REGARD DE LA FENÊTRE
- L’IMPACT DU DESSINATEUR DE CARICATURE ET SES DESSINS DE PRESSE Par Michelle Mevs
- Célébrons l´esprit des caricaturistes et la caricature
- Au-delà de leurs œuvres, j’aime l’œuvre des caricaturistes qui sont des ingénieux créateurs.
Dans l´esprit de la Noël 2018, il nous vient à la mémoire ce vieil homme bedonnant providentiel et généreux venu du grand froid chargé de présents.
Ici dans l’image made in USA, comme vous l’aurez deviné, il s’agit de la caricature du bon vieux père Noël aux yeux bleus et à la peau blanche ! Santa Claus, ce modèle de la culture populaire américaine est passé à l´usage du monde entier.
Si on peut le reconnaître à première vue c´est qu´ il lui arrive souvent d’apparaître sur la publicité de Coca-Cola. Sans doute parc e qu´il faut bien – comme tout autre humain sur la planète terre -, que ce personnage robuste se trouve quelque source de revenus ! En ce sens on peut dire : vive la publicité, le marketing, le business, qui font tourner le monde des affaires comme celui de la presse !
On le constate, sur cette caricature, le père Noël fait face à des observateurs et pas n’importe lesquels. Ce sont les rois mages qui le regardent de leurs points de vue internationaux. Balthazar est celui qui nous interpelle. À l´examiner de plus près, cette image nous révèle encore, selon notre optique, que Balthazar n’est autre que la représentation de la population haïtienne qui à travers des yeux inquisiteurs, aussi écarquillés que ceux d’un poisson-globe – cherche à décrypter le personnage Trump, et par conséquent à se deviner un avenir par rapport au géant à l’aspect quelque peu faussement débonnaire.
Et comment ne pas comprendre ce dessin; s’il est évident que Père Noël est un alter ego du président américain ou encore une métaphore du comportement de Donald Trump qui depuis le dé but de sa présidence en 2017 abasourdi et choc les peuples dans les arrière-cours…, tels les Haïtiens, et d´ autres peuples également. Ceux placés sous son hégémonie ?
Appuyé contre la rambarde de la cheminée, les mains vides et une mine de mécréant, astucieux roublard narcissique, faisant face au trio de rois mages, de bonne volonté, sont venus de très loin en pèlerinage auprès du nouveau-né, le petit-Jésus d’espoir.
Et si Balthazar représentait les Afro-américains qui inquisiteurs le questionnent du regard ; eh bien, cette interprétation est tout à fait correcte. C’est d’ailleurs pour être plus juste, l’interprétation première de l’image en question, conçue par un dessinateur de presse américaine.
Mais on l’a assimilé. Le paradigme politique a changé aux États-Unis d’Amérique et dans le monde. Trump pour sa part a fait basculer le système politique américain à un concept de non-coopération, de refus de l’immigration, de l’Amérique des deals aux retombées America First etc…
Voyez en France, ce qui s’y déroule : suite à l’insurrection du mois de Décembre 2018 des gilets jaunes, les protestataires du pays en sont arrivés à écrire au puissant père Noël pour qu´il leur accorde la démission du Président Emmanuel Macron. (Source Marianne). Il s´agit d´un clin d’œil à l’extrême revendication de la population française.
Lettres au père Noël réclamant la démission du président français Emmanuel Macron (Marianne 2018).
Comment les caricaturistes font passer si efficacement leur message ?
S´il y a des choses détestables, c´est la critique acerbe, la vacuité verbale des politiques, le déficit de responsabilité sociale des dirigeants économiques; aussi, nous retrouvons-nous dans la représentation caricaturale. Une source de fraîcheur, vivante, limpide dans sa transparence, désaltérante. Remarquons-le, il y a en ce breuvage qu’est le dessin de presse, une spécificité faite d’une portion de vérité – percutante dans son immédiateté – et un autre ingrédient en plus : l’humour sous-jacent qui imprègne l´entendement le plus opaque.
Toutefois, nous savons que l’eau est un élément capable d´éroder la pierre la plus dure, la plus résistante, comme le laisse entendre la sagesse traditionnelle ? En effet, la formule liquide par ses vagues et son mouvement continus arrive à réduire en sable le minéral le plus réfractaire. La caricature comme l’eau sert de catalyseur. Le dessin de presse impactant l’opinion publique : Ce qui rééquilibre la nature des choses !
Dans la bonne caricature, pas de dédain, pas de mépris, pas de violence, mais un degré d’humour baigné d´ intelligence étincelante, quand bien même outrancier ; et, qui provoque toujours la réflexion : Voilà pourquoi j’aime au-delà de la caricature, les caricaturistes qui en sont les créateurs: Pour leur esprit curieux et leur combativité !
Qu’exige ce métier de dessinateur de presse ? Le bagage propre au bon caricaturiste
Un goût prononcé pour l’actualité, une ouverture d’esprit et une grande curiosité. Un esprit critique. Une vivacité d’esprit et un esprit de synthèse. De l´objectivité. Imagination, créativité, vision.
