Pasteur Guillaume Ford fête son centième anniversaire de naissance
Pour certains, Guillaume Ford est un citoyen haïtien qui a fait carrière comme officier au Service d’immigration jusqu’à devenir assistant directeur général de l’institution. Pour d’autres, il est plutôt connu comme pasteur évangélique, ayant évolué au sein de l’Église méthodiste africaine. Devenu pasteur de l’Église Saint-Paul, à Port-au-Prince, il a joué le rôle de super-intendant de cette mission responsable de la supervision de ses opérations à l’échelle nationale. Sa plus noble caractéristique constitue la vie de service qu’il a vécue, n’ayant jamais marchandé ses interventions en faveur de per- sonnes en difficulté avec le système ou même victimes de persécution politique. Une grande majorité n’aurait pu laisser le pays par les moyens conventionnels sans sa généreuse et désintéressée intervention. Il est donc aisé de comprendre le débordement d’émotions, de reconnaissance et d’amour qui ont marqué la cérémonie commémorative de son centième anniversaire de naissance.
En effet, à Mireille Restaurant, à Westbury, Long Island, le samedi 8 avril écoulé, une assistance composée de plus d’une centaine de personnes, dont ses enfants, petits-enfants, amis, sœurs et frères en Christ aussi bien que des amis, ont répondu présent à l’invitation. Au cours des prochaines heures, le temps qu’a duré cette fête, ceux qui ont connu et pratiqué le Dr Ford, aussi bien que ceux qui ont fait l’expérience de sa vie par l’intermédiaire de ses enfants et des aînés ont bien compris le sens des cent ans qu’a vécus ce fidèle serviteur de Dieu, ce mari exceptionnel, ce père dévoué, cet ami fidèle et ce fonctionnaire irréprochable. Programmée pour midi, la fête n’a commencé qu’à 2 h. 30. Mais les invités attendaient patiemment, car ils étaient tous venus pour communier avec un personnage rare. Mais encore et surtout parce l’occasion de commémorer le centième anniversaire de naissance de cet échantillon d’homme unique constitue un événement rarissime.
Guy-Évans Ford entre en scène : La fête commence
Après les plus de deux heures qu’ont duré les salutations et les retrouvailles, Guy Ford, le fils aîné du Dr Ford, qui a joué le rôle de maître de cérémonie, est monté sur l’estrade donnant ainsi le signal que la fête venait de démarrer. Aussi a-t-il commencé par saluer la présence des invités, dont la présence de certains a été explicitement remarquée, notamment Dr Philius Nicolas, de l’Église évangélique des pêcheurs d’hommes; Dr Fred Williams, neveu de la vedette du jour, qui est aussi le principal intervenant; l’ambassadeur Raymond A. Joseph, un ami de M. Ford, qui a joué un grand rôle dans le démarchage ayant entouré l’organisation de cette commémoration; aussi bien le pasteur Violi Novembre, de Bethel Haitian Church of Brentwood, à la tête d’une délégation de plus d’une huitaine de membres; ainsi que tous les dix enfants du pasteur Ford, et bien d’autres.
D’entrée de jeu, le maître de cérémonie s’est adressé à son père, soulignant sa bonté, sa patience, mais aussi sa sévérité, lui rappelant, en passant, combien il savait lui donner le fouet. Mais il a dit se souvenir aussi comment son père l’avait appris à tenir tête à quiconque s’imaginait pouvoir l’humilier. Guy a tenté de rafraîchir la mémoire de son père concernant un petit voisin qui l’avait tabassé une deux fois lorsqu’il s’aventurait près de chez lui. Alors, a-t-il rapporté, son père lui demanda s’il s’était abstenu de réagir du tac au tac, parce qu’il avait peur d’être réprimandé. À sa réponse positive, le maître de cérémonie s’est rappelé des propos de son père lui disant de ne jamais laisser à quiconque de bafouer ses droits. Aussi, dit Guy, la prochaine fois que le petit intimidateur du quartier passait devant la maison de la famille Ford lui a-t-il infligé une bastonnade en règle. Bref, après cet incident, dit encore Guy, son père l’a réprimandé en ces termes : « Mais je ne veux qu’aucun de mes enfants garde rancune à quiconque ».
