La multiplication des cérémonies de « Haitian Music Awards »
- Un phénomène incontrôlable par Robert Noël
Dans toute industrie musicale bien structurée, on organise une cérémonie annuelle de « Music Awards » dans le but d’honorer des artistes pour leurs grands accomplissements dans le monde de la musique. Certains para- mètres sont pris en compte pour qu’un artiste ou un groupe soit nominé et ait la possibilité de gagner un « Award ».
Les nominations sont basées sur la quantité de disques vendus pendant l’année, la fréquence de diffusion des œuvres d’un artiste ou d’un groupe musical sur les ondes, les activités liées à l’artiste sur les réseaux sociaux, le nombre de visiteurs des sites de vidéos d’un artiste ou d’une formation musicale et le vote du grand public.
L’unité dans la diversité : Un paramètre de changement sûr
Dans la communauté haïtienne des États-Unis, une cérémonie de « Haitian Music Awards » est organisée chaque mois, sans tenir compte des pré-requis de nomination. On a eu une cérémonie en janvier 2018, une autre en février et la plus récente en mars. On est certain qu’une autre sera organi- sée en avril 2018 et ce ne sera pas la dernière. Il faut dire qu’aucun de ces organisateurs ne peut dé- clarer le chiffre exact du nombre de disques vendus par chaque groupe musical. D’ailleurs, les disquaires n’ont jamais utilisé un scanner de barre code pour aider en ce sens.
Les orchestres tendent à augmenter les chiffres pour laisser l’impression que tout va bien pour eux. Les groupes musicaux affichent de faux chiffres sur les réseaux sociaux pour parler du nombre de participants à leurs
soirées dansantes. Alors que la réalité saute toujours aux yeux. Aucun groupe musical n’est en mesure de dire la fréquence de diffusion de leur musique sur les ondes ou bien le nombre de disques vendus, voire ces organisateurs de remise de prix qui ne s’y connaissent pas trop dans le domaine. L’idée d’organiser une cérémonie de « Haitian Music Awards » est bonne, mais la fréquence avec laquelle ces événements sont organisés dévalorise l’esprit de reconnaissance des valeurs.
On arrive à un moment où tout le monde tente d’offrir une telle cérémonie. Ils les titrent de tous les noms : « Glorious Haitian Music Awards », « Best Haitian Music Awards », « Ka Ma- dan Bruno Haitian Music Awards », « HMI Music Awards », etc. C’est comme si chacun se dit : « Ban m fè yon Haitian Music Awards tou ». À partir d’un tel fait, on se rend compte qu’il s’agit d’une question d’intérêts personnels. Ne serait-il pas plus intéressant si ces concernés s’unissent pour présenter une seule cérémonie de « Haitian Music Awards » par année. Ils peuvent, s’ils le veulent, présenter l’événement dans une ville différente à chaque édition. En général, dans les industries musicales structurées, ce sont des associations connues et des personnalités qui ne sont pas inconnues du grand public qui se chargent d’un tel événement culturel. Avec tous ces « Haitian Music Awards », on est perdu, on est pris dans un labyrinthe.
L’omniprésence de l’hypocrisie dans l’univers musical
Des organisateurs coupent l’herbe sous le pied d’étroits collaborateurs et également de leurs compétiteurs. On se rend bien compte que la haine, la jalousie et l’hypocrisie dominent ce secteur qui s’engage dans ce domaine.
On ne pourrait s’imaginer qu’à la veille ou l’avant-veille d’une remise de prix « Haitian Music Awards » que les membres d’une autre organisation appellent les responsables de l’amphithéâtre où allait se dérouler la cérémonie, pour leur dire que des membres d’un gang vont venir briser les chaises, les fenêtres de la salle et créer une situation de tension et de violence dans l’enceinte.
Pris de peur, les responsables du lieu du spectacle ont dû rapporter un tel fait aux autorités concernées et ont ensuite annoncé aux organisateurs de la soirée de remise de prix « Haitian Music Awards » qu’ils ne pourront plus utiliser leur espace pour présenter leur cérémonie. En deux occasions, l’annulation de l’événement a été annoncée un jour avant la date de la présentation. Dans un cas, on a accusé un animateur de radio de la ville. Dans un autre, on a pointé du doigt une dame qui se croit très populaire dans le circuit HMI. Un rêve diurne indéfini ! Elle a aussi été victime de boycottage à l’occasion de sa soirée de « Haitian Music Awards » qu’elle avait programmée. Quelle satisfaction peut avoir quelqu’un dans une telle pratique ?
Une collaboratrice a dû laisser son équipe d’organisateurs pour aller créer une association dans le but d’organiser sa propre cérémonie de « Haitian Music Awards », utilisant le même titre que son ancienne appartenance. Elle l’a aussi baptisée du nom « PHMA». Cela prouve automatiquement que l’association originale dont elle est issue n’est pas enregistrée, ni non plus celle qu’elle utilise. Autrement, cette première organisation intenterait une action en justice contre la personne qui utilise le nom. C’est incroyable. Ka nou grav ! On peut dire qu’aucune de ces cérémonies « Haitian Music Awards » n’avait satisfait les espérances des organisateurs et du public qui avait fait le déplacement.
Face à de telles situations les musiciens ne prendront au sérieux aucune de ces organisations. Un musicien m’avait personnellement déclaré que son groupe ne se présenterait à aucune de ces simagrées s’il ne reçoit un cachet des organisateurs, puisque, dit-il, ces derniers gagnent de l’argent aux dépens des musiciens. Voilà la forme de pensée et l’esprit radical qui anime un musicien qui ne valorise pas le geste ! Cela risque d’affecter de manière négative de telles cérémonies dans le futur. Tout ce tumulte montre bien que l’industrie haïtienne de la musique fonctionne à l’image du pays.
Après pareils échecs, ces responsables auraient dû penser à d’autres stratégies pour regagner la confiance du public. Ils donnent déjà rendez-vous pour 2019. Face à une telle attitude, l’on se pose la question à savoir : quelle est la source de financement de ces entités, puisqu’elles n’ont pas de sponsors valables. Car ils font venir des musiciens, des animateurs de radio et des journalistes culturels d’Haïti, de l’Europe et de certaines villes des Etats-Unis. Ils couvrent les frais d’hébergement à l’hôtel de tous ces invités. C’est coûteux.
De source sûre, on apprend que deux des organisateurs de cérémonie « Haitian Music Awards » ont été rapportés par un compétiteur pour évasion fiscale au bureau du Service d’impôt sur le revenu des Etats-Unis (IRS). Pourtant, les dénonciateurs fonctionnent illégalement dans le circuit de la musique. Le jeu devient brutal en Floride. Sous l’égide de la confraternité, on souhaite qu’ils s’entendent, puisqu’ils disent qu’ils travaillent tous pour l’avancement et le bien-être de la culture haïtienne.
l’original de cet article se trouve en P. 16 et 9, de l’édition du 11 mars 2018 et le lien PDFest : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2018/04/H-O-11-April-2018-1.pdf