s’acharne à nous rappeler qu’Acaau était un illettré qui avait vu juste. Un génie conjoncturel de l’histoire, dont la découverte de la primauté des questions économiques et sociales sur le discours de couleur, jugé démagogique, est encore valide aujourd’hui, plus d’un siècle plus tard. Soukar fait sa propre interprétation des propos d’Acaau. Il trafique la vérité, et il nous ment!
Acaau réclamait certainement des terres pour les paysans, c’était une réclamation juste, populaire et stratégique, afin d’élargir sa base sociale. Il avait même l’appui de certains noirs qui étaient au parlement et dans l’armée. Mais, il n’a jamais nié ni minimisé la question de couleur. De fait, la revendication principale et première d’Acaau, dès qu’il a été à la tête des piquets, c’était d’avoir un président noir. À telle enseigne, après le départ forcé de Boyer du pouvoir, pour donner satisfaction à sa base sociale comme aux masses et atténuer les troubles politiques, ce ne sont pas des terres que les mulâtres ont cédées, mais plutôt, la présidence avec une succession de présidents noirs, de doublure. Des incompétents, qu’ils ont choisis sur le volet, jusqu’à ce que Soulouque veuille s’affirmer et se déclare empereur. Et, vous l’avez bien deviné : il est tombé, victime d’un coup d’État.
Mais, ce que Soukar veut vraiment, c’est nous faire oublier qu’aujourd’hui encore, à plusieurs égards, nous vivons sous l’égide du crime et du coup d’État de Pétion, contre lequel Goman et par la suite, Acaau ont lutté. Coup d’État dont Soukar est l’un des promoteurs et héritiers tardifs. Bien sûr, il y a eu des intermèdes, mais une partie du secteur privé, certains nantis, les historiens et intellectuels de services, les ‘Conzé’ de toutes les couleurs et la communauté internationale sont toujours au rendez-vous pour nous faire revenir à la “norme” – intervention militaire – occupation – correction démocratique – élections truquées – et j’en passe. En deux cents ans, les mêmes forces nous ont empêchés de célébrer notre indépendance. Soukar, comme un bon intellectuel de service, nous dit que nous n’avons rien à célébrer, pas d’histoire, pas de héros, pas d’Indépendance. Juste un groupe de vandales, pro-esclavagistes, qui se sont réunis à l’Archaie pour voler les terres des colons de Saint-Domingue. Ensuite, un premier janvier 1804 qui ne vaut rien, puisqu’ils se sont réunis pour se créer un pays pour eux-mêmes. Quelle ignominie, quelle honte, pour quelqu’un qui se targue du titre d’historien, et d’Haïtien. Soukar non seulement prend ses distances par rapport à notre histoire, notre pays et nos héros, mais il n’est même pas reconnaissant de ce que ce pays ait accueilli ses arrière-grands-parents. Même quand il aurait cru tout ce qu’il imagine, il aurait pu faire honneur à l’histoire, respecter un tant soit peu la vérité historique, s’en tenir aux faits, par décence et faire honneur à son aspiration d’historien.
Mais hélas, revenons à la simple et banale vérité, Michel n’en a rien à cirer d’Acaau, ses nombreux ouvrages constituent une plateforme pour faire la promotion du mulâtrisme et manifester son racisme latent. Dans un, de ses ouvrages, intitulé: la dernière nuit de Cincinnatus Leconte, il dit: “depi sou longè bwa nen misye, ou wè li konnen ki kote li pwale”. Ces genres de déclarations sont à l’origine de manifestations et de boycott aux États-Unis. En Haïti par contre, nous avons développé une tolérance excessive envers le racisme et les racistes.
C’est fort de cette tolérance que Soukar se sente libre de débiter ses diatribes sur Dessalines et notre pays, jusqu’à dire, “il n’y a pas de problème de couleur en Haïti, ce sont les politiciens qui utilisent cette question pour manipuler les masses.”
