DÉLÉGATION DU DÉPARTEMENT D’ÉTAT EN HAÏTI
- Message à Jouvenel Moïse : Out le 7 février 2021
- Un gouvernement illégitime ne peut organiser des élections
Faut-il demander si c’est Joseph Joute qui a apporté la mauvaise chance à Jovenel Moïse ou bien si c’est plutôt ce dernier qui le piège. Depuis l’entrée du dernier Premier ministre de facto à la primature, les nouvelles en provenance de la communauté internationale n’apportent rien de bon pour Nèg Bannann nan.
Une délégation venue de Washington, la semaine dernière, a été on ne peut plus catégorique avec Jovenel Moïse. Il semble que les émissaires aient reçu l’ordre de répéter tous les arguments que véhiculent l’opposition politique, alors qu’il semble que d’autres faits déplaisants n’aient pas été explicités. Au point que certaines sources diplomatiques vont jusqu’à dire que Jovenel Moïse peut même ne pas voir la date butoir indiquée.
En effet, l’un des messages a été transmis au chef d’État haïtien en ces termes. Arrive le 7 février 2021, élections ou pas, le mandat qui vous autorise à rester au Palais National prend fin. Il s’est entendu dire aussi que c’est l’entente qui a été conclue, sous la présidence de Jocelerme Privert; et vous l’aviez acceptée. Autre chose, le projet annoncé par Jovenel Moïse exprimant sa volonté d’organiser des élections générales, en vue de retourner le pays à l’ordre démocratique, est rejeté catégoriquement. Les émissaires du département d’État ont déclaré au président haïtien qu’ «un gouvernement illégal ne peut organiser des élections sincères, libres et démocratiques».
Il semble que M. Moïse ait essuyé une vague de critiques de la part des visiteurs pour s’être affiché une satisfaction indécente face à la situation d’inconstitutionnalité dans laquelle le pays est entraîné, à la faveur du mandat de la Chambre des députés parvenu au complet à sa fin. Le chef d’État est également critiqué pour avoir illégalement écourté le mandat de dix sénateurs élus pour quatre ans. Un agissement, selon d’autres critiques, qui ne démontre aucune volonté de respecter les normes démocratiques.
Quel sort attend Jovenel Moïse ?
Dans les milieux diplomatiques, à la capitale haïtienne, on se demande bien quel sort attend Jovenel Moïse, suite à ce message ayant une allure draconienne. La question qu’on estime la plus brûlante est celle relative à l’organisation des élections générales. Puisque, si celles que ce dernier souhaite organiser sont taxées d’illégaux, qui les accouchera à sa place ?
Une idée qui prête à bien de spéculations. Car des observateurs évoquent l’hypothèse que certaines forces politiques endogènes se mettront en branle pour faire pression sur Moïse pour qu’il quitte le pouvoir avant le 7 février 2021. D’aucuns pensent que, suite au naufrage des négociations, qui devaient accoucher d’un gouvernement de consensus, mais qui ont fait piteusement échec, la communauté internationale a endurci sa position à l’égard du chef d’État haïtien. Après avoir pris l’engagement auprès des diplomates étrangers, y compris la représentante spéciale du secrétaire général des Nations Unies, Helen Maegher La Lime, de mener à terme les pourparlers, pour ensuite faire marche arrière, en sus de former son gouvernement avec Joseph Jouthe, sans crier gare, les représentants étrangers ont considéré le geste de Moïse comme «un coup de poignard dans le dos». D’autres critiques de Jovenel Moïse au sein du Corps diplomatique ne digèrent pas bien les propos d’encouragement, voire même de solidarité de l’ambassadeur américain au régime haïtien, après la nomination de Joseph Jouthe comme Premier ministre déclarant que les États-Unis engagés à accompagner le nouveau gouvernement et à collaborer avec lui. Les membres de cette délégation envoyée auprès du président haïtien ont, en quelque sorte, apporté de l’eau au moulin des critiques de ce dernier lorsqu’ils disent que les paroles adressées par l’ambassadeur des États-Unis à l’égard du gouvernement haïtien sont les siennes et ne viennent pas de l’administration Trump.
Les Américains rapatrient leurs ressortissants, l’ONU aussi
Il se passe quelque chose d’insolite, dans les relations diplomatiques, entre le régime Moïse et les représentants diplomatiques étrangers. Une source proche de l’ambassade des États-Unis a révélé que les Américains ont pris les dispositions pour rapatrier leur personnel basé en Haïti. Des sources concordantes ont affirmé, par ailleurs, que les Nations Unies ont aussi demandé à ce que certains de leurs représentants laissent Haïti.
Dans les milieux d’où émanent ces informations on prétend que ces rapatriements n’ont pas été décidés à cause du coronavirus, tout en déclarant ignorer les vraies causes d’une telle décision.
Il faut souligner que l’atmosphère diplomatique est «très toxique» par rapport au régime têt kalé. L’expulsion de l’ambassadeur de Taïwan d’Haïti constitue une pièce important dans le puzzle diplomatique. Jouvenel a décrété le diplomate chinois persona non grata, parce qu’il a refusé d’avaliser l’octroi d’un prêt de USD 150 millions $ pour aider Jouvenel Moïse à respecter son engagement de d’électrifier toute la République 24 heures sur 24 et 7 jours par semaine, histoire de trouver cette somme pour financer ce projet, en souffrance depuis bientôt quatre ans.
Moïse peut bien avoir aggravé sa situation, en expulsant l’ambassadeur de Taïwan, puisque ce pays étant le «toutou» des Américains, ils n’ont pas délié la bourse pour plaire à ces derniers.
Cet article est publié par l’édition de l’hebdomadaire Haïti-Observateur du 18 mars 2020 VOL. L No. 10, et se trouve en P. 1, 14 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2020/03/H-O-18-March-2020-1.pdf