AYANT DÉCIDÉ DE « SE METTRE À TABLE » DANS LE DOSSIER DES ARMES DE SAINT-MARC
- Vladimir Paraison débarque à Miami
- Il souhaite obtenir « asile politique» aux États-Unis d’Amérique…
La saga de l’affaire des armes de Saint-Marc, dans laquelle est mis en cause l’ex-coordonnateur de l’Unité centrale de sécurité du Palais national d’Haïti (UCSPN) Vladimir Paraison, inculpé dans le dossier de l’importation illégale d’armes et de munitions d’Orlando, Floride, à Saint-Marc, Haïti, avec une série d’autres personnes, y compris l’ancien directeur général de la Police nationale d’Haïti Godson Aurélus, prend un nouveau tournant. Il vient de débarquer à Miami (Floride) après avoir, en principe, conclu un accord avec les autorités fédérales au terme duquel il compte faire des aveux dommageables contre les acteurs de cette transaction illégale et frauduleuse. Des sources proches du procureur fédéral, à Miami, ont révélé que l’intéressé aurait déjà exprimé son intention de faire une « demande d’asile politique » aux États-Unis.
En effet, suite à des discussions autour du dossier des armes importées illégalement en Haïti par la société « Global Dynasty Corps S.A., représentée par Joël Junior Joseph, menées en Équateur entre des diplomates américaines et André Jonas Vladimir Paraison, presqu’immédiatement après son arrivée dans ce pays, l’ex-coordonnateur de la UCSPN a pu se mettre d’accord avec ses interlocuteurs américains lui ayant fait une offre qu’il n’a pu refuser. Il a sauté sur l’occasion de se voir octroyer un visa d’entrée aux États-Unis en échange de ses révélations relatives à l’affaire d’importation d’armes et de munitions acquises illégalement de la compagnie «Global Dynasty LLP d’Orlando, Floride, et dont le propriétaire n’est autre que le frère du responsable de la firme importatrice.
Selon des sources proches de l’affaire, M. Paraison serait bénéficiaire d’un visa l’autorisant à effectuer une seule et unique entrée aux États-Unis. Il est allégué que l’ex-haut gradé de la Police nationale d’Haïti a, dans le cadre des interviews avec des diplomates américains, fait des révélations pertinentes sur les rencontres et les opérations ayant abouti à la vente suivie de l’exportation des armes et munitions qui ont été interceptées à la Douane de Saint-Marc, en avril 2016, et qui ont été confisquées par les autorités haïtiennes. Les diplomates, qui ont interrogé Paraison, étaient satisfaits qu’il parlait en connaissance de cause. Sur ces entre-faits, ils pensaient qu’il était un témoin important, pour avoir corroboré les faits interceptés électroniquement tout le long des transactions qu’ont menées les deux frères Joseph. Assurés que Vladimir Paraison va pouvoir confirmer les éléments de preuve déjà disponibles et qu’il aura l’avantage de rendre l’évidence encore plus accablante pour les acteurs, ces diplomates ont décidé de recommander l’octroi d’un visa d’entrée aux États-Unis à l’ancien coordonnateur de la Garde présidentielle.
L’arrivée à Miami de Vladimir Paraison va permettre aux enquêteurs fédéraux d’étoffer le dossier de l’importation illégale d’armes et de munitions, de manière à écarter toutes les possibilités d’acquittement des accusés.
À coup sûr, grâce aux aveux faits par Vladimir Paraison, les vrais importateurs des armes et munitions débarquées à Saint-Marc seront identifiés et dénoncés à la justice comme étant des « violateurs impénitents » des lois fédérales relatives à l’exportations d’armes et de munitions.
Dans la mesure où Vladimir Paraison a déjà livré ses secrets aux diplomates américains, depuis en Équateur, il se trouve en position favorable par rapport aux procureurs fédéraux potentiellement disposés à conforter son ambition d’obtenir asile politique aux États-Unis. Un des diplomates ayant participé aux négociations avec Paraison a confié à un ami que ce dernier a déjà révélé l’espoir de pouvoir séjourner « à Miami».
Des atouts qu’il juge forts dans son jeu
Vladimir Paraison se réjouit à l’idée qu’il dispose d’atouts majeurs, dans la perspective de sa demande d’asile politique aux États-Unis. Il croit posséder les moyens d’atteindre cet objectif qu’il estime capable d’exploiter à sa satisfaction.
En effet, arrivé inopinément aux États-Unis, l’ancien coordonnateur de la UCSPN est optimiste quant à ses chances d’assurer son séjour en territoire américain, grâce à l’intervention de deux personnes sur qui il estime pouvoir compter absolument.
D’abord, Paraison mise son espoir sur sa « fiancée », Karine Condé, qui vit aux États-Unis, surtout à New York et à Miami. Dans les milieux proches de l’ex-haut gradé de la PNH, on laisse croire qu’il aurait pris la décision d’épouser celle-ci, sur tout sachant qu’elle pourrait l’ai der à obtenir le droit de séjour aux États-Unis. Des experts en loi sur l’immigration pensent que l’intéressé aurait de meilleures chances d’accéder au droit de séjour par ce moyen que tout autre procédé qui pourrait être invoqué en sa faveur. Mais d’autres sources proches du couple ont laissé entendre que M. Paraison n’a pas l’affaire dans le sac, car Mme Condé serait moins intéressée au mariage, maintenant que ce dernier n’occupe plus la haute fonction qu’il avait à la PNH.