C’est le comble de l’indécence. Soukar a dû être tombé sur la tête, et les journalistes de Magic9 ne s’en sont pas rendu compte. Oui, cela arrive même aux marxistes. Je ne pense pas qu’il croit à son propre discours, mais je ne peux pas imaginer qu’il soit assez arrogant pour le prononcer à haute voix. Car même en France, les racistes de l’Extrême Droite comme Éric Zemmour se donnent une certaine limite dans l’expression de leur haine de l’autre, en respectant l’humanité des gens et leur histoire. Soukar n’a pas su faire ce minimum.
Croit-il vraiment, que les problèmes de couleurs existent en France, aux USA, aux Japons, en République Dominicaine, en Chine, en Russie, en Italie, en Allemagne, au Liban, au Turkménistan, en Afrique du Sud, en Ukraine, pour ne citer que ceux- là… (on pourrait même dire que l’histoire de certains de ces pays, c’est en partie, l’histoire du racisme), mais, pas en Haïti? Oops, pas de problème de couleur ! Bien sûr, selon Soukar, le pays qui a sauvé l’humanité du système esclavagiste connaît toutes sortes de maux : problèmes économiques, eau potable, éducation, inégalités de tout genre, problèmes environnementaux, de gouvernance, d’ingérences étrangères, mais pas de problème de couleur ? Il est tombé deux fois sur la tête.
Soukar n’est pas le seul dans cette bulle soi-disant marxiste, et cette campagne de nier aux masses noires, leur propre expérience et réalité du racisme. Toutes les voies privilégiées, mulâtristes et bénéficiaires du statu quo, s’accordent à faire croire que ce sont les politiciens qui sont responsables de tous les maux du pays. Politiciens ? Un vocable qui veut dire noir en Haïti, et qui ne s’applique ni à Maxime Roumer, ni à Boulos, ni à Apaid, ni à Michèle Pierre-Louis, ni à Baker; ni même aux Noirs qui sont considérés comme des Mulâtres tels que Préval, Alix (Boulon) Fils-Aimé, ni même à Jerry Tardieu, Laurent Lamothe, Bernard Gousse, Frantz Large, Ted Sindic ou même Maryse Penette, Thierry Mayard Paul, Marie Michèle Rey, Myrtho Flambert, Michel Clérier, Leslie Delatour, Leslie Voltaire, pour ne citer que ceux-là. Selon le discours mulâtriste, ce sont tous des gens de bonne volonté qui sont venus aider, ils sont au secours de la Nation. Cette distinction s’étend à Pétion tout comme à Cédras.
Mais, quel est le bien-fondé de cette accusation faite aux politiciens noirs ? Certains de ces politiciens sont souvent incompétents et corrompus, certes. Mais, cela ne devrait pas constituer une justification pour les noirs de ne pas diriger leur propre pays. Au Liban, où la situation de corruption et de pauvreté est pire qu’en Haïti, personne n’argue que les Libanais sont tous des voleurs et ne devraient pas diriger leur pays. Le pire, c’est que le racisme existant au Liban fait que les noirs ne peuvent même pas y séjourner ou y vivre.
Il faut reconnaître que ces politiciens sont mis en poste par les membres de l’élite économique qui les financent, ou par la communauté internationale qui les contrôlent, ils sont à leur solde. Le problème fondamental est que l’élite économique qui contrôle les ressources du pays n’a rien à voir avec le peuple haïtien ou avec leurs désidératas. Elle n’a aucun sentiment d’appartenance avec les masses, ne partage pas leur religion, méprise leur langue, leur culture et se soucie peu de leur bien-être. Ses ressources financières et le soutien de pays étrangers puissants font qu’elle a le contrôle effectif des finances du pays et du pouvoir. Les politiciens ‘Noirs’ qui résistent à cet état de fait sont chassés du pouvoir, victimes de coups d’État, ou plus récemment d’assassinats.
Le Député Gary Bodeau, prétendument riche, a été dernièrement sanctionné par les États-Unis, pour avoir collecté près de $8,000.000.00 du secteur privé haïtien, à distribuer aux parlementaires, en vue de l’approbation du choix d’un premier ministre réputé corrompu. Voilà donc un parlementaire noir, qui collecte de l’argent pour faire approuver un politicien noir réputé corrompu. Par contre, personne ne pose la question de savoir: qui sont ceux qui ont financé cette mobilisation de ressources pour un montant aussi élevé. Les Américains n’ont pas partagé la source de ces fonds; les journalistes ne l’ont pas investiguée ; Soukar n’en a pipé mot. Les Noirs riches, sont-ils vraiment des mulâtres?
