Des trois années de la présidence de Jovenel Moïse, que reste-t-il de la République d’Haïti ? par Elco Saint Armand
- Haïti a clôturé l’année 2019 en tant que quatrième pays de la région avec la pire croissance économique, dépassée seule- ment par l’Équateur, et parmi les cinq pays qui ont enregistré un taux négatif, des données sans précédent depuis le meurtrier tremblement de terre du 12 janvier 2010.
Sera-t-il possible de redonner à la fonction de président ses lettres de noblesse ? Et, instaurer le mythe du pouvoir à l’intronisation d’une autre face beaucoup moins menteuse et plus responsable ― le 7 février, date à laquelle s’accrochent toutes nos illusions de peuple ?
Pendant que toute une population croupit dans la misère la plus abjecte et se trouve exposée à la volonté des gangs armés, son président, lui, s’accroche mal- adroitement à un pouvoir par des promesses dites, redites, et non tenues. Ce président, pourtant, est soutenu sans réserve par une communauté internationale qui ne pardonnera jamais Haïti d’avoir brisé les chaînes de l’esclavage. Cette terre de liberté.
Jovenel Moïse, un «furi» dictatorial
Le plus dangereux dans une démocratie comme la nôtre c’est d’avoir au sein des institutions républicaines des malades de pouvoir ― des fous d’argent ― des domestiques de la classe dominante, des avares de la pire espèce, des subordonnés au dictat de l’international, des voyous inculpés ―, et surtout des gens à moralité douteuse (…) qui se voient non seulement insubordonnés à une quelconque exigence citoyenne, mais qui dilapident les maigres ressources du pays. D’où l’État-Nation s’est organisé en fonction de leurs caprices vénaux ou de leurs besoins du bas ventre. Ils se tourneboulent, ça et là, en permanence. La mauvaise gouvernance. Ils sont partout.
Dans la mêlée, Jovenel Moi- se a eu son intronisation à la magistrature suprême de l’État grâce à un Youri Latortue qui fut président du Sénat et de l’Assemblée nationale. Arrêtons-nous, un peu sur ce «deal politic». Youri Latortue, ancien conseiller de Michel Martelly, avait fait campagne pour le candidat Jovenel Moise, a été et est resté fidèle à ce camp jusqu’à la ratification de Jean Henri Céant, comme Premier ministre, un déférent allié de PHTK. En effet, il jouait son rôle de caméléon politicien avec ardeur… étant l’homme de toutes les alliances qui gagnent, le sénateur Latortue a permis à Jovenel Moïse de devenir le 48e président de la République d’Haïti.
Sans vouloir entrer dans les détails de ce divorce, nous arrêtons notre réflexion ici… tout en laissant la place aux historiens de mettre les faits dans leur contexte moral et politique. Sacré fils des Gonaïves et aussi le cousin du sénateur Carl Murât Cantave, le dernier allié inconditionnel et intéressé du gouvernement Moise-Lapin !
La 50e Législature où les «castagneurs » de la République
Ils se castagnent. En effet, ces députés et sénateurs pro-pouvoir de la 50e Législature ont malheureusement une pratique en commun, « la corruption » se manifestant dans une logique de castagnettes où les deniers du peuple constituent le butin (morcelé et séparé entre copains) pour bâtir leur propre bien-être. Ils agissent comme des fourmis. La pratique de gestion des pouvoirs PHTKistes étant tournée vers la prédominance de l’international dans la gestion intérieure du pays, une Haïti, pays corrompus placé au premiers rangs des pays les plus corrompus du monde, selon le rapport de la Transparency International de 2019.
