Le vote d’Haïti à l’OEA : Un autre son de cloche Par Raymond A Joseph
Le vote d’Haïti, le 10 janvier courant, lors des débats à l’Organisation des États Américains (OEA), sur la reconnaissance ou non, du second mandat présidentiel de Nicolas Maduro, a fait couler beaucoup d’encre et de salive. On est allé jusqu’à accuser le président Jovenel Moïse de traître envers son « frère », et traiter de pusillanime la diplomatie haïtienne. Bien que je ne sois pas un supporteur du président Jovenel Moïse, j’ai tout un autre point de vue sur la question.
Que ceux-là qui traitent M. Moïse de traître comprennent bien que les relations entre le Vénézuéla et Haïti remontent à l’indépendance de ce pays, en 1816, quand Haïti, phare de la liberté dans l’hémisphère occidental, sous le gouvernement de d’Alexandre Pétion, avait fourni au futur « Libertador », Simon Bolivar, ce dont il avait besoin, même une petite presse, pour aller chasser les colons de son pays ainsi que d’autres en Amérique latine.
Une décennie plus tard, Bolivar organisait le « Congrès de Panama», une première tentative de formation d’une alliance hémisphérique pour contrecarrer les manigances d’anciens colons voulant reconquérir leurs anciens territoires, auquel Haïti ne fut pas invité. Mais, bien sûr, les États-Unis d’Amérique (EUA) avait reçu une invitation. Est-ce dire que, de sitôt, Simon Bolivar avait trahi ses bienfaiteurs ? Sans doute, les EUA, pays esclavagiste jusqu’alors, conditionnait sa présence au sommet à la non-participation d’Haïti, pays rebelle sous embargo américain et d’autres puissances de l’heure.
Que dire du vote vénézuélien, en 1962, contre l’Haïti de François Duvalier, vote générale ment applaudi ? Était-ce un vote contre Haïti ou contre Duvalier ? Puis l’embargo décrété par Jean-Bertrand Aristide contre son pays, avec l’appui de tout l’hémisphère, y compris le Vénézuéla, était-ce une trahison de cette nation-sœur d’Haïti ou un vote contre les militaires ?
Trêve d’exemples ! Mais il me plaît de citer le fameux homme politique anglais John Temple (Lord Palmerston), au 18e siècle : «Les pays n’ont pas d’amis, mais des intérêts». Puis, c’était devenu plus direct: «L’Angleterre n’a pas d’amis éternels. L’Angleterre n’a pas d’ennemis permanents. L’Angleterre n’a que des intérêts éternels et perpétuels».
N’est-ce pas vrai que Charles de Gaulle, un siècle après, avait repris la même réflexion lorsqu’il disait : « Aucune nation n’a d’amis, seulement des intérêts »? Et, plus près de nous encore, le secrétaire d’État américain Henry Kissinger, de répéter: « L’Amérique n’a pas d’amis, seulement des intérêts» ?
N’est-il pas vrai que l’Allemagne et le Japon, des ennemis farouches des États-Unis, durant la 2e Guerre mondiale, sont aujourd’hui de solides alliés des Américains ? Ce qui pourrait changer du jour au lendemain, si l’actuel président américain persiste à minimiser des alliances remontant à la fin de la 2e Guerre mondiale.
Donc, Haïti ne fait que défendre ses intérêts à un moment difficile pour Jovenel Moïse. Je n’ai pas besoin d’être un ami ou supporteur du président pour comprendre sa volte-face. D’ailleurs, d’autres bénéficiaires du programme PetroCaribe ont aussi voté contre Maduro, y compris la République dominicaine, la Jamaïque, les Bahamas, etc. Et des quatre pays du Cône Sud à rester solidaires de Cuba, à Punta del Este, en janvier 1962, quand les Américains ont rayé Cuba, disons Castro, du club OEA, seule la Bolivie est reste égale à elle-même. Pas l’Argentine, le Brésil ou le Chili qui ont voté aussi contre Nicolas Maduro.
Il n’est que d’attendre le résultat du bras de fer entre Maduro, nouvel allié de la Russie, et le Parlement majoritairement de l’opposition, allié aux États-Unis d’Amérique !
RAJ 23 janvier 2019
cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 30 janvier 2019 et se trouve en P. 7, à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2019/01/H-O-30-jan-2019-1.pdf