Deuxième Partie.
Chapitre VII.
Les chapeaux de Michel Soukar:
Soukar doit se décider. Est-il un historien haïtien, un propagandiste mulâtriste au service de la colonisation, un marxiste-léniniste, ou les trois, à la fois ? Peut-être est-il encore confus, car n’arrivant pas à bien les distinguer ou à les combiner ?
En tant qu’historien haïtien, Soukar devrait savoir que le mouvement de Goman et ensuite, celui d’Acaau étaient tout à fait secondaires par rapport aux grands courants et enjeux politiques de l’époque. C’étaient des mouvements de révolte régionale, dans des périodes de troubles ; méritoires, à plusieurs égards, mais trop faibles et marginaux pour réussir. Leur force de frappe par rapport aux ressources de l’État était faible et l’adhésion populaire à leur cause était trop limitée pour leur permettre de réussir une prise du pouvoir par les armes.
Soukar utilise Acaau pour défaire ce qui est grand dans notre révolution, dans notre histoire, dans notre indépendance. Un rêve dit-il, qu’il caresse depuis sa jeunesse. Mais pour ce faire, il a fallu qu’il se pose en progressiste. Car, n’était-ce pas le cas, comment aurait-il pu arriver à un tel niveau de pollution dans son discours ?
En tant que propagandiste mulâtriste au service de la colonisation, Soukar aurait dû savoir que certains de ces Mulâtres sont arrivés en Haïti avec l’armée française pour rétablir l’esclavage. Ayant appris le plan de trahison de la France de les utiliser contre les Noirs, ensuite les tuer et réduire certains d’entre eux en esclavage, ils se sont rebellés. Mais ce sont surtout les massacres commis en Martinique et en Guadeloupe, où des Noirs et des Mulâtres sans distinction ont été tués et enterrés dans des fosses communes, qui les ont convaincus à rejoindre les rangs de l’armée indigène, sous le leadership de Dessalines. Certains historiens concèdent à Dessalines son génie et son courage lors de la bataille de la Crête-à-Pierrot contre les Français. Mais, comme par hasard, ils omettent toujours de dire que c’était Pétion qui canonnait la crête. Si le précepte marxiste, dont Soukar est un adepte, est vrai, que l’histoire moderne est marquée par la lutte des classes, il n’est pas moins vrai que l’histoire révolutionnaire de Saint-Domingue, devenue Haïti, est caractérisée par la lutte des Noirs contre les Blancs et leurs suppôts mulâtres pour sortir de l’esclavage et créer un pays. Nous avons réussi une révolution antiesclavagiste, antiraciste et anticolonialiste, mais pas, selon Soukar, une révolution prolétarienne.
Oui, il y a eu cette alliance historique scellée à l’Archaie, trahie par la suite par les Mulâtres avec la complicité de certains généraux noirs qui spolièrent les masses des Bossales et les Noirs dans leur ensemble. Ce sont ces complices noirs que Soukar met au pilori, pour mieux absoudre les vrais auteurs de cette trahison et leurs alliés internationaux. Et finalement, rendre les noirs sans distinction aucune, responsables de tous les maux du pays. La réalité est qu’à la naissance d’Haïti, le pays est un pays de noirs, comme l’a promulgué l’empereur dans son article 14. Il sera par la suite pris en otage par un groupe de noirs, issus de l’abus fait à leurs mères, avec la complicité de leurs pères bourreaux. C’est pourquoi un propagandiste mulâtriste devrait avoir la décence d’être prudent et de ne pas trop mordre les mains qui nourrissent les mulâtres… et les Arabes.
