Quand le banditisme prime sur l’État en Haïti… par Michel Léandre
Les bandits armés deviennent maitres des vies et des biens en Haïti, à la faveur des premiers événements-tests des 7 et 8 juillet 2018 où des casseurs pillaient, incendiaient des établissements de commerce à Port-au-Prince, sans la moindre intervention des forces de sécurité haïtiennes pourtant concentrées â la capitale. Durant ces deux journées, la Police nationale d’Haïti (PNH) et ses unités musclées d’intervention restaient à leurs bases alors que les différents médias diffusaient des images de ces épisodes.
Des palabres s’en suivaient, mais la réalité était ce qu’elle était : meurtres, vols, viols, incendies, barricades enflammées, menaces, peur à travers une capitale sous la férule des bandits opérant à visage découvert.
L’État d’Haïti, dont on se plaignait de la non-existence, mon trait nettement qu’il est incapable d’assurer la sécurité des vies et des biens, son rôle primaire. La plaie reste ouverte jusqu’au 17 octobre ou les Haïtiens assistaient à l’agonie de l’État. Depuis, les bandits, comme des loups sortis de leur tanière, se pavanent sans masque à travers Port-au-Prince, lourdement armés d’engins automatiques et flanqués de leurs principaux lieutenants, se la coulant bien dans les bars et les principaux lieux de détente, tant à Pétion-Ville que dans les quartiers les plus huppés de l’aire métropolitaine, sans la moindre inquiétude.
Banditisme et politique
Les régimes politiques, qui se sont succèdes au pouvoir, après la chute des Duvalier avaient d’ordinaire utilisé les services de gens malintentionnés, véritables défenseurs de leurs causes dans les quartiers défavorisés de la capitale et des villes de province. Une activité lucrative, certes, qui attire les chômeurs s’organisant pour créer des cellules baptisées bases, sous Aristide deuxième version. Maintenant l’ensemble du pays est constitué de bases avec des hommes armés s’autoproclamant commandants. Mais en réalité ce sont de véritables truands qui tuent, ravagent, violent, etc., dans le but de maintenir leur autorité dans leur fief. Et grâce à l’argent arraché aux honnêtes gens, ils jouent le bonpapa en aidant certaines familles nécessiteuses.
En clair, les bandits sont les bras longs de certains politiciens qu’ils assurent des votes de leur fief aux élections. Une fois en porte à faux avec la police, ces mêmes politiciens interviennent pour s’assurer qu’ils ne passent une seule nuit en prison. Une complicité sans borne, puisque les bandits tirent un salaire et des frais du ou des politiciens qui les soutiennent. Il s’ensuit que les bandits n’ont aucun égard pour les policiers et deviennent plus arrogants au fil du temps.
L’on se questionne sur les moyens d’approvisionnement en armes et munitions ces malfrats qui peuvent passer une journée entière à se défendre contre les attaques d’autres gangs rivaux, voire même face aux unités spécialisées de la PNH. Par exemple, le mercredi 17 octobre 2018, n’ont-ils pas récidivé, réduisant à néant la stratégie de la Police, au Pont Rouge, en présence même du président du pays, pendant que tous les quartiers étaient en ébullition ? En effet, des bandits arborant leurs armes de guerre, circulaient, terrorisaient et organisaient des festins qui se terminaient tard dans la soirée. Entre temps, des agents de police bouclaient les périmètres de l’aire métropolitaine et patrouillaient les rues. Les bandits ne s’en inquiétaient même pas, vu qu’ils avaient déjà mis à exécution leur plan durant la journée.
Le vendredi 2 novembre de la même année, les forces de l’ordre lançaient une opération, en vue de déloger le puissant chef de gang Anel en cavale. Huit de ces lieutenants sont dans les filets de la police.et une soixantaine de complices sont arrêtées. Les policiers entendaient rester sur les lieux en vue, selon leur porte-parole, de pacifier la zone. L’action des bandits armés de Cité de Dieu, au Bicentenaire, et de Grand Ravine, sont néfastes pour les voyageurs empruntant la route Nationale No 2, qui dessert 4 départements géographiques : Sud-Est, Nippes, Sud et Grande Anse. Ces départements, réputés greniers de la capitale, n’y arrivent pas à acheminer leurs denrées et produits alimentaires à destination. Ce qui crée une rareté, occasionnant une flambée rapide des prix. Comme con séquence de cette situation, la population de Carrefour, de Mariani, de Grossier, de Léogâne, de Grand-Goâve et de Petit-Goâve n’ont pas accès à la capitale pour s’approvisionner en produits importés utiles au ménage.
Somme toute, une population à la merci des bandits opérant en toute liberté. La noble raison d’État est contingentée par la volonté des gangs armés. Nous sommes en train de vivre la somatisation progressive des quartiers défavorisés, dont les acteurs risquent d’étendre leurs tentacules dans les zones dites aisées ou considérées fiefs des classes moyennes.
Vers la fin du mois d’aout 2020, la confusion atteignait son comble, car les bandits se structurent en vue d’une fin non encore élucidée, alors que les stratégies mal définies par les autorités étatiques n’inspirent aucune confiance de voir la paix et la sécurité au rendez-vous. ML
cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur (New York) édition du 23 septembre 2020, VOL. L No.37 et se trouve en P. 3 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2020/09/H-O-23-septembre-2020-1.pdf