Il semble aussi, selon d’autres sources, que Karine Condé soit réticente à prendre la décision de passer le reste de ses jours avec Vladimir Paraison, qui a « une très longue queue » en Haïti. À en croire ces derniers informateurs, il aurait huit femmes et 12 enfants.
Mais, on apprend que M. Parai son pourrait bénéficier d’un autre atout à sa disposition. Il s’agit, fait-on savoir, de l’intervention d’une « amie » auprès du Département d’État.
En effet, des sources proches de ce dernier, en Haïti, ont informé que Paraison s’enorgueillit de l’« amitié » qui le lie à Sherryl Mills, une assistante de l’ex-secrétaire d’État Hillary Clinton, qui avait accédé à l’échelon supérieur du Département d’État américain. Il semble que M. Paraison ait grand espoir que Mme Mills possède encore au sein du Département d’État des amis capables de lui assurer une bonne recommandation.
Dans les milieux diplomatiques, à Washington, on laisse croire que les ambitions de Parai son d’obtenir asile politique aux États-Unis se basent, sans doute, sur l’assurance qu’il a pu obtenir avant même de quitter l’Équateur. Selon ces dernières sources, tout porte à croire qu’il n’a pas fait le déplacement sans la promesse préalable d’une « décision positive» en sa faveur.
Mauvaises nouvelles pour les vrais importateurs des armes de Saint-Marc
L’arrivée de Vladimir Paraison à Miami doit enlever le sommeil aux vrais importateurs des armes et munitions de Saint-Marc. Même quand il se trouvait encore en Équateur, ceux responsables de l’acquisition suivie de l’importation, à Saint-Marc, de ces en gins meurtriers, pouvaient avoir une certaine influence sur lui. La situation est de loin différente avec Paraison sur le territoire américain. Surtout qu’il est en contact avec les autorités américaines, dans le cadre de l’instruction de l’affaire des armes de Saint-Marc.
Dans la mesure où ces engins ont été introduits en Haïti par les plus hautes autorités du pays, celles-ci ont tout à craindre des révélations de Vladimir Paraison aux responsables américains. En ce sens, Michel Martelly et Laurent Lamothe, sur tout, devraient craindre les décisions qu’auraient inspirées les aveux de celui-là se trouvant dans une situation où il doit éloigner de lui une poursuite fédérale. Cela veut dire, dans le vernaculaire haïtien, «Pito lakwa al lakay zòt olye l al lakay mwen».
Rivalité larvée avec Jovenel Moïse
En sus de se soustraire à son inculpation, dans l’affaire des armes de Saint-Marc, il semble que Vladimir Paraison ait décidé de s’expatrier pour échapper à d’éventuelles mesures de représailles de Jovenel Moïse, en raison d’une « relation dangereuse » qui aurait existé entre lui et la première dame.
Dans l’entourage de la première famille haïtienne, on laisse croire que Martine Moïse aurait affiché une certaine « admiration pour Paraison qui aurait, à son tour, porté un intérêt pareil à l’égard de la femme du président haïtien.
Mis au courant de cette situation, M. Moïse chercherait, dit-on, une formule idéale pour punir une telle « impertinence ». Mais, ont fait comprendre des sources autorisées, il tiendrait à se montrer « discret», afin d’éviter le scandale que la situation pourrait susciter. Mais surtout parce qu’il craindrait de mener une attaque de front contre Paraison pour ne pas blesser des susceptibilités au sein de la PNH, ou provoquer le mécontentement collectif.
Cette crainte du chef de l’État s’explique, dit-on encore, par le fait que ses relations avec le directeur de l’institution policière ne soient pas au beau fixe. Dans le même ordre d’idées, des observateurs pensent que cette réticence de Moïse à réagir contre Paraison s’inspire de l’influence dont jouit ce dernier au sein des troupes; par le fait aussi qu’il est le fondateur de la brigade spécialisée BOID.
Ramené du Cap-Haïtien, où il était commissaire départemental, Vladimir Paraison fut transféré à Port-au-Prince par Michel Martelly pour être directeur départemental de l’Ouest (DDO). De là, il fut assigné la responsabilité de créer la BOID, une structure de la PNH mise en place par Martels pour se collecter avec les grèves et manifestations récurrentes qui dominaient la politique à l’époque. Il fut hautement recommandé par Martelly à Jovenel Moïse, qui l’avait pris en sympathie au point de vouloir le faire succéder à la direction générale de la PNH, en lieu et place de Michael-Ange Gédéon. Mais le projet de faire de Paraison le DG de l’institution po licière a été abandonné, puis qu’on n’en parle plus. D’aucuns attribuent le revirement du président par rapport à ce dernier à cette « relation insolite » qui existerait entre Vladimir Paraison et la première dame.
Au bout du compte, la présence de Paraison aux États-Unis va ouvrir un nouveau chapitre dans l’affaire des armes de Saint-Marc, une vaste conspiration montée par les hommes du pouvoir en Haïti pour importer illégalement des armes et des munitions des États-Unis. Ces dirigeants ont tout mis en œuvre pour tromper la vigilance des services américains, créant une situation qui met à mal la sécurité, non seulement de ce pays mais aussi de celle d’Haïti et des États de l’hémisphère. Dès lors, ce cas est d’une gravité telle que les autorités américaines ne peuvent ni la minimiser, encore moins laisser impunis ses auteurs.
cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 30 janvier 2019 et se trouve en P. 1, 7, à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2019/01/H-O-30-jan-2019-1.pdf