En tant que marxiste, Soukar devrait savoir que dans toute grande révolution, comme celle qui a été la nôtre, il y a toujours eu des courants marginaux, des groupes qui ont des projets et réclamations justifiés ou intéressés en dehors des grandes visées de la révolution. Et des fois, on retrouve des forces puissantes qui constituent un courant majeur, à l’intérieur même de cette révolution et qui dans certains cas, peuvent même causer son échec. On l’a vu en Russie avec Trotsky, en Chine avec Tchang Kaï-chek, aux USA avec les confederates, ou même John Brown. Et, cela a été également le cas en Haïti avec les mulâtres, ayant à leur tête Pétion. Dessalines avait compris le sens de cette alliance historique et de l’opportunité de l’union avec les Mulâtres, pour chasser définitivement les Français. Ainsi, les Mulâtres ont joué un rôle, non déterminant, mais important, dans la guerre de l’Indépendance, à l’exception de Pétion qui, selon certains historiens, n’était pas sur le champ de bataille de Vertières. Ce sont les masses d’esclaves noirs, particulièrement les Bossales qui se sont battus. Avec à leur tête, principalement des généraux et officiers noirs, en qui elles avaient confiance et une expérience de lutte sous leur leadership. Cependant, Dessalines avait compris que les Généraux mulâtres, tels que Rigaud, Gerin et Petion, contre lesquels il s’était battu par le passé, avaient une expérience de combat et de gestion de troupes, qu’il estimait utile à la réussite de sa campagne pour défaire l’armée française. C’est ainsi que dans le haut état-major de l’armée Dessalinienne, on pouvait compter beaucoup d’officiers mulâtres : Geffrard, Ferou, Gabard, Magloire Ambroise, Vernet, Pétion, Cangé, Romain, Lavaud, Christophe et François Capois (dit Capois Lamort).
Voilà un général qui a commandé l’armée la plus glorieuse de l’histoire de l’humanité, qui est le premier à mettre en échec de la manière la plus absolue l’armée napoléonienne… Soukar le traite de voleur! Parce qu’il a évincé des blancs? Parce que la gloire d’avoir fondé la première république noire et libéré l’humanité de l’esclavage lui revient? Dans un pays qui se prend au sérieux, Soukar aurait eu à rendre des comptes à la justice.
Soukar sait très bien qu’en France, s’il avait nié publiquement l’existence de “l’holocauste juif”, il serait allé en prison.
Son discours est issu de son statut de mulâtre d‘origine arabe, privilégié, même sans un sou, le cas échéant. Découvrez par vous-même, que le mulâtre pauvre, n’est pas, et je reprends, n’est pas un noir ! Être mulâtre en Haïti, c’est déjà en soi le privilège qui en apporte d’autres. Soukar, pour être conséquent, serait-il prêt à échanger son statut de “mulâtre d’origine arabe” même pauvre à celui de noir riche? S’il l’avait considéré, il ne se serait pas exprimé ainsi à propos des pères, d’origine africaine de l’indépendance.
Tous les Noirs ne sont pas des saints, des patriotes, ni des vendus devenus mulâtres quand ils ont un peu de sou. De même que tous les mulâtres ne sont pas des apatrides, des putschistes et des pilleurs. L’entourage immédiat de Dessalines l’a même déjà bien prouvé. Mais les structures sociales et économiques du pays prêtent la tendance à ces réalités. Aux États-Unis, tout comme en République Dominicaine ou ailleurs dans le monde, le fait de la discrimination et du racisme est structurellement et culturellement entretenu par ceux qui détiennent en main l’économie et les moyens de production et qui du coup, sont les garants des structures du statu quo, du racisme agissant. La plupart des politiciens sont à leur service. Sans entrer dans les détails, Haïti n’échappe pas à cette réalité.
L’accusation de Soukar: que l’histoire officielle d’Haïti est une version noiriste, est fallacieuse et méprisante. Soukar, en tant que marxiste, censé être doué d’un minimum de capacité d’analyse, doit se rendre à l’évidence que tout comme les États-Unis sont un pays de Blancs depuis l’extermination des natifs, l’Afrique du Sud est pays de Noirs et ce, même pendant toute la période de l’apartheid ; la Chine est un pays de chinois; Haïti est un pays de noirs!
Chapitre VIII.
