L’ex-président péruvien Ollanta Humala et son épouse Nadine Heredia jetés en prison par Léo Joseph.
Mais, en Haïti, les dirigeants tardent à se mettre au diapason… En R.D. appel à l’inculpation du président Medina…
La méga enquête ouverte sur la corruption au Brésil, qui vise l’actuel chef d’État de ce pays et des anciens présidents , en sus des sénateurs et députés (en tout pas moins 120 personnes) a eu ses premières répercussions à l’étranger. L’ex-premier mandataire du Pérou et son épouse ont été condamnés à la prison préventive pour blanchiment d’argent, lors de la campagne présidentielle de 2011. Il est accusé d’avoir reçu USD 3 millions $ de la part du géant brésilien du BTP Odebrecht. Entreprise multinationale, celle-ci, dans le cadre de ses travaux dans d’autres pays de l’hémisphère, a effectué des paiements illégaux à certains politiciens de la région. C’est pourquoi des officiels et anciens présidents des États de la région, y compris de la République dominicaine, se trouvent dans le collimateur de la justice. Entre-temps, les responsables d’Haïti, où l’enquête encours sur le scandale de la corruption bat de l’aile, tardent à se mettre au diapason.
Un juge a rendu son verdict, quarante huit heures après que le procureur du Pérou, Germán Juaréz, eut sollicité l’emprisonnement préventif contre Ollanta Humala et Nadine Heredia. S’étant immédiatement rendus, l‘ancien chef d’État péruvien et l’ex-première dame sont passibles de dix-huit mois de détention précédant leur procès. L’incarcération préventive a été sollicité parce que l‘accusation dit craindre que M. et Mme Humala ne fuient le pays s’ils restent en liberté.
L’enquête sur l’ex-couple présidentiel du Pérou a débuté depuis trois ans, sous l’accusation alléguée d’avoir reçu des millions de la compagnie de construction brésilienne Odebrecht, en vue de financer la campagne présidentielle de M. Humala. Celui-ci est également accusé d’avoir reçu des fonds du défunt président du Venezuela Hugo Chavez.
Le procureur German Juarèz a déclaré au sujet de l’ex-président : « en menant sa campagne avec de l’argent illicite, M. Humala a blessé moralement la société ».
Cette action judiciaire menée au Pérou contre l’ex-famille présidentielle est loin d’être une initiative isolée. Elle s’inscrit dans le cadre d’une révolution d’un genre nouveau en passe de balayer l’hémisphère occidental. Lancée principalement contre la corruption et le blanchiment des avoirs, cette campagne vise à protéger les grandes démocraties contre le terrorisme international qui bénéfice du financement opportun dispensé par des agents dévoyés des activités illicites croyant trouver l’opportunité de mieux mener leurs mouvements avec la collaboration de politiciens véreux. C’est donc par souci d’autodéfense que des États des Amériques, comme les États-Unis, le Panama, l’Équateur, le Brésil et l’Argentine, s’offrent une collaboration sans faille dans la lutte contre ces fléaux.
L’exemple du Brésil : Un avertissement aux corrompus de l’hémisphère
Indéniablement, ce qui se passe au Brésil est loin d’être un mouvement inhérent à ce pays. La dernière décision judiciaire concernant l’ex-couple présidentiel du Pérou doit être prise comme un avertissement adressé aux corrompus de l’hémisphère. Car, avant Ollanta Humala et Nadine Heredia, au Pérou, un juge fédéral du Brésil avait rendu un verdict contre l’ex-président Luiz Inacio Da Silva, dit Lula, le condamnant à neuf ans et demi d’emprisonnement, également pour corruption. La décision contre Lula, le candidat à la présidence le plus populaire pour les présidentielles de 2018, si elle est maintenue en appel, pourrait l’empêcher de participer aux élections.
