Dossier corruption : La Malaisie et l’État de New York font histoire
Le 9 mai courant, le peuple malais a fait histoire en élisant le chef de gouvernement le plus âgé au
monde, pour faire face à la corruption. En effet, Mahathir BinMohamad, 92 ans, a remporté la victoire aux urnes, mettant fin au régime de Najib Razak, 64 ans. Mohamad, appuyé d’une coalition composée même d‘anciens adversaires, a mis fin non seulement au pouvoir de Razak, qui dirigeait le pays depuis 2009, mais il a aussi renversé l’ordre des choses, déroutant le Front national qui a gouverné cette ancienne colonie britannique depuis son indépendance, en 1957, soit une soixantaine d’années d’hégémonie.
Le thème de la campagne de Mohamad déroulait autour des trois milliards cinq cents millions de dollars (3 500 000 000.00 $) qui ont été détournées de la caisse de l’État, dont sept cents trente-un millions (731 000 000,00 $) ont atterri dans des comptes privés du Premier ministre Razak. Par exemple, un collier en diamant pour Mme Rosmah Mansor, l’épouse du Premier ministre Razak, a coûté la bagatelle de vingt-sept millions trois cents mille dollars (27 300 000,00 $). On ne s’attardera pas sur les yachts luxueux de la famille ni sur ses multiples possessions, notamment des immeubles de grand prix, au pays même et ailleurs. À souligner, cependant, que le département de la Justice américaine a conclu qu’une forte partie des 3,5 milliards de dollars volés a été lessivée via des institutions financières aux États-Unis.
Le nonagénaire nouveau Premier ministre Mohamad a promis de combattre la corruption et les corrupteurs de tout acabit, ā commencer par Najib Razak, qui est interdit de laisser la Malaisie. Le lendemain de son investiture, le nouveau Premier ministre a ordonné une perquisition de la maison de Razak. En effet, dans son discours d’investiture, dans la soirée du 10 mai, Mohamad annonçait déjā la couleur, en disant : « Vous savez bien le désordre ambiant dans ce pays. Il faut nous pencher sur ce
désordre aussitôt que possible. Les principes d’un Ētat de droit seront appliquées avec une extrême rigueur. Si Najib a enfreint la loi, il devra faire face aux conséquences ».
On notera que Mohamad fut Premier ministre durant plus d’une vingtaine d’années, de 1981 ā 2003, et qu’il avait soutenu la campagne de NajibRazak ā la Primature en 2009. Mais, s’adressant aux électeurs récemment, il a dénoncé l’avarice de celui qui le considérait comme son mentor. « La plus grande bé- vue que j’aie commise de ma vie», a-t-il dit, « c’est d’avoir jeté mon dévolu sur Najib ». Bien qu’il ait été considéré un autocra- te, lors de son passage ā la Primature, Mohamad n’a jamais été accusé de voleur de fonds publics. Est-ce pourquoi même des anciens opposants ont mis de côté leur inimitié pour l’embrasser comme héros de l’anti-corruption sous la bannière d’une nouvelle coalition : « Alliance de l’espoir ».
Il est opportun de faire la comparaison avec ce qui se passe en Haïti par rapport aux 3,8 milliards de dollars qui ont disparu du Fond PetroCaribe. Mais le président Jovenel Moïse, contrairement à Mahathir Bin Mohamad, qui a rompu avec ses associés d’antan devenus des corrompus, est resté solidaire des cor- rompus de sa famille politique, responsables des déprédations qui ont appauvri davantage les plus démunis d’une nation en quête d’un aller mieux.
À New York, l’ex-président de l’Assemblée de l’état trouvé coupable de corruption
Sheldon Silver, 74 ans, réputé comme l’un des législateurs les plus influents de l’État de New York, a été trouvé coupable, une deuxième fois, le 11 mai courant, d’avoir empoché plus de quatre millions de dollars(4 000 000,00 $) dans des combines de corruption. Ayant investi ses millions, il aurait ajouté un autre million ā son magot. Lors de sa sentence, prévue pour le 13 juillet prochain, il pourrait écoper d’un long séjour en prison.
Silver, un démocrate, a été élu en 1976, comme représentant d’un district de Manhattan, ā l’Assemblée de l’État, ā Albany, la capitale de New York. En 2015, avant qu’il ait été accusé de corruption, il était considéré, avec le gouverneur Mario Cuomo et le leader du Sénat Dean Skelos, comme faisant partie du trio le plus influent de tout l’État de New York. À souligner que Dean Skelos a, lui aussi, été trouvé coupable, en 2015, de corruption, mais son jugement a été rejeté en 2017.
