La Renaissance du Groupe Musical Haïtien D’Zine : Un Rêve Concrétisé par Robert Noël
Le groupe D’Zine renaît de ses cendres après des années d’absence de la scène HMI. Il a offert un concert virtuel qui a plu aux spectateurs du monde entier. On avait tout entendu à l’annonce de ce retour, que d’aucuns croyaient impossible. Les préjugements et l’opinion publique avaient nourri la curiosité en cette période de retraite forcée due à la pandémie de la Covid-19. Certains observateurs, oubliant que le confinement continue, s’imaginaient que la date choisie allait affecter le bon déroulement de la soirée de D’Zine. Il s’agissait du 4 juillet, date de la célébration de l’Indépendance des États-Unis.
Un brin de joie dans la solitude collective
Les gens n’avaient aucun autre choix que de rester calfeutrés chez eux, conformément aux exigences des autorités concernées par la remontée de la contamination au coronavirus. En sus du fait qu’il n’y avait rien d’intéressant à la télévision, sinon que des reprises de shows et de comédies déjà vues. Tout compte fait, D’Zine avait choisi la bonne date. Contraire ment à la coutume, il n’y avait pas d’allumage et le lancement de feux d’artifice marquant généralement la célébration de cette date chère aux Américains était quelque peu limité cette année. La pandémie a imposé une autre forme de vie aux gens du monde entier. Et, qu’on le veuille ou non, on finit ou finira par s’y adapter.
On s’est rendu compte que le temps n’a pas empêché que D’Zine fasse revivre les bons souvenirs des années 90. C’est une période qui, dans le temps, avait été marquée par Gazman Pierre Cou leur, Arly Larivière, Zagalo, de son vrai nom, Jude Mario Désir, Marcellus, Delly François, puis de Wesner, le tambourineur des grands jours de D’Zine, etc. Ce groupe musical est rentré par la grande porte offrant un spectacle de musique konpa dirèk sans bifurcation. Certains diraient même du compas à l’équerre. Une façon de dire que ces musiciens ont animé une soirée virtuelle de konpa dirèk vivant, qui sort de l’ordinaire.
Il faudrait voir avec quelle aisance et dextérité Zagalo, le tom bassiste (gongiste) jouait son instrument préféré, donnant l’impression d’un oiseau libéré de sa cage. Il pouvait sortir et y revenir quand bon lui semblait, sans restriction aucune. Dans cette atmosphère, il est s’est retrouvé chez lui, dans le royaume de D’Zine. Il a la voix au chapitre. Cela est si vrai qu’il féminisait. La nostalgie l’envahit, le forçant à revisiter un paysage imaginaire, qui lui a fait dire : M anvi wè mouch, vètè, ravèt, vonvon. C’est sa marque déposée, son slogan. Les gens aiment quand il les énumère. Aujourd’hui, la réalité a changé de décor. Il aurait vu davantage que ce qu’il a cités. Le tableau n’est pas du tout plaisant à voir, là-bas.
La formation D’Zine a défié le temps : Pi wouye, pi koupe Le plaisir que D’Zine a procuré avait bon goût. Cette formation musicale a une paire de guitaristes à nul autre pareil. Cela ne veut pas dire qu’ils soient les plus doués du marché konpa dirèk, mais l’harmonie qui existe entre eux peut faire bouger même les fourmis. Ti Michel, ancien guitariste de Disip (version I), Zenglen, Disip (version II), a enfin trouvé sa niche don nant l’aspect d’un costume fait sur mesure pour D’Zine. La touche de l’autre guitariste le démarque de la mêlée du circuit HMI. Ce serait une grave erreur d’omettre de parler du rôle de Claudy, ce bassiste tout terrain, qui respecte et applique les principes qu’exige le cycle des quintes en musique. Cette section rythmique, dont il fait partie, assure parfaitement bien la fonction de métronome de D’Zine.
Dans le même ordre d’idées, on dirait que Billy Da Kid, le claviériste, est une réinvention. Il ne va pas au-delà de l’intervalle qui lui est alloué. Quelle grande discipline et simplicité ! Sa touche reflète ses années d’expérience. Quant à Aguy, le batteur, il est doté d’une technique avancée et rare dans l’univers HMI. Il ne donne pas une raclée à la cymbale pour ennuyer les oreilles, comme le font certains batteurs. Il joue la batterie à feu doux pour garantir une bonne cuisson sans risque et sans danger. Le circuit konpa dirèk regorge de cymbaliers. Ti Wesner garde encore son calme d’antan et joue avec la même assurance et exactitude. La section cuivre est très percutante.
Les choristes ont montré une justesse dans l’harmonisation des voix et leur ponctuation témoigne d’une exactitude hors-pair.
La musique de D’Zine respire. Il faut surtout souligner que l’éclairage du podium a défini la nature de la soirée. Quand il s’agit de spectacle ou de concert, il faut que tous les artistes soient vus sur le podium. Il est incommode d’avoir le projecteur sur un seul ou deux artistes, fondateur (s) de l’orchestre ou sur les plus in fluents, en quête de célébrité. Cela ne se fait seulement que dans la communauté haïtienne. L’égoïsme n’est pas une vertu, et le moi est haïs sable, nous dit Blaise Pascal. L’hypocrisie s’extériorise et un geste physique trahit toujours l’hypocrite. Elle devient palpable aux yeux du sage.
Quant à Delly François, il représente une équation complète avec tous les paramètres nécessaires. On connaît toutes les étapes à suivre pour voir si l’hypothèse qu’on s’est faite autour de son talent se reconfirme. Il est un grand atout pour D’Zine. Les pronostics sont confirmés. L’hypothèse est vérifiée juste. En mathématique, on dirait C.Q.F.D-Ce Qu’il Fallait Démontrer. Il faut souligner que l’invitation lancée à Ti Fanfan Kenn Problèm pour qu’il vienne sur l’estrade n’a pas été d’un bon ton. Il a automatiquement baissé l’élan de la soirée, en gaspillant le temps alloué à l’orchestre. Il a voulu improviser, mais le talent lui fait défaut.
La présentation de Marcellus, l’ancien guitariste de D’Zine, sur le podium était légitime puisqu’il a contribué au succès de ce groupe musical. D’ailleurs, c’était une soirée hommage à cet ancien guitariste, qui a contribué au succès de D’Zine. La prestation de D’Zine a plu à tout le monde, même les musiciens des groupes qui ont exploré la voie des performances virtuelles Live avant lui. Il ne pourrait être question de bonne per formance sans une bonne qualité sonore. Guy Lemonier, l’ingénieur du son a du métier. Il a grandement contribué à la réussite de cette soirée que D’Zine a offerte aux mélomanes du monde entier.
Si ce n’était l’impact du Coronavirus sur le marché konpa dirèk, la formation D’Zine aurait dérangé le classement au tableau d’affichage du circuit HMI. Certains groupes musicaux sont actuellement en retraite au cabinet de réflexion. Ils profitent du temps pour peaufiner leurs œuvres afin d’éviter leur déclassement de l’échelle des valeurs musicales. Il ne me reste qu’à souhaiter bonne chance, bon travail et du succès au groupe D’Zine. Félicitations au personnel administratif de D’Zine, particulièrement à Gérald Firmin Kaliko qui s’y connaît bien dans le domaine du divertissement.
Le groupe D’Zine renaît de ses cendres. robertnoel22@yahoo.com
Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur édition du 15 juillet 2020, Vol. L, No.27, et se trouve à P. 3 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2020/07/H-O-15-juillet-2020-1.pdf