Pour sa part, l’actuel président brésilien, Michel Temer, se trouve confronté à la destitution par le Parlement, ayant été mis en accusation pour « corruption passive ». M. Temer est accusé par Joesely Batista, patron de JBS, la géante entreprise de traitement de la viande du Brésil, d’avoir reçu de lui environ USD 150 000 $ (500 000 Réais) de pots-de-vin. Selon la loi brésilienne, une probable destitution de Michel Temer aura une durée de dix-huit mois, le temps qu’il faut pour que son procès ait lieu. L’enquête contre la corruption a eu de sérieuses répercussions sur la vie politique d’autres pays du continent américain. Car Odebrecht avait distribué des pots-de-vin à la ronde à plusieurs anciens présidents. C’est le cas de Carlos Mauricio Funes Cartagena, qui a dirigé El Salvador, du 1er juin 2009 au 1er juin 2014, accusé également d’avoir bénéficié de gratifications illicites. Même chose pour Ricardo Martinelli, ex-président du Panama. M. Martinelli se trouve présentement en détention dans une prison fédérale, à Miami, attendant un verdict de la justice étatsunienne relative à une demande d’extradition à son en contre faite par le gouvernement du Panama où il est inculpé pour corruption.
En Rép. dominicaine, la marche verte exige que le président Danilo Medina soit poursuivi au criminel
Des dizaines de milliers de personnes, arborant des t-shirts vers, ont défilé dans les rues de Santo Domingo, République dominicaine, dimanche 16 juillet, pour demander que le président Danilo Medina soit jugé au criminel, l’accusant d’être responsable de la surévaluation présumée du projet de construction de la centrale électrique de Punta Catalina, d’une capacité de 770 mega-watts (MW), à charbon.
Lors du rassemblement de masse, au Centre des héros de l’indépendance dominicaine, après avoir traversé les grandes artères de la capitale, les manifestants ont scandé des slogans anti-Medina et entonné des rythmes contre l’impunité.
« Pour mettre fin à l’impunité, il faut que Danilo Medina soit jugé », ont crié les protestataires, accusant le chef d’État dominicain de convertir les actions du ministère public « en intoxication médiatique et un obstacle à l’application de la justice ».
Les manifestants ont déclaré que l’injustice est présente dans tous les domaines du pays, soulignant également que le dossier de Punta Catalina constitue « le corps du délit» dans l‘affaire Odebrecht.
Parmi les slogans qu’elle chan tait, la foule déclarait que pour en finir avec l’impunité il est indispensable d’enquêter sur un groupe de fonctionnaires, de législateurs et d’autres responsables de la gestion des contrats conclus avec la société de construction brésilienne Odebrecht.
Suite à l’enquête sur Odebrecht menée au Brésil, le procureur général de ce pays avait fait parvenir à son homologue dominicain un mémorandum dans lequel étaient énumérés des hommes politiques dominicains, notamment des parlementaires, des ministres et d’autres personnalités du secteur des affaires étroitement liés au gouvernement. Selon les informations provenant des autorités judiciaires du Brésil, Odebrecht avait versé des pots-de-vin à ces personnalités afin que celles-ci puissent aider dans l’octroi de contrats de construction à cette société brésilienne.
Sur ces entrefaites, à la mi-mai de cette année, le procureur général de la République dominicaine avait inculpé au total 14 individus pour corruption et blanchiment d’argent, donnant l’impression que la loi récemment votée par les deux Chambres législatives de la République dominicaine était venue à temps pour sévir contre les contrevenants. Mais les détracteurs du chef d’État dominicain persistaient à dénoncer ce dernier qu’ils continuent d’associer au scandale provoqué par les millions d’Odebrecht. Aussi la manifestation de dimanche s’inscrit elle dans le cadre de la mobilisation générale déclenchée en République dominicaine contre M. Medina.
En République dominicaine, les activistes politiques ne cessent d’accuser le président Danilo Medina de tremper dans le scandale auquel sont impliqués les 14 individus. D’où l’appel collectif lancé contre l’occupant du Palais présidentiel par des citoyens en colère insistant que ce dernier soit mis en accusation pour son rôle présumé dans l’affaire Odebrecht.
Dans les milieux proches de l’opposition dominicaine, on affirme que des 14 personnes dont le procureur général Francisco Dominguez Brito avait ordonné l’arrestation, 12 auraient été remises en liberté. D’aucuns se disent horrifiés par la décision d’élargir ces personnes, car cela démontre l’influence dont elles jouissent au sein du gouvernement. C’est pourquoi, nombre d’opposants au régime Medina pensent que le pouvoir n’hésitera pas à manigancer un mauvais coup afin de manipuler le système judiciaire au profit des proches collaborateurs, amis et alliés du président dans le dossier Odebrecht.
