À ce monde arabe en déclin, à ces dirigeants, à cette population assoupie par Tarek Daher
Note de l’éditeur :
Nous présentons ce texte de l’auteur qui est «un point de vue, concernant nos dirigeants (arabe), qui sera suivi de plusieurs textes, une sorte de trilogie». «Le second sur la manipulation médiatique». «Le 3e sur la guerre de 2006…, les autres, dont le soi-disant printemps arabe», seront évoqués plus tard dans l’ordre des publications afin de garder la discrétion de l’auteur (Tarek Daher).
Le monde arabe malgré ses richesses naturelles, malgré sa très jeune population est aujourd’hui incapable d’apporter une quelconque solution au marasme économique et intellectuel dans lequel il vit. Il est vrai que certains facteurs géopolitiques, certaines réticences à une plus grande ouverture vers le monde font que ces pays sont à la traîne et que pas une voix aujourd’hui ne s’élève pour dénoncer cela.
Par voix on entend bien dire une réaction à l’intérieur de ces pays-là, une réaction d’orgueil, de dignité, mais nulle part dans le monde arabe on n’arrive à l’entendre.
Ces voix sont-elles étouffées, sont-elles bannies par un système, pourquoi dès lors ce silence prolongé ?
Devrait-on alors écouter les rumeurs des uns et des autres ? Devrait-on accuser l’étranger de nous manipuler de nous soumettre à ce silence ? Devrait-on encore accepter cette idée que nos malheurs sont dus aux autres ? Devrait-on encore et encore se donner ces milliers d’excuses quasi quotidiennes afin de justifier notre ineptie, notre torpeur dans laquelle le monde arabe vit ?
Depuis une cinquantaine d’années, très peu, ou pas de décisions du tout ont apporté un quelconque changement. On assiste tout juste à de grandes scènes, à des mascarades lors des soi-disant grands sommets. Nul dirigeant de ce monde n’étant capable de mener ni de guider, les dissensions sont telles, que rien n’en ressort. De ces dissensions, n’en ressort, qu’une et unique chose, une division qui ne permet plus à aucun de ces pays de décider de quoi que ce soit.
Ajoutons que ces dirigeants amènent leur population qu’à se préoccuper des détails futiles, oubliant du coup toutes sortes d’aspirations auxquelles une population quelque peu sensée devrait y penser.
Nos dirigeants d’aujourd’hui poussent la population dans ses derniers retranchements, nulle porte de sortie, aucune réponse réelle à tous les problèmes sociaux nés de cette politique dictatoriale, de cette politique d’amateur. Ces dirigeants régissent leurs pays de façon tribale, clanique ne se souciant pas de compétences acquises des uns et des autres. Plaçant leurs hommes, leurs pions afin de renforcer leur pouvoir. Pouvoir qu’ils détiennent depuis des décennies, s’accrochant comme s’il était éternel, le léguant de père en fils. Ces pouvoirs jouent un double jeu, d’une part poussent leur population grâce à une manipulation médiatique à se préoccuper de problèmes soi-disant nationaux, façon pour eux de les éloigner de leurs aspirations, et d’autre part prennent des décisions qui sont en contradiction avec leur politique énoncée.
Ces décisions si contradictoires prises en concertation avec les grandes puissances leur permettent d’asseoir leur pouvoir sans plus se soucier vraiment des mouvements de masse dans leurs propres pays.
On arrive du coup à des aberrations, qui poussent toute une partie d’une population active à fuir des régimes autoritaires, démunissant du même coup tous ces pays d’une main-d’œuvre qualifiée, celle-ci se réfugiant dans des pays où les conditions sont plus propices à leurs aspirations. On importe pour pallier ce manque une main-d’œuvre payée au prix fort, mais qui elle, leur garantit la pérennité du pouvoir auquel ils s’accrochent désespérément.
Que devient dès lors la population elle-même, elle s’abstient de parler, de manifester son ras-le-bol dans le calme, elle accepte tout, et se soumet à la volonté de ces dirigeants. Plus aucun débat de société n’est plus donc possible, on a étouffé dans son œuf toute velléité probable. Le peuple a peur, il craint ces dirigeants, il craint d’être fortement réprimé, d’être emprisonné, se disant systématiquement qu’il n’y a pas d’autres issues que le silence signe d’allégeance muette à ce triste pouvoir.
Peut-on changer ces faits, peut-on changer cette triste réalité ? Oui des réponses concrètes peuvent être apportées. Des points forts existent qui leur permettront de mieux nous diriger.
Les pays arabes possèdent un potentiel énorme:
- Une culture commune basée sur des traditions quasi identiques.
- Une langue unique avec laquelle tous ces pays peuvent communiquer.
- Des ressources humaines en quantité suffisante.