Par ailleurs, les occupants des espaces de pouvoir se sont vus soumettre à une seule obligation «se faire appeler nouveaux riches».Ils contrôlent des institutions étatiques comme le Fonds d’assistance économique et sociale (FAES), Office national d’assurance vieillesse (ONA), Autorité portuaire nationale (APN), les Douanes, etc…Aucune pudicité dans leur mode de fonctionnement. Ils rançonnent nos finances. Un élan, aussi encombrant pour l’instauration de la démocratie, ils ont la libre action de faire ou de refaire des hommes et des femmes. Le cas du vote de censure infligé à Jean Henry Céant en dit long. Ils manipulent, dilapident, magouillent et corrompent. Sous la présidence de Gary Bodeau, la Chambre des députés fonctionnait comme un cercle de mercenaires à la solde de Jovenel Moïse, des services de ménage (café et eau traitée) coûtent des millions de gourdes au Trésor public.
Sous cette forme maladroite d’accaparement de toutes les richesses de l’État, bourgeonne toute motivation politique. Ils buvaient du café jusqu’à perdre le sommeiller. À ne pas oublier, ce dimanche de janvier 2016, après-midi, sous le couvert de la présidence provisoire de l’Assemblée nationale, le sénateur Andris Riché organisa une tenue spéciale (une séance monnayée, dirait la malice populaire) pour permettre aux députés futurs- détrousseurs de la Patrie, d’investir leur fonction et tout le monde en connaît la suite. Lui, Andris Riché, est devenu un des conseillers de Jovenel Moïse, au Palais. Carl Murat Cantave ? Gary Bodeau ? Les deux fantassins du pouvoir largement rémunérés (devenus riches) au cours de leur passage au Parlement. La question de la mise en accusation du président ne fut jamais posée !
Jovenel Moise et ses réalisations ?
À entendre parler ou discourir le président Jovenel on aura vite compris qu’on est en face d’un homme sous le coup d’une pathologie de déséquilibre mental, tout ce qu’il dit étant «bluff» sans la moindre réserve. Toujours sous le coup de l’émotion, il ne prend pas le temps pour peser ses mots avant de les lâcher. C’est le é” en cascade pour faire passer le temps accusant et s’excusant sans retenue.
Notre président se compose en délateur de ce système pourri et se décompose en redresseur d’une structure dont il est lui-même le plus grand protecteur et/ou bénéficiaire… laquelle? – Il est omniprésent et se comporte en un petit dieu qui veut tout changer. Hélas! Le président est inculpé, si l’on fait référence aux déclarations de plus d’un. Sans parler de l’usurpation du titre d’ingénieur aux fins de contracter avec l’État (Rapport de la Cour des comptes et du contentieux administratif).
les cinq gros problèmes de la République, selon Moïse
- C o r r u p t i o n !
- C o r r u p t i o n !
- C o r r u p t i o n !
- C o r r u p t i o n !
- C o r r u p t i o n !
Arrêtez, Monsieur le Président de nous prendre pour de canards sauvages. Nul n’est dupe! Si le CEP (Conseil Électoral Provisoire) n’a plus d’utilité pourquoi les conseillers électoraux sont-ils toujours en place ? – Mister Clean, n’existe-t-il pas là une forme de corruption ? Vous maintenez ces gens dans la fonction publique avec des avantages y relatifs avec les mêmes statuts pour une mission dont ils n’ont plus la charge. Vous les payez !
Votre caravane nationale ? Un fiasco !
Quels en sont les résultats ? Aucun résultat positif n’est enregistré. Sous l’égide de quel budget fonctionne donc votre gouvernement ? Vous n’en avez aucun depuis celui de 2017/2018 ! Votre Premier ministre Jean Michel Lapin est illégal et est resté en poste depuis avril 2019. Pas de gouvernement légitime pouvant engager l’État ! Toutes les nominations effectuées par ce gouvernement sont faites en dehors des normes administratives insérées dans le mode de fonctionnement des institutions de la République. Comme, par exemple : la nomination de Claudy Gassant, à la direction générale de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC), et celle du directeur a.i de la Police nationale (PNH), Normil Rameau.
Où sont passées toutes vos promesses, Monsieur le président ?