Au fur et à mesure qu’il racontait cette aventure de son enfance, Guy s’approchait affectueuse- ment de son père et lui dit combien il s’est assagi avec l’âge et que adulte il a tout compris. Aussi a-t-il déclaré, sur un ton enjoué : « Je t’aime beaucoup ».
Une vie exemplaire
Suite à ses propos d’ouverture de la fête et des réflexions personnelles sur son père, Guy Ford a passé le micro à son cousin, le Dr Fred Williams, l’intervenant principal de la circonstance.
D’un bout à l’autre de son dis- cours, ce dernier a énuméré les rôles majeurs qu’a joués son oncle, au sein de la famille, dans l’administration publique aussi bien que dans la société en général. S’adressant principalement aux enfants, à la famille, aux amis et admirateurs du Dr Ford, qui est né le 6 avril 1917, il a décrit en ces termes l’homme dont il était question, ce jour-là, de commémorer la vie :
« Un géant de la foi – un serviteur intègre, attaché à son Dieu, planté dans la maison de l’Éternel;
« Un époux fidèle et affectueux à l’endroit de sa tendre moitié, notre feu tante Jeanne, sa compagne bien-aimée qui l’a soutenu dans sa mission pour l’avancement du Royaume des cieux et dans la formation morale et spirituelle de leur progéniture. Et pasteur Ford, à son tour, tout au cours de sa vie, a su inscrire dans le quotidien familial ce devoir le plus nécessaire du mari, pour le maintien d’une famille heureuse, ce devoir qui est d’aimer sa femme, de la nourrir et de la chérir, comme Christ aime, nourrit, et chérit l’Église.
« Pasteur Ford, un père, un grand-père, un oncle, toujours soucieux du bien-être de ses enfants, petits-enfants, de ses nombreux neveux et nièces et aussi un allié bienveillant pour sa belle- famille. Il s’est inspiré du Père des pères, notre Dieu et Père dans les cieux. C’est de Lui, d’ailleurs, que tout père terrestre doit apprendre comment être un vrai père dans sa famille, lieu de transmission de la foi.
« Pasteur Guillaume Ford, un homme de Dieu dont la vie familiale et professionnelle reflète en temps et hors de temps les qualités qui étaient en Jésus-Christ ».
Plus loin, dans son discours, Fred livre quelques bonnes habitudes du Dr Ford, assurément des secrets de sa longévité. Aussi a-t-il souligné: « Dans la liste de ces secrets, nous pouvons citer les suivants : marcher 7 kilomètres par jour, boire du lait de chèvre, cultiver la bonne habitude de rire, se coucher en compagnie des poules ».
Le Dr Williams a su trouver les expressions justes pour illustrer la vie de son oncle. Il cite les versets 13à14 du Psaume 92 pour le camper : « Les justes croissent comme le palmier. Ils s’élèvent comme le cèdre du Liban. Plantés dans la maison de l’Éternel, ils prospèrent dans les parvis de notre Dieu; ils portent du fruit dans la vieillesse. Ils sont pleins de sève et verdoyants ». Citant également le prophète Ésaïe, au chapitre 40, verset 31, il dit : « Ceux qui se confient en l’Eternel renouvellent leur force; ils prennent le vol comme les aigles; ils courent et ne se lassent point. Ils marchent et ne se fatiguent point ».
En guise de conclusion, Fred Williams a déclaré « Joyeux anniversaire, pasteur Ford ! ! – avec cette promesse du Dieu d’amour que tu as servi toute ta vie, et qui te réitère son engagement en ta faveur », extraite du Psaume 91, verset 16 : « Je te rassasierai de longs jours et je te ferai voir mon salut ».
Élevé au grade de doyen des doyens
Immédiatement après Fred Williams, c’était le tour du Dr Philius Nicolas d’intervenir. Invité au podium, il a fait un copieux exposé, notamment de la participation du Dr Ford à l’œuvre évangélique, ayant fait état du rôle modèle qu’il a joué en tant que collaborateur à l’Église évangélique de pêcheurs d’hommes que celui-là a fondée.
