LE CAP TOUJOURS SUR DES ÉLECTIONS FAITES SUR MESURE
- Jovenel Moïse se donne d’autres candidats par Léo Joseph
- Michel Martelly de plus en plus mis à l’écart
Il semble que Jovenel Moïse se penche de plus en plus vers les propositions de ses conseillers politiques qui cherchant à éloigner Michel Martelly d’un second tour de piste, au Palais national. Non seulement, dans le cadre des élections bidon qu’il se prépare à concocter son prédécesseur ne figurait pas sur sa liste, suite à l’assassinat de son candidat favori, il donne l’impression d’être encore plus déterminé à distancier Sweet Mickey du pouvoir. Car la toute dernière liste de candidats appelés à participer au «scrutin primaire secret» en cours serait encore composée sans le chanteur du compas.
En effet, les mêmes sources qui avaient révélé les plans électoraux de Moïse, qui avait jeté son dévolu sur Norvella Bellamy pour être son candidat préféré à la présidence mettent à nu sa solution de rechange où les choix ne sont pas «aussi nets et clairs» comme avant. Puisque les deux hommes qui comptent sur la faveur du faiseur de roi se valent presque, aux yeux de l’occupant du Palais national.
Ardouin Zéphirin est un homme de confiance de Jovenel Moïse, s’étant insinué dans ses vues, avant même qu’il ne soit proclamé président. D’ailleurs, lors du grand tollé occasionné par les irrégularités constatées dans scrutin de 2015, des caisses de bulletins étaient trouvées en la résidence privée de d’Ardouin Zéphirin, alors ministre de l’Intérieur de Michel Martelly. Devenu homme lige de Moïse, son nom a été cité dans toutes les opérations irrégulières, sinon louches, orchestrées par ce dernier et son équipe. Jovenel Moïse tient tellement à Zéphirin qu’il dit le porter dans son cœur. D’ailleurs, aurait-il même déclaré, si le poste de vice-président existait, il aurait fait choix de lui pour cette position.
Quant à Cholzer Chancy, ex-député d’Ennery, il était très proche de la présidence, ayant fait partie de la majorité présidentielle au Parlement. Grâce à son allégeance à Jovenel Moïse, il l’a sauvé de maintes difficultés politiques. Président de la Chambre basse, il a su mener les débats de manière à faire échec aux procédures nuisibles à la présidence introduites par l’opposition. Député d’Ennery (206-2019), M. Chancy était considéré comme un allié sûr du président Moïse. On le trouvait souvent au Palais national, en tête à tête avec lui, surtout quand le chef de l’État se retrouvait sur la corde raide, face à l’opposition parlementaire, surtout à l’époque où les secteurs opposés à Jovenel Moïse lançaient l’opposition musclée qui mettait à mal le régime Tèt Kale.
L’inconvénient avec Chozler Chancy se trouve dans la mauvaise réputation qu’on lui connaît. Son nom est communément lié au trafic de drogue. D’ailleurs, des rumeurs persistantes font croire que la construction de son luxueux hôtel construit à Ennery aurait été financée par les profits réalisés sur des transactions illicites. À noter qu’en dépit de ces rumeurs super négatives colportées au sujet de l’ancien parlementaire, Jovenel Moïse n’a jamais jugé qu’il était «politiquement incorrect» de l’attirer dans le giron de la présidence.
Des élections difficiles à accoucher
Le projet d’élections générales, que Jovenel Moïse aimerait réaliser, au mois d’octobre, semble difficile à accoucher. Pour commencer, le candidat qu’il se proposait d’introduire au pays, un cadre supérieur de la Banque de la République d’Haïti (BRH), Norvella Bellamy, a été assassiné, en sa résidence, à Delmas 75, avec sa compagne, Daphnée Fils-Aimé, également la mère de son fils âgé de 4 ans. Jusqu’à ce jour, les autorités policières et judiciaires n’ont pu annoncer la mise au collet de l’auteur de ce cri me. Celles-ci ont déclaré avoir lié à ce crime Emmanuel Elgin, un ancien agent de sécurité de la BRH, qui avait été mis en disponibilité, en octobre 2019, qui continue à tromper la vigilance de la Police.
La question a été posée, à savoir à qui profite le crime. Personne n’est en mesure, jusqu’ici, d’en dégager une hypothèse. Mais il est certain que le commanditaire de ce crime a les reins solides économiquement, pour avoir réussi à faire disparaître l’assassin de Norvella Bellamy et à l’entretenir dans sa cachette. Cela semble suggérer que la mort tragique de la victime est liée à la politique. On ne devrait pas s’étonner que Jovenel Moïse connaisse l’identité de celui ou ceux qui ont voulu éliminer physiquement cet homme.
L’assassinat de Bellamy, qu’on dit très proche du chef de l’État, est loin d’être une affaire simple. Il semble indiquer que la tenue d’élections faites sur mesure, telles que envisagées par le locataire du Palais national, ne se déroule pas sans heurts. Rendu la vie impossible par l’opposition, farouchement opposée à une telle idée, Jovenel Moïse semble également confronté à de gros obstacles dans sa propre famille politique.
En effet, les déclarations faites, la semaine dernière, par Franklin Taylor, assimilé au PHTK, fait croire que le projet d’organiser des élections, que contemple Jovenel Moïse, se concocte sans la participation de Michel Martelly. Quand Taylor accuse celui-là de «poignarder le président Martelly dans le dos», pour avoir présenté d’autres rivaux à sa candidature, il viole la parole donnée et passe pour un fieffé ingrat.
Bien qu’aucune allusion n’ait été faite à Norvella Bellamy, ni dans l’entourage de Jovenel Moïse ni au sein de l’équipe de Martelly ― en tout cas en public ―, il y a de bonnes raisons, après les dénonciations de Franklin Taylor, d’interroger Sweet Mickey qui ne semble pas avoir l’intention de laisser faire à son successeur dans cette affaire d’élections.
De toute évidence, les raisons qui avaient poussé Martelly à faire appel à Jovenel Moïse pour lui succéder au Palais national n’ont pas évolué. Autant dire, les menaces qui pèsent sur lui, notamment dilapidation du fonds PetroCaribe et ses démêlés avec la justice américaine n’ont pas été résolues. De ce fait, il va se battre bec et ongle pour que les prochaines élections accouchent d’un nouveau locataire au Palais national sur qui il peut compter pour continuer à bénéficier de l’impunité et à jouir de l’immunité. Dans cet ordre d’idées, faut-il considérer l’assassinat de Norvella Bellamy comme un signal envoyé à Jovenel Moïse ? L.J.
Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur édition du 15 juillet 2020, Vol. L, No.27, et se trouve à P. 1,5 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2020/07/H-O-15-juillet-2020-1.pdf