ÉDITORIAL
- Jovenel Moïse et son équipe privilégient l’accumulation de millions à la lutte contre COVID-19 par Editor
Les forces politiques qui ont contribué à l’élection de Michel Joseph Martelly à la présidence œuvraient en connaissance de cause, car sachant avoir trouvé l’homme qu’il fallait pour atteindre leur objectif : dépouiller totalement le pays du peu de ressources qu’il possède. Voilà pourquoi ils se sont agglutinés derrière Jovenel Moïse, le successeur idéal pour jouer la chaise musicale, afin que, le moment venu, l’individu qu’il a remplacé puisse se retrouver en position de retourner au Palais national. Cela signifie, confier la présidence, à tous les égards, à un alter ego de Sweet Micky. En cela, l’actuel chef d’État s’est révélé un digne héritier de celui-là.
En effet, il est évident que Jovenel Moïse a fait ses preuves en tant qu’imitateur de l’homme qu’il a succédé à la présidence, ayant même poussé encore plus loin ses dérives. Car toutes choses considérées égales, il dépasse Martelly dans les détournements de fonds de l’État, faisant des ministères, des secrétaireries d’État et des entreprises officielles sa tirelire personnelle, et celle de son épouse et de ses alliés politiques. À défaut du Fonds PetroCaribe, éliminé avec la suspension des livraisons du brut vénézuélien à Haïti, qui avait encore cours sous Michel Martelly, il fallait trouver d’autres moyens d’accéder aux millions. On n’a cessé de le répéter, les opérations financières illégales menées sur les caisses publiques par Moïse et ses affidés PHTKistes ont entraîné, vers la fin de l’année 2019, une inflation autour de 20 % et un déficit budgétaire cumulé avoisinant les quarante milliards de gourdes (40 000 000 000.00 gdes), soit USD385millions $, à raison de 104 gourdes pour un dollar US. Assoiffés tous d’argent (de beaucoup d’argent), Jovenel Moïse, les parlementaires du parti politique officiel et les alliés de la présidence ont tous fait main basse sur les ressources publiques.
Avec la kleptomanie instituée au pouvoir par Michel Martelly, son successeur ne pouvait faire moins que lui, surtout que Moïse avait pour responsabilité de rendre son administration digne de celle de son prédécesseur. D’où cette impulsion pathologique à inventer toutes sortes de combines pour ramasser des millions. Les premières grandes ponctions effectuées au détriment de la caisse publique ont été dirigées sur le budget national avec la «Caravane du changement» comme instrument. Mais cette entreprise n’a duré que l’espace de quelques semaines, sans jamais donner les résultats annoncés à grand renfort de propagande par l’équipe Moïse-Lafontant. Sans budget propre à ce projet, dont le financement initial provenait du budget national, sans aucun statut légal, ce projet de «Caravane du changement» a misérablement tourné court. Arrêté, sans doute, «pour réorganisation», sans le dire, moins de trois mois après avoir été lancé, le voilà tout bonnement abandonné. Le président Moïse a oublié son premier projet phare comme sa dernière casaque. En tout cas, il n’a jamais révélé quel en était le budget de départ, encore moins combien d’argent a été enlevé du budget pour y être investi. À coup sûr, les commissions qu’il a tirées de ce projet resteront un secret d’État.
L’autre gros projet sur lequel Jovenel avait misé beaucoup pour en retirer de juteuses commissions et des ristournes mirobolantes est celui de «l’électricité 24 heures sur 24, 7 jours par semaine dans 24 mois pour tout le pays». Annoncé avant même d’en avoir identifié l’origine des fonds pour le financer, cet ouvrage continue de languir sans que soit trouvé le capital nécessaire à sa réalisation. Car, les Taïwanais, qui avaient pris l’engagement d’en octroyer le prêt de financement, tardent encore à en effectuer le décaissement. Il semble que le gouvernement taïwanais, qui passait pour être un «bon ami» du chef d’État haïtien, ait reconsidéré leur engagement dans cette affaire. D’aucuns prétendent qu’ayant observé Jovenel Moïse à l’œuvre dans la gestion des fonds publics d’Haïti, les officiels taïwanais n’ont pas jugé sage de délier la bourse, voulant laisser passer le temps jusqu’à ce que son mandat prenne fin, d’ici huit mois.