L’accusation noiriste:
Les jeunes ne devraient pas se laisser intimider par ce terme de: noirisme, utilisé en général comme une accusation pour mettre les personnes noires sur la défensive. C’est un vocable qui cache un racisme peu subtil, qui sous-tend que les personnes noires n’ont pas d’intérêts ou alors, pas d’intérêts qui méritent d’être défendus. Comment se fait-il que les Blancs défendent leurs intérêts et s’approprient des privilèges qui leur sont uniquement réservés, mais que jamais, ils n’ont été accusés de blanchisme. Les Chinois se réservent des droits qui leur sont propres, ils ne sont pas accusés de jaunisme; les mulâtres en Haïti se réservent des secteurs économiques qu’ils sont les seuls à contrôler. Par contre, ils sont très peu dans le milieu académique à sciemment utiliser le terme mulâtrisme; les Arabes prennent des licences et se réservent le monopole unique sur certains produits et secteurs en Haïti, on ne les accuse pas d’être des arabistes. Mais, les noirs, hélas, doivent négliger leurs intérêts au profit du “bien commun”, même à leur propre détriment. “Bien commun” assez souvent qui bénéficie à un secteur bien particulier. Donc, quand Michel Soukar nous dit que la version connue de l’histoire haïtienne est noiriste, ce n’est pas seulement une déclaration raciste, mais il nous nie également notre histoire ainsi que notre humanité. Car dès lors, la promotion du noir et des intérêts noirs devient illégale et condamnable. Le terme noiriste même a un effet dégradant.
Quant aux termes blanchisme, jaunisme, arabisme, ils n’existent même pas.
Avec une telle mentalité et ce discours d’un homme censé être un érudit, comment éviter que nos jeunes aillent, au risque de leur santé, se faire blanchir la peau, trafiquer les cheveux ? Comment éviter qu’ils développent et assument une profonde haine de soi, d’Haïti, de l’Afrique et de sa diaspora… Michel Soukar, sur Magic9, leur dit: vous n’avez pas d’histoire, pas de héros qui vous ressemblent et finalement, pas de passé glorieux. Juste une transition de l’esclavage au présent. S’il faut être un noiriste pour affirmer le contraire, soyons tous des noiristes.
Comment réconcilier le différend noir/mulâtre quand le discours officiel mulâtriste est la négation de l’existence du Noir, parce qu’ils veulent s’identifier au Blanc, et souhaitent lui être serviles au détriment du Noir? De Dessalines à Jovenel, les Noirs au pouvoir ont toujours trouvé une façon d’accommoder les mulâtres et plus tard, les Arabes, quand ils n’étaient pas tout simplement à leur service. À chaque tournant, ce sont les Mulâtres qui ont trahi l’alliance. François Duvalier a dû utiliser des moyens forts pour garder le pouvoir, jusqu’à ce que son fils le remette aux mains des mulâtres. D’où l’ironie: le père François est haï par les mulâtres alors qu’ils se sont plutôt bien accommodés du fils, Jean-Claude. Presque leur idole !
Ni Dessalines, ni Christophe, ni Toussaint, n’étaient des noiristes, mais regardez le traitement qui leur a été réservé par Soukar.
Conclusion :
La question de classes et de couleur en Haïti est complexe et pernicieuse. La nier, faire semblant qu’elle n’existe pas, la rejeter d’un revers de main ne peut que profiter aux bénéficiaires du racisme institutionnel. Il en va de même quand on s’y réfugie pour jouer à la victime et qu’on manipule dans le seul but de partager le pouvoir et les bénéfices qui en découlent. L’une comme l’autre posture ne peut que contribuer à la continuité de cette réalité qui tient la nation en otage, et bloque l’élan nécessaire à son plein épanouissement.
En Haïti, les Mulâtres, des Noirs trafiqués ou mulâtres (deux termes, à mon avis, péjoratifs), et plus tard les Arabes font partie de notre réalité, mais ils constituent quand même une minorité. À observer la façon dont on traite les minorités dans d’autres pays, particulièrement les Noirs et les autochtones, ici ils sont au paradis. Nous sommes un peuple accueillant et souvent trop pacifique et tolérant. Historiquement, nous les avons tous intégrés ; souvent, à notre détriment. À ce titre, nos errements, nos manquements, nos déchirements, ainsi que nos prouesses passées, et accomplissements, devraient constituer notre héritage collectif. Ceux qui veulent le détruire doivent être considérés comme des ennemis de la Nation.
