Français Non, Washington, c’est l’hypocrisie au paroxysme ! par Grenn Pwonmennen
Vu ce qui se passe à Washington en ce qui concerne l’évolution de la démocratie en Haïti et au Vénézuéla, cela évoque l’idée de « deux poids, deux mesures ». Et on ne saurait faire la sourde oreille et fermer les yeux sur une situation qui étale au grand jour la politique américaine, empreinte d’hypocrisie au plus haut degré. Advienne que pourra, surtout, ces jours-ci, où des menaces sont proférées contre ceux qui refusent d’obtempérer au diktat du Blanc qui, comptant sur la complicité de leurs subalternes haut perchés en Haïti et jouissant de la protection du grand patron, nous traite depuis des lustres en colonisés.
On ne peut nier les liens qui unissent ces deux pays depuis plus de deux siècles, quand Francisco de Miranda, puis le « Libertador » Simon Bolivar ont trouvé refuge en Haïti, sous la présidence d’Alexandre Pétion, avant de retourner chez eux armés et bien pourvus, pour mener la guerre de l’Indépendance qui aura permis la libération du Vénézuéla ainsi que d’autres pays de l’Amérique du Sud et de l’Amérique centrale, du joug espagnol. Feu le président Hugo Chavez s’en est souvenu, et aura déclaré que son pays est «reconnaissant » envers Haïti soulignant fortement la « dette » du Vénézuéla à l’égard du premier pays indépendant de l’hémisphère américain. Aussi avait-il automatiquement inclus Haïti parmi les pays de la Caraïbe et de l’Amérique centrale à bénéficier du programme PétroCaribe consistant à livrer des produits pétroliers de ce grand producteur à des prix préférentiels, en sus d’autres avantages, telle la construction de l’aéroport du Cap-Haïtien, financée par le Vénézuéla, ainsi que l’implantation d’usines électriques dans certaines villes haïtiennes, dont Cap-Haïtien, dans le Nord, Gonaïves, dans l’Artibonite, et Carrefour, à Port-au-Prince.
Pourtant, dans le dossier opposant les Américains au président Nicolas Maduro, déclaré «élu frauduleusement », le président Jovenel Moïse, poussé par l’ingratitude crasse, a tourné le dos à celui-là, pour se jeter dans les bras du président américain et de son équipe, son ambassadeur à Port-au-Prince, Mme Michele Sison, faisant la cour, de manière in – décente, à Jovenel Moïse.
Ainsi, quoiqu’élu sous le coup d’une inculpation pour blanchiment d’argent et dénoncé dans les rapports de la Cour supérieure des comptes et du Contentieux administratif (CSC/CA) pour sa participation au pillage du fonds Petro Caribe; qu’il ait tout fait pour empêcher la tenue d’élections législatives à temps et renvoyé illégalement un tiers du Sénat par le biais d’un tweet dans lequel il dit « constater le dysfonctionnement » du Parlement, l’obligeant à gouverner par décret, depuis le deuxième lundi de janvier 2020; n’ayant pas renouvelé le mandate des maires et des élus de la paysannerie, devenant seul maître et seigneur en Haïti, en sus de 9 sénateurs se trouvant quasiment en hibernation; considérant qu’il est le protecteur de gangs armés qui se sont « fédérés» en une organisation officiellement reconnue, puisque régulièrement enregistrée au ministère des Affaires sociales; enfin sous le poids de sérieuses suspicions du meurtre du bâtonnier Monferrier Dorval, à quelques mètres de sa résidence privée, dans une zone hautement sécurisée, cela n’empêche à Jovenel Moïse de bénéficier de l’appui américain dans la réalisation de son projet chimérique d’organiser « des élections libres, justes et démocratiques ».
Mais quant à Nicolas Maduro, il n’est pas reconnu comme président de son pays par les Ētats-Unis et nombre des alliés de Washington, qui ont jeté leur dévolu sur Juan Gaidó, ce jeune loup du Sénat s’étant autoproclamé président depuis tantôt deux ans, sans pouvoir assumer le rôle, dont il rêve encore d’une « transition démocratique », avec l’assentiment des gros bonnets de Washington.
En effet, cette appellation maudite et interdite, dans le cas d’Haïti, a été évoquée par Mike Pompeo, le secrétaire d’Ētat américain (ministre des Affaires étrangères), lors d’une conférence de presse, à Bogota, capitale de la Colombie, dernière étape d’un périple à la-va-vite au cours duquel M. Pompeo a fait escale, tour à tour, au Brésil, à Guyana ainsi qu’à Suriname, tous des pays limitrophes, comme la Colombie, du Vénézuéla. Mais qu’est-ce qui se trame ?