Le sens de l’observation et du détail. Une aisance relationnelle. De la persévérance. De la sincérité. Ingéniosité. Savoir prendre du recul.
Capacité de recherche. Rapidité d´exécution.
Travailler dans l’immédiateté. Sens de la répartie et de l’humour sous toutes ses formes et sous différents angles. Ironie, sens du paradoxe. Talent de dessinateur, du croquis et du portrait, de l’anatomie humaine. Connaissance d´interface digitale. Combativité et courage face à la critique et l´adversité. Persévérance.
Le plus saillant: Posséder une très bonne culture générale. Connaissance en sciences sociales et histoire. Originalité soit déployer un style propre.
L’esprit du caricaturiste : Son courage face aux représailles des mécontents
Rien de plus jouissif pour le public que de s’abreuver de cette eau pure qui découle du dessin de presse. En même temps, le créateur d’images, à message percutant, lui, arrivera certainement offenser certains quoiqu´en général il satisfait la majorité à moins que le message – au nom de la liberté d’expression – s’aventure en secteurs jugés hostiles par certaines communautés ou individus aux croyances et traditions très passionnelles ou ancrées dans les mœurs. (La religion musulmane par exemple) ou ceux qui sont animés de certaines perversions…
La défiance critique des cartoonistes envers la classe politique au pouvoir et dans l’opposition provoque en retour le mécontentement, la haine de certains secteurs et individus.
Le caricaturiste n’est pas innocent, loin de là; il est plutôt combatif et courageux dans son aventure…. Il peut offenser jus qu’à provoquer des réactions violentes de certains récepteurs offensés.
À titre d’exemple, les représailles effectuées contre les caricaturistes du magazine Charlie Hebdo : « Les caricatures de Mahomet par Charlie Hebdo. Rien n’est peut-être aussi important dans le monde des caricatures politiques contemporaines que le meurtre tragique et fatal de 12 membres du personnel du magazine français satirique Charlie Hebdo, au début de 2015. Bien connu pour ses caricatures de Muhammad, le magazine avait publié plusieurs couvertures faisant la satire du prophète, notamment une image provocante insinuant l’homosexualité sous le titre « Amour : plus fort que la haine ». Avant la fusillade de 2015, les bureaux de Charlie Hebdo avaient été la cible d’une bombe incendiaire quatre ans plus tôt. » (Source The culture trip)
La paix dans le monde est tributaire de la volonté des puissants, mais Cartooning for Peace en fait son affaire…
En voici une illustration : Publication Grabouillons d’actu : « La paix dans le monde » (2018)
Que dit le projet « Cartooning for Peace » ?
Le dessinateur Plantu, président de Cartooning for Peace, l’entend ainsi : « Par son habilité à faire sourire, à transmettre instantanément un message et faire réfléchir , le dessin de presse est un outil indéniable au service du dialogue et de la tolérance. En posant les bases d’un débat serein et pacifié sur toutes les questions liées à la liberté d’expression et au dessin de presse, elle fait émerger des solutions concrètes pour vivre ensemble, libres ». Mais encore, « le dessin de presse cristallise en effet de nombreuses questions : peut-on tout tolérer au nom de la liberté d’expression ? Peut-on rire de tout et avec tout le monde ? Comment concilier liberté, responsabilité et respect des différences ? » (Source Franceculture).
Quand la caricature va au-delà de l’efficacité de la presse écrite. Elle se veut plus objective, par sa nature même.
La méfiance du public par rapport à la presse dont la déontologie est souvent questionnable en cette ère de post-vérité : Ce que le citoyen lit dans la presse, ce qu’il entend sur les antennes de radios populaires, les débats-fiction ou infox, tout ceci ne conforte nullement, mais crée encore plus de confusion même si le public peut y exprimer démocratiquement ses commentaires à son aise jusqu’à l’aigreur de ses ressentiments tout en rigolant à satiété. En revanche, heureusement que la caricature arrive à faire beaucoup mieux. Elle se veut objective. De son expression qui réclame et Projection de faits bien réels, d’idées justes, de traitement de problématiques universelles. Notamment, de ses efforts à démontrer un point de vue original voir innovateur, découle son grand succès.
Appréciation de la caricature dans l’opinion publique
Il est un fait certain que la caricature immortalise le contenant comme les personnages qui y sont inscrits. De sorte qu’ils sont nombreux dans les hautes sphères de pouvoir à inciter l’apparition de leur propre image, même négative, dans la publication de ce travail du dessin de presse.
Qui n’a pas eu sa caricature publiée dans la presse ne serait qu´un individu de peu d’importance. C’est dire le poids de ce genre de publication et l’impact sur le lecteur, la société, l’opinion publique !
Quelques propriétés de l’œuvre caricaturales : Un moyen de communication adapté à l’ère contemporaine
La Caricature forme d’expression traditionnelle est adapté à l’ère du numérique. Qu´ils utilisent le crayon ou l´ordinateur, dans leur ligne de travaille, les dessinateurs qu´ils soient artistes-critiques journalistes-caricaturistes, et tout ceci en même temps, ils forment une communauté d’individus indépendants. Ce sont des régulateurs d’idées autour de la chose humaine.
