LES AMÉRICAINS ONT-ILS DÉCOUVERT LE POT AUX ROSES ? par Léo Joseph
Enquête ouverte sur plusieurs grosses légumes du monde des affaires : Des milliards $ d’impôts non payés…
Des dizaines d’agents américains, tous les services confondus, sont déployés en Haïti, voilà déjà plus de neuf ans. Initialement dépêchés, dans le cadre de l’enquête sur le trafic de drogue régionale, c’étaient surtout des agents de la Drug Enforcement Administration (DEA). Mais au fur et à mesure qu’aboutissaient les enquêtes, qui se soldent toujours par des aveux riches en informations faits par les personnes appréhendées, les autorités américains ont fini par comprendre, qu’en termes de trafics illicites se donnant libre cours en Haïti, les stupéfiants ne constituaient que la pointe de l’iceberg.
Il est certain que les premières conclusions de ces enquêtes sur le commerce de la drogue étaient prévisibles, car, d’une manière générale là où prospèrent les trafiquants de drogue, d’autre activités illégales y vont de paire. Aussi, à partir des découvertes effectuées sur les barons de la drogue, en Haïti, les Américains ont-ils trou- vé de bonnes raisons d’implanter un réseau d’agents de la DEA, du « Federal Bureau of Investigation » (FBI), du « Bureau of Alcohool, Tobacco, Firearms and Explosives », sans oublier la «Central Intelligence Agency » (CIA), la «National Security Administration » (NSA), ainsi qu’une série d’autres agents liés à des degrés divers, individuellement ou globalement, à toutes ces entités. Mais les données recueillies sur le terrain avaient fini par déterminer les autorités à mobiliser également des agents de l’« Internal Revenue Service » (IRS), qui n’est autre que le fisc américain.
On pourrait se demander ce que des agents de l’IRS sont venus chercher dans cette galère. La raison est simple : De nombreux hommes d’affaires évoluant en Haïti, détenteurs de la citoyenneté américaine, payent très peu d’impôts sur le revenu, ou pas du tout. Une enquête plus poussée a révélé que ceux parmi ces hommes d’affaires porteurs de passeports américains qui se sont mis soit disant en règle avec le fisc haï- tien (la Direction générale des impôts ou DGI) ne payent qu’une pitance. Caril a été découvert que, d’un côté, l’État haïtien manque d’infrastructures adéquates pour suivre le mouvement des capitaux; ou bien, la corruption battant son plein dans ce pays, les fonctionnaires de l’État s’accoquinent avec eux au point de baisser drastiquement le taux des taxes en leur faveur, sinon de les dispenser totalement de remplir leurs responsabilités fiscales, moyennant paie- ment de juteuses ristournes.
Plus de 5 milliards $ d’impôts non payés ?
Impossible, pour l’instant, d’identifier les hommes d’affaires haï- tiens(ou étrangers vivant en Haïti) visés par l’enquête, dont les tentacules lui confèrent les mêmes caractéristiques que celle, qualifiée de méga, du Brésil, menée sur l’- entreprise pétrolière étatique Petrobras et la firme de construction géante Odebrecht. Cela pourra se faire en temps et lieu. Toutefois, il va sans dire que les individus concernés se reconnaissance dans cet article. En tout cas, ceux qui ont facilité la publication de ce texte conditionne sa collaboration au strict respect de sa volonté de garder les noms de ces personnes au secret. Jusqu’à nouvel ordre.
En tout cas, cette enquête multidimensionnelle a permis de faire une série de découvertes sur la manière dont certains propriétaires d’entreprises réalisent des profits fabuleux dans l’économie informelle.
Une découverte encore plus importante est celle relative au grand brassage d’argent qui s’effectue dans le commerce informel, donc qui échappe à tout contrôle de l’État. Au point que les enquêteurs fédéraux ont découvert que certains hommes d’affairesréalisent desrentrées de fonds portant sur des centaines de millions par an. Ce qui porte les autoritésfédérale à déduire qu’une poignée d’hommes d’affaires seulement pourrait devoir plus de USD 5 milliards $ d’impôts.