Le marxisme-léninisme est un outil d’analyse, mais surtout une science sociale évolutive, accompagnant l’histoire. On ne peut le figer dans le temps et à une époque. Est-ce pourquoi les pensées de Marx et d’Engels se sont depuis longtemps révélées insuffisantes pour analyser les grands mouvements et réalités sociaux survenus après leur époque. Cet outil d’analyse basé sur l’expérience de luttes des peuples a pu être complété par l’expérience et la pensée de Lénine et finalement l’expérience chinoise, sous le leadership de Mao Zedong.
Mais la réalité est que l’expérience et la pensée dessaliniennes sont le point de départ de cette science, dans notre partie du monde. Certains leaders révolutionnaires de pays du Sud ont souligné qu’à un moment de la durée, ils se sont inspirés d’Haïti dans leur lutte et de la pensée de Dessalines, le père du socialisme moderne, de l’internationalisme révolutionnaire et de la lutte antiesclavagiste et antiraciste. Si l’expérience marxiste a trouvé sa pertinence dans les mouvements sociaux de protestation d’une époque, si l’expérience et la pensée léninistes ont trouvé leur pertinence dans la révolution russe, sous le leadership de Lénine, comme étant la première révolution socialiste du monde ; la révolution chinoise et la pensée de Mao ont fait école comme étant la première révolution anti-impérialiste et aussi anticoloniale d’un pays dit du tiers-monde. Il faut reconnaître que l’expérience dessalinienne n’a pas seulement précédé toutes ces révolutions et porté en son sein les germes du modèle de société que ces révolutions cherchaient à créer, mais elle a réussi sur le champ de bataille et a été formulée dans la constitution de 1805. Dessalines y a fondé une Nation porteuse de tous les idéaux auxquels aspire cette partie de notre humanité qui rêve de bien-être, de justice et d’égalité sociale pour tous. Au-delà d’un discours ou d’un idéal à atteindre, il a implanté son internationalisme, manifesté par sa solidarité concrète aux pays de la région, mais surtout par sa conscience et par détermination d’avoir réussi à venger l’Amérique, l’Amérique des autochtones génocidés.
Voilà pourquoi, le « marxisme » et le racisme infantiles de Soukar ne doivent pas nous laisser indifférents, car il nous faut accumuler nos forces, afin de regagner notre place dans l’histoire et le concert des nations et offrir à Dessalines, la reconnaissance qui lui est due dans l’histoire universelle, dans l’histoire de l’humanité.
Pour finir, les inégalités sociales liées au statut social et à la couleur de peau ne peuvent être glissées sous le tapis. Cette question ne peut être justement traitée ni résolue dans l’autarcie des positions des uns et des autres. Sinon, le résultat sera la grande explosion éventuelle, qui peut-être offrira une solution inespérée. Cette solution sera brutale, cruelle et justifiée. Mais, cette solution comporterait également ses risques, si nous ne nous préparions pas à y faire face. Cette préparation inclut, à mon avis, des débats contradictoires sur la question. C’est dans cette optique également, à part mon indignation personnelle aux propos de Soukar, que je prends sur moi-même pour écrire ce texte. Mais c’est surtout, parce que nous avons un patrimoine à défendre. Ce patrimoine, il est noir. Noir de toutes les teintes comme l’entendait Dessalines. Nous comprenons que la réalité d’un monde de suprématie blanche fait que certains de nos frères et sœurs métis ont choisi l’autre camp et ses avantages – question de survie, pour eux – peut-être.
Peu importe, nous devons nous mobiliser davantage pour, non seulement rétablir la vérité sur notre histoire, mais surtout nous reprendre en main sans délai, confronter nos ennemis et les vaincre. Le moment venu, ceux qui nous rejoindront seront accueillis à bras ouverts. Les autres, nous les considérerons comme des ennemis à combattre, quelle que soit leur couleur de peau, car il s’agira de notre survie et de notre avenir.
- Vive Dessalines, vive Ayiti!
- Garaudy Laguerre..
Haïti-Observateur / ISSN: 1043-3783
Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, VOL. LIII, No. 23 New York du 28 juin 2023 et se trouve en P. 14, 13 à: h-o 28 juin 2023 et No. 24 du 6 juillet à : P. 13, 14 à : 06 July 2023