En 2015, un jury avait trouvé Silver coupable et une sentence de 12 ans de prison lui a été imposée. Ayant interjeté appel, et juge fédéral a rendu un verdict en sa faveur l’année dernière. Le magistrat indiquait qu’il manquait de précision sur la définition de corruption donnée au jury lors du premier jugement. Revenant à la charge, les procureurs, parmi eux Tatiana Martins, assistante de l’attorney général, le procureur en chef, a avancé que le jury avait, cette fois, accès ā « une montagne d’évidences ».
On attend le 13 juillet, quand la sentence de Sheldon Silver sera prononcée, pour savoir quel sort attend le puissant législateur. Il avait utilisé l’influence de son poste d’élu pour rançonner ceux qui voulaient passer à côté de la loi dans le brassage d’affaires personnelles qui les rapportaient des millions de dollars, millions ont ils laissaient tomber des miettes aux législateurs sans scrupule.
Ce qui nous fait penser aux paroles de Vincent Degert, l’ambassadeur de l’Union européenne en Haïti, lors de la fête de l’Europe, le 9 mai écoulé, à l’hôtel Montana, ā Port-au-Prince. Parlant de corruption et cité par Le Nouvelliste du 10 mai, il eut à dire : « Au delà des mots, des stratégies et des plans d’action, notre expérience nous enseigne, toutefois, que les mises en examen, inculpations et condamnations doivent faire partie d’un arsenal crédible et dissuasif ». De plus, il faut, dit-il, « un pouvoir judiciaire efficient et indépendant des deux autres pouvoirs, capable de dire le droit et de rendre une justice impartiale ».
Sans aucun doute, d’aucuns diraient qu’il s’agit d’« immixtion » dans les affaires internes de la « République corrompue d’Haïti » par un ambassadeur européen. Il y a plus de deux semaines depuis que cet « affront » a été infligé à une administration qui se dit souveraine. Qu’attend le gouvernement haïtien pour déclarer persona non grata l’amassadeur Degert qui dit la vérité sans fioriture ?
Une déclaration faite en privé devenu une condamnation de l’administration Trump
« Cela ne fait rien, d’ailleurs il se meurt ! » (“It doesn’t matter, he’s dying anyway!”). Telle est la déclaration de Kelly Sadler, prononcée le 10 mai par devant une vingtaine de ses collègues fonctionnaires au département des Communications, à la Maison-Blanche. C’était sa réaction vis- ā-vis du sénateur John McCain, qui s’opposait ā la nomination de Gina Haspel comme directrice de la Central Intelligence Agency (CIA), parce qu’elle était du nombre de ceux qui endossaient la politique de torture de prisonniers clés sous l’administration du président Gerge W. Bush. En tout cas, elle assumait le poste à titre intérimaire depuis le 26 avril, quand le directeur Mike Pompeo a pris les rennes au Département d’État. À souligner que le 17 mai, Mme Haspel, 61 ans, a reçu l’approbation du Sénat, 54 pour et 45 contre, devenant ainsi la première femme à occuper cette haute fonction.
Selon le principe biblique selon lequel que tout ce qui se dit en privé, dans l’intimité de la chambre, sera proclamé sur les toits des maisons, la déclaration de Ms. Sadler a vite fait le tour de l’Amérique, pour ne pas dire du monde. Sur toutes les chaînes de télévison, ā la radio, dans les journaux ā grand tirage et sur les réseaux sociaux, la boutade de Ms. Sadler faisait la une durant plusieurs jours.
Il faut comprendre qu’elle s’attaque ā un héros américain, pilote naval fait prisonnier durant plus de cinquante ans, lors de la guerre de Vietnam. Sénateur de l’Arizona, depuis 1986, John McCain a été réélu six fois, et en 2008 il était le porte-étendard du Parti républicain aux présidentielles face au sénateur Barack Obama, qui allait écrire une page d’histoire : le premier Noir à être élu président de la République étoilée.
Il en ressort que le sénateur McCain est un opposant notoire du président Donald Trump, républicain comme lui, mais qui fait à sa guise, piétinant les principes du parti. Donc, pour Ms. Sadler et bien d’autres fonctionnaires à la Maison-Blanche, il faut dénigrer le sénateur atteint d’un cancer cérébral mortel. « Cela ne fait rien, d’ailleurs il se meurt! ».