Voici, selon les propos de M. Pompeo qui, après une séance privée avec le président Ivan Duque Marquez, au cours de laquelle il faisait l’éloge de ce dernier, le félicitant que sa fermeté vis-à-vis de Caracas, attitude qu’il dit être « fortement appréciée », soulignant sa position sur « une transition démocratique au Vénézuéla qui doit regagner sa souveraineté, tout en se démarquant de l’influence maligne de pays tels que Cuba, l’Union soviétique et l’Iran». (Lettes foncées soulignées par nous).
Entre-temps, Jovenel Moïse, sous l’injonction du grand patron, s’est exécuté dans les 48 heures, vendredi, 18 septembre, en publiant un autre de ces fameux décrets dans Le Moniteur, pour annoncer son « Conseil électoral provisoire (CEP) », qualifié Dermalog, voire même démagogique, par la malice populaire.
On soulignera que Dermalog fait référence à la nouvelle carte d’identité imposée par décret, par M. Moïse, qui exige cette nouvelle carte d’identité dans l’exécution de toutes transactions, même pour participer au vote. On soulignera aussi que ce nouveau Conseil électoral n’aura pas seulement comme tâches de planifier et de gérer des élections à plusieurs niveaux, mais aussi «d’organiser le référendum constitutionnel, afin de doter le pays d’une nouvelle Constitution ». Quel sacrilège ! Mais le seul «petit dieu de la terre », son nouveau sobriquet, ne peut être contredit. D’ailleurs, son grand patron l’approuve dans tous ses errements.
Mais, tout n’est pas au beau fixe. Par exemple, Jovenel Moïse fait des mamours aux femmes, en nommant cinq (5) d’entre elles à son Conseil électoral, leur accordant la majorité sur un total de neuf membres. Mme Esperancia César, qui se déclare représentante de la diaspora, n’est pas membre d’aucune organisation connue de celle-ci. Dans ce cas, elle aurait commis un « faux en écriture » au nom d’une organisation de la diaspora pour se faire caser au CEP.
Selon les informations disponibles, Esperancia César ne serait pas citoyenne haïtienne, mais australienne, de préférence, ayant vécu en Australie durant des années. Quoi dire de cette autre dame, représentant le secteur des droits humains, Guylande Mesadieu, dont la photo circule sur les réseaux sociaux avec sa pancarte bien en évidence affichant le libellé: « Kote kòb Petro Caribe a? ». Malheureusement, pour elle, « les paroles ― et les photos—ne s’en vont plus », comme on disait dans le temps. Maintenant « elles sont enregistrées » et peuvent reparaître pour vous hanter à tout moment. De plus, on se demande depuis quand Mme Mesadieu s’est-elle convertie au PHTKiste?
Alors, il est à se demander aussi si ce sont là les caractéristiques des gens recommandés dans le « tweet » de l’ambassade américaine du jeudi 17 septembre. Qui dit : « Haïti doit faire son travail et former un @cep_haiti avec des membres ayant une réputation d’intégrité, d’honnêteté et de compétence pour organiser un processus électoral libre et juste. Il y a des conséquences pour ceux qui y font obstacle ».
En réalité, point n’est besoin de faire tout ce tintamarre autour des élections qui ne sont pas vraiment nécessaires. Sauf s’il s’agit d’un autre tour de passe-passe pour permettre aux nouveaux potentats PHTKistes de s’enrichir. Car, le « président démocratiquement élu », bien qu’inculpé, comme nous l’avons déjà souligné, mais conforté par Washington, a déjà déclaré que l’on ne saurait arracher le pouvoir au «PHTK, qui sortira vainqueur de toute élection » (dit-il en créole).
Voilà où nous en sommes, et qui fait penser aux paroles du président Franklin Delano Roosevelt, dans les années ’40, s’exprimant sur l’allié américain, le dictateur Anastasio Somosa, du Nicaragua : « Quand bien même il serait un salop, c’est notre salop» (certains diraient « fils de pute », etc.). En tout cas, ils ont fait leur choix en Haïti, qui n’a rien à voir avec la démocratie. Et en comparant la situation d’Haïti à celle du Vénézuéla, on ne peut que conclure qu’il s’agit de l’hypocrisie au plus haut degré affichée par les Américains.
Alors, advienne que pourra, nous nous rangeons du côté des organisations haïtiennes de bonne réputation, des églises, toutes tendances confondues, et, de concert avec le peuple haïtien, nous disons « NON, ce coup ne passera pas » !
Que ceux qui ont des oreilles pour entendre entendent, et que la volonté du peuple haïtien soit faite sur cette terre que nous ont léguée nos aïeux! RAJ 23 septembre 2020 raljo31@yahoo.com
cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur (New York) édition du 23 septembre 2020, VOL. L No.37 et se trouve en P. 6, 14 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2020/09/H-O-23-septembre-2020-1.pdf