Aucune réalisation ne tient place depuis votre entrée au Palais national. En réponse à tout cela, Guerrier Henry, de la Radio Méga, a retrouvé à juste titre la réponse appropriée aux cinq problèmes du pays et nous les répétons :
- PHTK : « Mensonges d’État;
- PHTK : « Mensonges d’État;
- PHTK : « Mensonges d’État;
- PHTK – « Mensonges d’État ;
- PHTK : « Mensonges d’État ».
Monsieur Moïse quelles sont vos réalisations en trois années de présidence ?
Votre fameuse déclaration en France où vous disiez sans aucune retenue et avec force : ils vous ont forcé à nommer 50 juges corrompus dans la Magistrature…le silence des associations des magistrats en dit long. Et, le CSPJ ? Le même comportement, fait passer du temps… ces fantômes, existent encore et ils sont vos complices dans la mal-gouvernance du pays.
Cela dit, nous allons demander aux nouveaux nés de la patrie… auront-ils raison de leur innocence de vous croire d’avoir pris naissance dans un pays ne détenant aucune structure sanitaire moderne même au «minima».Vous avez crevé et violé les droits naturels de tous les citoyens et citoyennes qui sont nés dans les hôpitaux du pays. L’état civil est absent et aucune loi n’en est jusqu’ici prise ou promulguée. Aucun leadership responsable. L’État haïtien ne reconnaît pas le droit à une identité pour chacun de ses citoyens et citoyennes.
La blague présidentielle ?
L’électricité 24/24 en 24 mois et pourtant, vous en avez déjà 36 mois au pouvoir… Quelle firme en ingénierie électrique travaillant sur ce projet combien important pour vous ? Aucun! L’idée de doter le pays d’une compagnie pouvant électrifier les ménages 24/24 est bonne mais… de cette manière, elle est tout simplement irréalisable voire même impossible durant la durée de votre quinquennat.
La diplomatie haïtienne est à la merci des exigences du blanc pour que vous restiez au pouvoir? –Avec Bocchit, le Chancelier-magicien qui à travers vous, a trahi et fragilisé les relations entre Haïti et le Vénézuela!
Les gangs, Monsieur le président, sont dans la ville ? Vous n’êtes pas au courant ?
Vous ne faites rien! Ces gangs tuent – assassinent – violent et rançonnent ! Que faites-vous ? Absolument, rien ! Le Champ de Mars tout près du Palais, les assassins y font leur nid et pondent des œufs d’état avec l’accouplement des hommes de votre gouvernement… dirait-on, la maman de cette fillette de 5 ans assassinée par balle aux vus et aux sus des policiers sous-payés et mal équipés. Les chefs de gangs font la loi. Vous n’y êtes pas au courant ? Le quartier de Martissant constitue, le nouveau cimetière de Port-au-Prince. Vous savez combien de parents ont été obligés de laisser cette zone ? Sous votre présidence la société haïtienne est devenue beaucoup plus criminogène! À chacun sa propre sécurité, la population a une durée de vie comparable à celle d’une poule. Ah, les méfaits du kidnapping !
Des hommes et femmes politiques face à Jovenel Moïse
L’opposition: Nous enlevons, les Paul Denis et consorts…! Les Conzé et vendus ! Qui ne se souvient pas d’un Déjean Bélizaire dans les années 1991 au Sénat de la République aux côtés des Serge Joseph, Eddy Dupiton, Julio Larosilière, Ebrané Cadet, Josué Lafrance, etc. ? Le leader du MNP 28 est toujours du côté des oppresseurs du peuple. Ce «bétizè» ne peut rien apporter de positif pour le pays. Élections frauduleuses. Sa complicité avec les putschistes.