Les réactions fusent de toutes parts contre l’administration Trump qui n’a pas présenté des excuses au sénateur et ā sa famille. Le dimanche 13 mai, sur la chaîne CBS, au programme Face à la Nation, le sénateur républicain Lindsey Graham, de la Caroline du Sud, a exprimé son dégoût quant au traitement malveillant de son collègue républicain et insisté pour que la Maison-Blanche présente des excuses au sénateur McCain ainsi qu’à sa famille. De son côté, le sénateur Bernie Sanders, de Vermont, un indépendant proche des démocrates, candidat à la présidence aux élections de 2016, apportait a exprimé sa sp;odaroté ā la famille du sénateur sur la chaîne CNN, tout en fustigeant l’administration Trump.
D’autres personnalités politiques des deux partis se sont fait entendre dans le même sens. Toutefois, il revenait à Mitt Romney d’enfoncer le clou. Candidat au Sénat, ancien gouverneur du Massachussetts et candidat républicain malheureux en 2012, face au président Obama, M. Romney a déclaré, le 12 mai : « John McCain fait la grandeur de l’Amérique. père, grand-père, pilote naval, prisonnier de guerre, qui a gardé l’honneur, [il est] un homme d’État incomparable et redoutable. Ceux-lā qui se moquent de cette grandeur d’âme ne font que s’humilier eux-mêmes ainsi que leurs complices qui se taisent ». Sans citer de nom, il pointait du doigt le président Trump qui, lors de la campagne électorale, en 2016, avait insulté le sénateur McCain. Lors d’une prestation au sommet de l’organisation « Family Leadership », ā Ames, dans l’État d’Iowa, M. Trump avait lancé : « Il n’est pas un héros, (…) un héros parce qu’il a été capturé ? J’aime les gens qui n’ont pas été capturés ». À coup sûr, le proverbe français est à l’ordre du jour : « Le poisson pourrit parla tête ! »
Dans le dossier PetroCaribe
Le juge Paul Pierre s’est déporté de la connaissance du dossier PetroCaribe. Dans un communiqué de presse, en date du 14 mai courant, l’avocat André Michel a confirmé que sous fortes pressions des dilapidateurs des 3,8 milliards de dollars, le juge ne peut plus continuer ā faire son travail. D’ailleurs, il est en « désaccord » avec le commissaire du gouvernement qui, lui, avait demandé de se déclarer « incompétent » dans cette affaire. Selon Me Michel, « l’histoire retiendra que le juge Paul Pierre s’est déporté de l’affaire PetroCaribe pour avoir refusé de pactiser avec les corrompus ».
Le dossier ayant été ache- miné au greffe du Cabinet d’instruction, il reviendra au doyen Bernard St. Vil de procéder suivant les règles, savoir désigner un autre magistrat pour instruire l’affaire. Mais on peut comprendre déjà que tout juge désigné pour continuer l’instruction se trouvera sous les mêmes pressions qui ont porté le juge Pierre à jeter l’éponge. Dire que l’ambassadeur Vincent Degert, le représentant de l’Union européen- ne en Haïti, avait, dans un discours, le 9 juillet, à l’hôtel Montana, ā Port-au-Prince, appelé à l’indépendance du judiciaire pour enrayer la corruption. Et selon ses dires,la lutte contre la corruption fait partie des « priorités » du président Jovenel Moïse.
L’administration Moïse-Lafontant : Annonce prochaine d’une hausse du prix des produits pétroliers
Des deux côtés, le mal est infini. Ayant promis au Fond monétaire international (FMI) que le gouvernement ne compte plus subventionner le coût à la pompe de la gazoline, l’administration Moïse-Lafontant, par l’intermédiaire du ministre de l’Économie et des Affaires économiques, Jude Alix Patrick Salomon, a annoncé que le prix de l‘essence connaîtra une hausse, d’ici mi-juin, même avant la Coupe mondiale, qui débute le 14 juin pour terminer le 15 juillet. Le nouveau ministre de la Culture et de l’Information, Guyler C. Delva, a, lui aussi, apporté son soutien à la hausse du prix des produits pétroliers.
Entre-temps il y a un lever de boucliers contre toute hausse à un moment de crise économique
généralisée. Alors, sur les réseaux sociaux, on répète les paroles du candidat Moïse à la présidence en 2016 : « Se mounn kirayi pèp la, ki pa konn mizè pèp la, ki vle ogmante pri gaz la ». Déclaration du candidat contre le gouvernement de transition du président Jocelerme Privert. Et l’ex-sénateur Edo Zeny de joindre sa voix aux protestataires, allant jusqu‘à dire : « Si li monte pri gazolin nan, prezidan Jovnèl ap tonbe ». Pierre Quiroule II 23 mai 2018
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