Le clou de la participation de M. Nicolas a été l’annonce de l’élévation de la vedette du jour au grade de « doyen des doyens », s’étant vu décerner le titre de « docteur de l’Église universelle de consistance mondiale des églises haïtiennes », basée à Paris, France, et dont le dirigeant est le Dr Emmanuel Toussaint. Cette haute distinction a été décernée au Dr Ford, dans le cadre du dernier congrès de cette institution qui s’est tenu à la capitale française. Le Dr Nicolas a souligné que, «premier doyen des doyens », il a été commissionné pour remettre ce même diplôme à trois autres pasteurs, à part le Dr Ford. Il s’agit du Dr Jean-Baptiste Thomas (de New York), du Dr Saint-Louis Thomas (de Boston, Massachusetts) et du Dr Claude Noël (de Miami, Floride). Selon lui, les trois autres récipiendaires recevront leur diplôme lors de cérémonies qui seront organisées ultérieurement.
Pasteur Ford a battu plusieurs records
Prenant la parole, à son tour, Raymond A. Joseph, ex-ambassadeur d’Haïti à Washington, D.C., a commencé par dire que pasteur Ford a battu quelques records, soulignant qu’il s‘est révélé un Haïtien exceptionnel en ce qui a trait à l’espérance de vie. Il a précisé que, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « l’espérance de vie de l’homme haïtien, en 2016, était de 61,2 années. Mais tu es arrivé à cent ans — et continues de te porter à merveille ».
Dans la foulée, M. Joseph a fait remarquer: « Tu as aussi battu le record de La Bible. D’après le psalmiste. Les jours de l’homme —, et j’ajouterais de la femme —, se comptent jusqu’à 70 ans ! Et à 80 ans pour les plus robustes “ ».
L’ambassadeur Joseph a souligné que pasteur Ford « a accédé au club des plus robustes, voilà déjà 20 ans — et continue d’- avancer au-delà de ce club, me laissant y vivre avec bonheur en compagnie d’autres qui y sont arrivés tard ». Ainsi a-t-il ajouté, la vedette du jour nous a transportés au temps du Nouveau Testa- ment, nous faisant penser à Mathusalem. «Merci de te révéler une si grande inspiration ! »
Le point culminant de l’allocution de Ray Joseph s’est révélé quand il évoquait l’intervention du pasteur Ford, alors assistant-directeur général du Service d’immigration, en vue de faciliter son départ d’Haïti pour qu’il échappât aux tontons macoutes de François Duvalier.
En effet, a-t-il expliqué, il avait hébergé chez lui des étudiants de la Faculté de médecine, alors en grève contre le régime duvaliériste, qui vivait dans la clandestinité. Activement recherchés par les sbires du tyran, la grande majorité de ces futurs médecins avaient trouvé asile là où ils pouvaient. Glodys Saint-Fort et sa condisciple et fiancée Ghislaine Fougy, ainsi que quelques-uns de leurs amis, avaient trouvé refuge chez le futur ambassadeur, à Frères. Sur ces entrefaites, Michel Aubourg, que Ray avait rencontré alors qu’il fréquentait l’Université North-western où il était en thèse sur l’anthropologie sociale, occupait la fonction de secrétaire d’État à l’Intérieur, le ministère de tutelle du Service d’immigration dont le pasteur Ford était l‘assistant-directeur général. L’ambassadeur a rap- pelé qu’il était invité par son ami Aubourg, un jour de juillet 1961, à passer le voir à son bureau. Il devait lui apprendre qu’il fallait quitter sans tarder le pays, car certaines gens du gouvernement étaient ses ennemis. Aussi avait-il avisé M. Joseph d’aller trouver l‘assistant-directeur général de l’Immigration qui s’occuperait de lui.
Immédiatement après sa rencontre avec le secrétaire d’État de l’Intérieur, il a emmené son passeport à pasteur Ford. Celui-ci le lui remit environ vingt-quatre heures plus tard, ayant ainsi facilité son départ du pays avec sa femme et leurs deux enfants, moins de quarante-huit heures après. Arrivés aux États-Unis, Ray Joseph devait apprendre que les tontons macoutes s’étaient présentés chez lui deux jours après qu’il eut laissé Haïti.