Les mauvais serviteurs de la Nation
Homme politique-leader ici et là, dans toute démocratie est celui qui apporte l’idéal commun – un homme choisi par son peuple (en toute liberté, en toute indépendance) et qui parlera en son nom et le défendra parfois au risque de devenir «maçon de ciment» en lieu et place de se comporter en équilibriste ou en protecteur des intérêts personnels et claniques. Il est un rassembleur. Il ne ment pas à son peuple. Il ne viole pas la confiance de ce dernier. En dépit, de la disparité existant entre les classes, Jovenel Moïse s’accroche davantage à son métier de chaudronnier en voulant mettre en veilleuse la constitution de 1987.
En vêtu de quel pouvoir d’État ou constitutionnel, Jovenel Moïse veut-il mettre sur pied «une assemblée constituante» ?
La constitution de 1987 interdit toutes voies référendaires pour la modifier ! ! !
Pourquoi, ne pas mettre sur pied votre corps de macoutes: VSN (Volontaires sécurité nationale) des années 2020 ? Pourquoi ? Pour pérenniser votre régime ou pour échapper à la justice ? Quelles sont les raisons, Monsieur Jovenel Moise? – vous ne pouvez pas échapper aux filets de la justice – un jour vous en paierez ! La défaite du droit est toujours provisoire dirait-on, cet avocat au «palto dechire» de la rue des Casernes.
La constitution de 1987 a-t-elle été appliquée sous votre présidence, Monsieur Moïse ?
Les gouvernements dictatoriaux de Papa Doc et de Baby Dòk Duvalier, les Tyrans vivent encore dans les veines des nostalgiques des temps du Roi: Oui et Amen. En ce temps de grandes turbulences sur la scène internationale, qu’en est-il la position d’Haïti à travers, votre gouverne- ment? – un gouvernement démissionnaire peut-il engager l’État haïtien? – vous n’avez aucune opposition en face de vous – s’il y en avait, vous seriez déjà parti du pouvoir. L’incapacité est palpable. Point d’excuse! Combien de projets de lois avez-vous déposé au Parlement durant ces trois années de pouvoir avec votre majorité, les bénéficiaires de subvention ? La Cour Constitutionnelle n’est pas mise sur pied ? À qui la faute?
Les voies de régulation des conflits sont toutes fermées. Le tweet présidentiel constatant la fin des mandats des sénateurs est carrément illégal – aucune loi sur les publications électroniques et sur l’informatique. La saisine du tribunal correctionnel par les sénateurs, est une absurdité procédurale… Ils ont mangé leurs doigts jusqu’à l’épaule. Ces Sénateurs se faisaient ridiculiser… le peuple s’en souviendra. Au milieu des vautours de la République où se retrouve-t-elle! la résolution de la crise qui, selon tous les observateurs politiques a assez duré ? Le silence de Réginald Boulos a t-il été négocié ? La troisième (3e) voie est muette.
34 années après la chute du dictateur Jean-Claude Duvalier, le pays se retrouve davantage aux mains des nantis pourris qui con- trôlent et dirigent tout… les néo-duvaliéristes sont toujours aux timons des affiches de l’État. Ils sont partout et en tout…et, Jovenel Moïse en est la matrice métamorphosée de cette autocratie criminelle et arrogante, un despotisme non éclairé.
Monsieur le président, légale- ment, il ne vous reste que douze mois à passer au pouvoir, vous vous en mêlez les doigts avec l’histoire et vous en serez sévèrement jugé. La société haïtienne restera et demeurera une société pétée sous votre présidence. Rien de pur ne peut sortir du cœur de celui qui a peur d’être puni pour ses actes. À vous de choisir et la Nation vous demandera des comptes tôt ou tard. Il ne faut jamais oublier que le pouvoir est éphémère… Et les conséquences de sa mauvaise gestion sont pérennes.
* Me. Elco Saint Amand, av. Diplômé de l’École de la Magistrature de Port-au-Prince, Haïti (EMA); Diplômé de l’École de la Magistrature de Bordeaux
Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 12 février 2020 VOL. L, No.6 New York, et se trouve en P. 3, 14 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2020/02/H-O-12-februar-2020-1.pdf