Soulignons encore cette autre propriété de la caricature : elle est bonne à l’assimilation ou consommation immédiate. Qui que vous soyez: peuple comme élite bourgeoise, Intellectuel comme illettré. Elle est démocratique. Ce qui en fait un message captant aisément l’attention d’une majorité de public. Et, n´omettons pas le divertissement qu’elle propose, une facette qui ne cesse de fasciner les adeptes de certains caricaturistes.
De son utilité et de son endurance dans le temps
En parallèle, la production des dessins de presse peuvent servir de référence à l’historien et, son contenu, son message arrive très souvent à perdurer dans le temps. À ne pas oublier que la caricature est un art de la critique très ancien et très effectif et le plus surprenant qu´il soit encore d’actualité dans l’ère numérique. Pour illustrer ce concept, voyez la célèbre caricature datant de 17511 de Benjamin Franklin dont le message adresse encore des in quiétudes très contemporaines dans le sens de rejoindre ou mourir ou d’union ou la mort…
Benjamin Franklin, Join or Die, The Pennsylvania Gazette, 1754 | © Adam Cuerden/WikiCommons ou rejoindre ou mourir
« Benjamin Franklin, un des pères fondateurs de la nation américaine des États-Unis d’Amérique en est le concepteur. Cette image est souvent citée comme la première caricature politique des États-Unis. Elle était extrêmement populaire et largement réimprimée dans les colonies. Devenue un symbole de l’unité et de la liberté coloniales, elle a ensuite été utilisée pendant la guerre d’indépendance des États-Unis pour encourager la solidarité avec les Britanniques ».
Dans un champ plus vaste, la caricature se charge en général de tous les questions ou thèmes à l’ordre du jour. Illustrons par les deux caricatures suivantes évoquent la problématique de l’utilisation libérale des armes à feu.
Il y a les adolescents qui sarments et débloquent dans les écoles américaines et puis il y a sur le même registre, les armes à feu en Haïti. Ces bandits des ghettos qui détiennent des armes à feu en toute illégalité. Que ce soit aux États-Unis ou en Haïti, la question de la détention des armes à feu suscite la réflexion par l´image.
Les adolescents qui manipulent les armes ne sont que des mômes violents et opiniâtres
Caricature concernant le désarmement de la population haïtienne. Et pour conséquences éventuelles : seuls les bandits seront armés et l´insécurité s’en trouvera accentuée.
Haïti est un territoire en surchauffe où la sueur dans l´effort n´est pas justement compensée, où la colère incendie les artères, où encore les repères sont épars et font place à la division des classes.
Et quels sont les caricaturistes haïtiens de renom qui dénoncent la situation et le contexte depuis l’année 1980 ?
C´était Philippe Dodard (graphiste, artiste) le premier à oser la caricature de presse en 1980 en fin du régime Duvalier. Rono, Charlot Lucien ; Raphael Paquin ; ils sont graphistes, illustrateurs, bédéistes et artistes. Castro Desroches a son style propre et remporte grands succès.
Ce sont en autre actuellement les plus jeunes : Teddy Kesser Mombrun Titoch (récipiendaire d’un certificat d’appréciation de l’Ambassadrice américaine Pa me la White en 2014) ; Bousiko (actuel membre de Cartooning for Peace) ; et Chevelin.
Castro Desroches caricature de Michel Martelly (ex. président haïtien) dont le langage vulgaire et scatologique ne cesse de surprendre…
« …En ces temps de basses eaux intelligentes… », écrit Erno Renoncourt dans son fort explosif article de 2016, publié sur la toile « Pourquoi la bêtise haïtienne ne meurt pas ? » Mais, si Renon court a émaillé son texte de caricatures c’est qu’il croit, comme bien d’autres, en la justesse de la représentation de ces artistes; tandis qu’en parallèle, le caricaturiste Bousiko démontre l’effort constant des populations pour faire tenir sur pieds un mât où se trouve hissé le drapeau haïtien devenu oripeau. Et dire que ce dessin est encore d´actualité aujourd´hui !
Eh oui, en cette fin d´année 2018, on aurait sincèrement voulu que le père Noël soit à l´image de ce qu’il a toujours été dans le passé.
Ce grand altruiste quelque peu naïf qui fait tourner le capital dans un esprit de généreux partage. Or le paradigme a changé alors que la majorité des citoyens qui voudrait réagir, ressent de l´ impuissante.
Voilà pourquoi nous célébrons ces régulateurs que sont les caricaturistes qui par la constance de leurs publications, sont encore à la tâche. Dieu merci, les caricaturistes soutiendront l’exercice utile du questionnement et sauront encore sculpter à partir de leur vision polymorphe, le mon de dont nous rêvons tous… Ils n’ont de cesse de recadrer les protagonistes de leur choix que ce soit Papa Noël ou toute autre autorité poissonneuse et toxique. Reconnaissons-le, le dessinateur de presse nous offrira en 2019 et l’année durant un bain de jouvence ! Ils méritent notre ovation. M.M
cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 26 décembre 2018 et se trouve en P. 3, 7 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2018/12/H-O-26-december-2018-1.pdf