De toute évidence, ce fut une intervention miraculeuse. Ray Joseph a profité de l’occasion pour renouveler sa gratitude envers pasteur Ford tout en soulignant « le risque » qu’il avait pris pour faciliter sa fuite du pays. Aussi a-t- il comparé l’ « œuvre » de ce der- nier à celui d’Esther et de Joseph tel que rapporté dans l’Ancien Testament, ayant été placé dans cette position par Dieu, lui a permis de sauver de nombreuses vies. Le diplomate a souligné que pour avoir contribué à sauver tant de vies, le ciel accorde une longue existence à pasteur Ford. « Joyeux centième anniversaire de naissance », s’est-il écrié pour terminer.
Une longue chaîne d’hommages
Une succession de personnes : filles et fils du pasteur Ford avec leurs épouses et époux, y compris des petits enfants de la vedette, des amis, aussi bien que le pasteur de l’église qu’il faite sienne, Violi Novembre, à la tête d’une délégation de Bethel Haitian Church of Brentwood, se sont succédés sur l’estrade, offrant leurs hommages à ce personnage exceptionnel.
L’un après l’autre, ils ont passé en revue la vie de ce chevalier sans peur et sans reproche dont les actions et agissements sur terre ont servi tant de gens et constituent un témoigne vivant de foi et de piété.
Le grand mérite du Dr Ford est d’avoir, seul, après la mort de son épouse, née Jeanne Jean- Louis, servi de port d’encrage à ses neuf enfants qui ne se sont jamais détournés des principes évangéliques qui leur ont été inculqués dès leur prime jeunesse.
Présents à la célébration du centième anniversaire de la naissance de pasteur Ford étaient tous ses fils : Guy-Evans, l’aîné, ainsi que ses frères : Dr Jean Guillaume, Dr Henry Ronald Ford et Dr Billy Hans Ford; avec ses sœurs : Michaëlle Ford (avec son époux, Dr Daniel Faustin); Danielle Ford (avec son époux, Dr Joëlle Borgella ; Marlène Ford (avec son époux, Dr Gabriel Nicolas; Florence Magalie Ford; Mary-Joëlle Ford; et Rosie Ford.
La partie artistique avec Ronide Cayo
Après les hymnes et les interventions individuelles des entonnés par les enfants, petits-enfants, gendres et belles-filles, en sus des nombreux admirateurs de la vedette dans la salle, qui lui ont rendu hommage, en guise de vénération, il revenait à Ronide Cayo la responsabilité d’assurer la partie artistique. À la vedette du jour, celle-ci a donné le meilleur d’elle- même, ayant offert une gerbe de chansons les plus appréciées.
Accompagnée de sa guitare, Mme Cayo a interprété des chansonnettes françaises originelle- ment chantées par les vedettes des années 60-80; aussi bien que des pots-pourris composés d’airs du terroir. Ella a tour à tour exécuté « Happy Birthday », qu’elle a arrangée personnellement pour la circonstance. Elle a aussi joué «Haïti Chéri »; puis « Ça pleure aussi, un homme » extraite du répertoire de Ginette Reno. Mais c’est son interprétation de «Soledad » popularisée par Nana Mouscouri, qui a été la chanson-vedette de sa contribution musicale.
En clair, l’homme qui a fêté son centième anniversaire de naissance le 8 avril 2017 a été l’objet d’hommages, d’expressions de respect et d’amour bien mérités, dignes d’un serviteur fidèle de Dieu et d’un fonctionnaire au-dessus de tout reproche. Soyons tous au rendez-vous pour commémorer son cent-dixième anniversaire de naissance, et même davantage
LJ
Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti Observateur, édition du 26 avril au 3 mai 2017, en P. 1, 13, 15. L’original se trouve à cette adresse-ci : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2016/12/HO26April2017-1.pdf, ou à la page d’archives et cliquez sur l’édition courante.