LE CLIMAT POLITIQUE EN PLEINE DÉCOMPOSITION par LJ
- Le régime tèt kale confronté à une grogne grandissante
Non content d’essuyer une opposition de plus en plus agressive par rapport au dossier PetroCaribe, l’administration Moïse-Lafontant se trouve confronté au mécontentement populaire dont l’ampleur ne cesse de grandir. Si bien que le Palais national a du lâcher ses chiens d’attaque, Rudy Hériveaux et Lucien Jura.
En effet, l’atmosphère politique prend de plus en plus l’allure d’un soulèvement concerté, tant la population est en colère contre son président qui ne semble avoir la moindre idée comment apaiser ce peuple. Puisque à force d’entendre le président Jovenel Moïse lui débiter ses mensonges, il ne veut plus écouter ses discours qualifiés à l’avance de « manti ».C’est bien l’expérience qu’a faite le chef de l’État, à l’occasion de la commémoration de la fête du drapeau, le 18 mai, à l’Arcahaie.
C’est un événement rare, en Haïti, de voir et d’entendre des gens parmi l’assistance répondre
insolemment au président pendant qu’il fait son discours. Tout au long de l’allocution de M. Moïse faisant état de ses réalisations et exposant les projets qu’il compte réaliser, des personnes, de
toute évidence, plantées à desssein, à plusieurs points de l’assis- tance,répétaient avec agressivité :
« mensonge » « manti », « on en a assez ».
Peut-être que Jovenel Moïse avait déjà perdu son cool, face à une telle manifestation de colère et d’opposition pour entendre des slogans lancés par des jeunes qui disaient « Karavan nan pran pan ! » et d’autres quolibets répétés ça et là dans la foule. Au train où vont les choses, le chef de l’État sera forcé d’amener sa propre foule sur les lieux où il compte prendre la parole pour éviter d’être ainsi verbalement malmené par les mécontents de toutes sortes qui se multiplient semaines après semaines.
Les manifestations se multiplient
Les mécontents de la situation du pays, qui se trouvent dans tous les secteurs de la vie nationale, mais qui se montrent de plus en plus agressifs au sein des couches défavorisées, somme toute plus touchées par le chômage et les pénuries.
La dernière en date des manifestations est celle des ouvriers de la sous-traitance, à la SONAPI, à Port-au-Prince, sur la Route de l’aéroport. Les ouvriers ont abandonné leurs chantiers pour descendre dans la rue et exiger un salaire de 1 000 gourdes avec accompagnements sociaux; tout en indiquant qu’il s’agit d’une grève d’avertissement. Ce qui implique une montée en flèche du mouvement de contestation si leurs demandes ne sont pas satisfaites.
Dans la ville des Cayes (dans le sud), voici à peine une semaine, les populations, notamment des jeunes, étaient entrés en grève contre l’administration Moïse-Lafontant. Des centaines de pancartes avec la mention « Aba Jovnel » « Nou pa p kite yo volè lajan PetwoKarib la » étaient remarquées. Même chose à Miragoâne (Nippes), à Léogâne (Ouest) ou à Carrefour (banlieue sud de la capitale. Les protestataires étaient aussi mobilisés aux Gonaïves (Artibonite), à Port-de-Paix (Nord-Ouest). Même au Trou-du-Nord, considéré le fief de Jovenel Moïse, la population s’est mobilisée contre le gouvernement central.
Dans plusieurs zones du pays, notamment au Cap-Haïtien, dans le Nord, les lycéens sont entrés en grève pour exiger que les professeurs reprennent les cours. Ces derniers s’éloignent des écoles, car attendant les arriérés de salaire qu’a promis les autorités de Port-au-Prince et qui se font encore attendre.
Jovenel Moïse peine à trouver la solution
D’aucuns diraient que Jovenel Moïse se trouve dans « une situation inextricable ». La grogne ne cesse de grandir par ce que M. Moïse n’a pas les moyens de sa politique. C’est-à-dire qu’il n’a pas les fonds nécessaires pour financer les projets qu’il a annoncés, y compris le paiement des arriérés de salaires dus aux enseignants, aux policiers et à d’autres fonctionnaires et employés de l’État.Il n’a pas les moyens parce que la communauté internationale lui tient la dragée haute, à cause du problème de la corruption. Mais encore et surtout à cause de l’affaire PetroCaribe et du problème d’inculpation du président de la République pour blanchiment d’argent, un crime transnational.
Jovenel Moïse est pris dans une souricière, étant forcé d’avancer en place, faute de moyens pour concrétiser ses programmes. Mais s’il pouvait s’abstenir de faire des promesses qu’il ne peut pas tenir, peut-être qu’il finirait par avoir un répit. Mais encore, comme dit le proverbe « ventre affamé n’à point d’oreilles ». Jovenel Moïse est en train de subir les conséquences des inconséquences de ses prédécesseurs qui ont dévalisé le fonds PetroCaribe.
En effet, les projets qui ont été programmés pour être financés avec l’argent tiré de ce fonds n’ont pas été réalisés. Pourtant le pays reste devoir restituer ces millions volés. Ce qui a provoqué un manque à gagner, causant un gros trou dans le budget.Les prédécesseurs de Jovenel Moïse, mais surtout son mentor et prédécesseur immédiat Michel Martelly, savaient se rabattre sur le fonds PetroCaribe pour boucher des trous dans le budget. Mais celui-ci n’existe plus.
Maintenant les millions de PetroCaribe n’étant plus disponibles; le Venezuela ne pouvant faire montre de générosité, car ce pays est économiquement aux abois; et la communauté internationale refusant de voler au secours des voleurs du fonds PetroCaribe, comme elle le faisait auparavant, Jovenel Moïse ne sait vraiment à quel saint se vouer.
Bien que l’Union européenne ait promis un appui budgétaire d’USD 94 millions $, il est encore trop tôt de savoir si le décaissement de ces fonds va se faire de manière opportune pour sauver Jovenel Moïse de la grogne de son peuple. Surtout que les promesses faites par Luis Alberto Moreno, le président de la Banque interaméricaine de développement (BID), tardent à se concrétiser dans les faits.
Tous ces faits semblent expliquer la mise en garde lancée à Jovenel Moïse par Vincent Degert, l’ambassadeur de l’Union européenne en Haïti prévenant le chef d’État haïtien de « ne pas faire de dettes » sur la promesse d’aide de l’UE. L.J
cet article est publié dans l’édition du 23 mai 2018 de l’hebdomadaire Haïti-Observateur et se trouve en P. 1 , 2 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2018/05/H-O-23-mai-2018-2.pdf