- Des ressources financières qui leur permettent de créer une des plus puissantes économies.
- Une population jeune (plus de la moitié se situe entre 20 et 35 ans).
- Une population importante (près de 250 millions d’habitants)
Nous ne devons pas attendre que les autres nous aident nous avons tout pour réussir.
Nous ne pouvons attendre le bon vouloir des autres afin de parvenir à nos aspirations.
Si nous désirons réellement le changement, on se doit de l’acquérir nous-mêmes. Si le changement s’opère grâce à une aide extérieure, on sera de facto rattaché à celui qui nous a aidés, car il ne le fera sans doute pas s’il n’a pas un intérêt caché.
Un changement ne peut venir que de la base, à la seule condition que celle-ci accepte de faire des sacrifices, d’accepter qu’il faille se lever et de dire « ASSEZ », d’apporter des propositions concrètes afin de l’obtenir. La population devra prendre son courage à deux mains, elle devra manifester dans le calme et dans la sérénité sa désapprobation de la politique de nos dirigeants. Et même si ces dirigeants répriment dans la violence, nous devrions répondre dans le calme, cachons nos peurs, combattons notre crainte et crions ensemble que le changement nous le voulons, que nous le désirons, que nous le souhaitons.
Le changement devra s’opérer vers un État de droit, fier de ses valeurs, de sa culture, de ses traditions. Il ne faut pas calquer nos États par rapport aux autres. On doit pouvoir assumer nos différences, tout en respectant celles des autres. On devra pouvoir vivre cote à côté dans la paix, permettant à cette population exsangue de pouvoir enfin vivre dans la dignité, dans le respect du droit, et où les dirigeants guideront les pas de leurs concitoyens vers un avenir plus radieux.
L’histoire, si nous ne l’avons point oubliée, a démontré que nous étions capables avec peu de moyens de faire de grandes choses. Le monde a profité de nos connaissances et de notre savoir. Mais aujourd’hui nous vivons dans notre passé, nous nous lamentons sur notre sort au lieu de nous tourner résolument vers l’avenir. Il est de notre devoir de procéder à ces changements, sinon les générations futures nous le reprocheront à jamais.
Dans le monde d’aujourd’hui il est important de retrouver à chacun une vraie place. Nos dirigeants ne sont pas intéressés à regarder la réalité en face, leurs seules ambitions sont et restent la conservation de leurs pouvoirs et de leurs privilèges, un pouvoir par ailleurs devenu obsolète, de s’enrichir et ceci ne nous mènera qu’à la catastrophe. La perte de notre identité même en est une conséquence directe. Les autres en se jouant de conflits permanents entre nos dirigeants cherchent leurs propres intérêts, nous autres ne pouvons pas même les définir du moins ne cherchons pas les définir.
L’intérêt des autres est que nous soyons et restons divisés, l’intérêt des autres et de continuer à s’enrichir avec votre accord tacite. Car, du coup que vous vous enrichissez, l’intérêt des autres est de vous soutenir. Ainsi définissent-ils leurs enjeux. Ce que vous oubliez est : du coup vous vous assoupissez tout comme ce peuple soumis que nous sommes. Dès lors que ces intérêts ne sont plus des mises en valeur, alors vous serez renvoyés aux oubliettes. Un autre plus docile plus à même de soutenir la philosophie nouvelle nous sera apporté.
Regardons en face la vérité, certains régimes connus pour leurs cruautés ont été soutenus des années durant, finalement où sont-ils sinon les uns morts, les autres emprisonnés ou exilés. D’autres ont repris leur place sommes-nous pour autant libérés de ce joug du pouvoir, loin de là, nous autres sommes prisonnier de notre léthargie, cette faute nous accuse et nous nous devons de l’assumer.
Notre responsabilité à nous autres peuples arabes est de vous avoir laissé, nous soumettre sans mot dire. Notre histoire comme vous l’avez si souvent répétée, était à une époque source de lumière, cette lumière nous vous avons permis de l’éteindre. Tout peuple qui l’éteint s’éteint forcément, tout régime qui asservit sa population ne peut le faire qu’avec le consentement de celle-ci, vous utilisez notre peur pour conserver votre pouvoir.
Des deux, l’un est coupable l’autre est complice, tant que nous sommes, nous peuples assoupis, votre pouvoir vous le conserverez, dès le moment ou celui-ci aurait ouvert ses yeux, le réveil ne pourrait être que brutal. Ce jour-là nous regretterions peut-être tous deux de ne pas avoir assumé entièrement et totalement nos responsabilités.
- Tarek Daher
- Octobre 2021
Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur VOL. LI, No. 39 New York, édition du 13 octobre 2021, et se trouve en P. 13, 14, 15 à : h-o 13 Oct 2021