Quel impact la campagne contre la corruption aura sur Haïti ?
Pendant qu’au Brésil et autres capitales latino-américaines la campagne contre la corruption se poursuit imperturbablement, en Haïti, les dirigeants se comportent comme s’ils avaient immunisé le pays contre le virus de l’anti-corruption.
Le régime Moïse-Lafontant ayant mis la justice sous coupe réglée et changé les directions générales des organismes de lutte contre ce fléau et d’autres crimes transnationales, tels que blanchiment d’argent et financement du terrorisme international, Haïti reste interdit à toute influence exogène en ce qui concerne la campagne contre la corruption. Aussi ne devrait-on pas se montrer trop optimiste de voir changer les choses au moment où les voisins dominicains semblent vouloir faire avancer d’un pouce l’initiative anti-corruption.
Certes, l’approfondissement de l’enquête sur l’utilisation du fonds PetroCaribe, que vient de lancer la Commission éthique et anti-corruption du Sénat dirigée par le sénateur Évalière Beauplan, dans la foulée de la première qu’avait présidée le sénateur Youri Latortue, suscite beaucoup d’espoirs que les dilapidateurs des fonds publics, ainsi que leurs co-conspirateurs et collaborateurs seront enfin identifiés et punis.
Toutefois, connaissant la réalité en Haïti, à quel point la corruption domine dans l’administration publique, il est tout à fait compréhensible que certains hésitent à miser sur l’heureux aboutissement de cet te initiative. Car il y a tant de nœuds gordiens à trancher. Comme, par exemple, les sénateurs commissionnaires parviendront-ils à percer le grand mystère entretenu autour du dossier par les acteurs, toutes catégories confondues, qui ont conspiré pour détourner plus de USD 1,9 milliards $ provenant des produits pétroliers vénézuéliens; et qui se liguent maintenant pour étouffer la vérité. Il faut signaler aussi que, dans la mesure où les dirigeants qui ont transformé le fonds PetroCaribe en leur tirelire ont partagé le butin avec des membres des deux Chambres législatives, on ne peut avoir la garantie que le résultat tant souhaité sera au rendez-vous.
En effet, cette idée est d’autant plus légitime que le président de la Commission éthique et anti-corruption initiale, M. Latortue, s’est plaint que des collègues lui avaient mis des bâtons dans les roues, empêchant à son enquête d’aboutir à sa conclusion logique. Aujourd’hui, rien n’autorise à croire que M. Beauplan a une meilleure stratégie de réussite, ou que son enquête évolue dans une meilleure atmosphère que celle de son collègue. Puisque l’écho des arguments avancés par les acteurs, dans le cadre des prises de position émises en général, ou celui des explications fournis par des anciens hauts fonctionnaires interrogés, y compris des anciens Premier ministres, ne laissent voir aucune volonté de faire jaillir la vérité. Au contraire, à entendre le témoignage des individus à l’origine des décisions ayant abouti aux décaissements effectués, personne n’est responsable du pillage du fonds PetroCaribe.
Parlant des obstacles potentiels au bon déroulement de l’enquête pilotée par Évalière Beauplan et les risques qu’elle tourne court ou débouche sur le néant, il faut déplorer la tenue des séances loin des caméras de la presse, contrairement aux interrogations effectuées par la Commission Latortue. Nonobstant les arguments évoqués par M. Beauplan pour justifier sa manière de mener cette opération, son genre de faire laisse la porte ouverte à des interprétations fantaisistes des interrogations ; et à la manipulation éhontée des questions en fonction des intérêts sordides et cachés des partis en présence.
Au bout du compte, l’enquête sur l’affaire Odebrecht fait des vagues ailleurs. Mais, en Haïti, les crimes transnationaux, notamment la corruption, le blanchiment des avoirs et le financement du terrorisme se portent bien. Et les dirigeants se protègent les uns les autres pour maintenir le statu quo.
L.J.
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