Privilégiant les occasions offertes par les états d’urgence pour escamoter l’argent du pays, les régimes kleptomanes se mettent à l’affut de tels événements. C’est l’histoire qu’on a vécue, de René Préval à Jovenel Moïse, en passant par Michel Martelly. Préval et son Premier ministre Jean Max Bellerive ont saisi les opportunités offertes par trois ouragans dévastateurs pour extraire plus de USD 600 millions $ du Fonds PetroCaribe, sous prétexte de venir en aide aux sinistrés. Mais les familles des régions dévastées par les cyclones n’ont jamais reçu l’aide annoncée, malgré leurs multiples dénonciations. Ces fonds ont été détournés en partie dans le financement des élections parlementaires des candidats du parti politique de M. Préval. On ignore ce qui en était advenu du reste.
Quant à Michel Martelly et Laurent Lamothe, on sait que très peu ou rien des fortes sommes d’argent qu’ils ont décaissées a servi pour soulager les victimes du tremblement de terre du 12 janvier 2010. Les autres détournements de ressources publiques, qu’ils ont orchestrés, ont pris l’allure de ristournes versées par des compagnies qui avaient obtenu des contrats octroyés sans appels d’offre.
Aussi arrivés au pouvoir, à son tour, Jovenel Moïse a-t-il trouvé des créneaux légués par son prédécesseur, utilisant les mêmes méthodes, en sus des programmes sociaux financés par l’État, mais dont moins de 30 % servaient à soulager la condition des secteurs pour lesquels ils étaient conçus. Toujours à l’affut de nouvelles occasions de s’enrichir davantage, lui et ses amis politiques, le président Moïse souhaitait que la chance lui sourisse avant la fin de son mandat. En attendant, il grappillait, ici et là, des millions retirés des programmes sociaux ou d’autres contrats opportunistes, comme celui conclu, en catimini, et dans l’opacité totale, avec la société allemande Dermalog.
Mais la pandémie du COVID-19 s’annonce encore plus meurtrière que le dernier tremblement de terre, ou les ouragans qui ont causé de gros dégâts, détruisant des plantations et emportant le cheptel vif. Alors que tous y voient une catastrophe qui s’annonce, Jovenel Moïse et son équipe se frottent leurs mains de satisfaction, car voyant arriver l’occasion qu’ils attendaient. Puisqu’ils souhaitaient ardemment que la communauté internationale apporte le «grand secours». Dans leur imagination, sachant à quel point Haïti est démuni, les «pays amis» s’empresseront de contribuer des centaines de millions «pour nous aider à combattre ce nouveau sinistre».
Avant même que s’amènent les bailleurs de fonds, le signal est donné «pour que soient mobilisées des ressources intellectuelles pour gérer la campagne contre le coronavirus». Les premiers millions ont été extraits, à titre de «prêts», de la Banque nationale de crédit (BNC), pour soit disant placer une commande d’équipements et de fournitures chez une firme chinoise. Les USD 18millions $ destinés à payer ces marchandises tardent encore à se justifier, car celles-ci tardent à être délivrées, voilà déjà plus de deux mois depuis qu’a été faite l’annonce. On a fini par comprendre que cette commande entre dans le cadre d’une transaction dont deux beaux-frères de Michel Martelly faisaient office de courtiers. On apprenait aussi que Kiko Saint-Rémy et Gesner Champagne allaient toucher une commission de l’ordre de 40 %, soient USD 7,6 millions $.
D’autres transactions ont été effectuées dans le cadre de la gestion de la lutte contre la pandémie du COVID-19. Ici encore, l’opacité est au rendez-vous. Car c’est la technique utilisée par l’équipe au pouvoir pour faire fortune. Comme à l’ordinaire, Jovenel Moïse et ses proches collaborateurs se font avares d’informations dans l’élaboration des programmes par lesquels des décaissements de fonds sont effectués sous plusieurs rubriques.
Les États-Unis ont annoncé que les USD 75.5 millions $ qu’ils ont mis à la disposition d’Haïti, à l’ère du coronavirus, ne seront pas remis directement aux autorités haïtiennes. Les autres entités donatrices ne se sont pas prononcées à ce sujet. Mais il y a fort à parier que les hommes et femmes au pouvoir ne manqueront pas de trouver des moyens pour s’enrichir sur le dos des victimes de la pandémie. Car ils ne reculeront jamais face à une opportunité de grossir leurs comptes en banque.
Le peuple haïtien ne doit se faire aucune illusion par rapport au régime kleptomane qui dirige le pays. Il doit se donner les moyens de traiter objectivement avec lui.
cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, VOL. L No.17 New-York, édition du 6 mai 2020 et se trouve en P.10, à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2020/05/H-O-6-May-2020-1.pdf