Mieux encore, à l’analyse du mouvement de capitaux qui traversent l’espace informel porte à conclure que les activités commerciales, qui se font en Haïti, ne supportent pas la masse d’argent que réalisent des individus évoluant surtout dans le commerce informel. Puisque, dans la mesure où les transactions se font surtout en espèces, il n’est pas facile d’en mesurer le volume. Voilà pourquoi, raisonnent les enquêteurs fédéraux, il est facile pour les commerçants qui militent surtout dans cet espace de détenir une si grande quantité d’argent liquide, rendant impossible,sinon extrêmement difficile, tout contrôle de l’État.
À la lumière de ces expériences, il est aisé de comprendre pourquoi, par exemple, un soit disant homme d’affaires tel que Jovenel Moïse serait en mesure de déposer plus de USD 5 millions en liquide à ses comptes en banque.
Dans ce même ordre de raisonnement, soulignent, par ailleurs, les enquêteurs fédéraux, on peut comprendre comment un autre homme d’affaires de Port-au-Prince a pu confier USD 400 mille $ en pièces de faible valeur à un simple employé de banque, aux fins de la luire convertir en coupons de 100 dollars.
À noter que, dans le cas de ce dernier négocient, cet employé, qui travaillait à la Unibank de Bon Repos, n’avait pu récupérer cette somme qu’il avait placée pour réaliser une juteuse dividende en sus de la commission qu’il allait toucher pour effectuer cette transaction de change.
Mais un tel écart de conduite ne justifie pas l’assassinat de l’individu. Pourtant c’était bien le sort qui a été fait à ce jeune homme. Kidnappé par un commissaire de Police aidé d’une poignée de policiers, à l’instigation de ce même homme d’affaires, cet employé de banque ne verrait jamais plus sa famille.
À coup sûr, la DGI n’aurait pas touché un seuls ou sur ces 400 mille $, même si cet employé, qui menait cette transaction à l’insu de ses supérieurs, avait, comme entendu, remis la somme convertie en larges coupons à son propriétaire.
Dans ce chassé-croisé infernal, il faut s’interroger sur le caractère de cet homme d’affaires, qui était devenu un client régulier de cet employé, effectuant des transactions illégales dansle dos de l’administrateur de cette branche de la Unibank. C’est pourquoi, ne pouvant récupérer son argent, il avait opté pour prendre sa revanche en faisant disparaître ce jeune homme.
Depuis que les agents fédéraux opérant en Haïti ont découvert l’importance de l’économie informelle, ils marchent quasiment le nez en l’air, toujours prêts à flairer les activités illicites. Ils affirment que de cette manière, ils ont pu avoir accès à une mine d’informations leur permettant de ficeler de nombreux dossiers longtemps mis en veilleuse faute de collaboration pour aider à les compléter.
Fort de tout ce qu’ils ont appris, dans le monde interlope, en Haïti, les agents fédéraux pensent qu’ils sont sur de bonnes traces et qu’ils auront, comme ils le disent, avec une joie vive et expansive, « une pêche fructueuse ».
IRS sera le grand bénéficiaire
La mise en mouvement de l’appareil judiciaire contre les trafiquants de drogue évoluant en Haïti ne rapporte pas gros au gouvernement américain. À part les comptes en banque accessibles, en résidence aux États-Unis ou ailleurs, les biens des Haïtiens sont généralement dissimulés de manière à les mettre hors de portée des autorités en général. Investi ordinairement dans des propriétés vacantes, bâties ou dotées d’immeubles inachevés, l’argent des caïds de la drogue d’Haïti offrent peu d’attraits aux autorités fédérales dont les pressions exercées sur les dirigeants haïtiens, pour les confisquer, n’aboutissent pas toujours de manière idéale. Surtout que, en Haïti, la roue de la justice tourne avec une lenteur déroutante, décourageant les procureurs américaines. Il semble que les choses soient différentes avec cette méga enquête. Car en lui permettant de s’étirer sur plus de sept ans, il semble qu’il ait été possible de bien ficeler le dossier. De telle sorte que l’IRS pense que ces hommes, qui font l’objet de ces dernières recherches, possèdent des comptes en banque qui ont été identifiés et trouvés accessibles.
C’est pourquoi, quand on parle d’impôts sur le revenu évalués à plus de USD 5 milliards $, IRS sait d’ores et déjà quelle stratégie mener pour rentrer ces fonds dans le patrimoine fédéral. Mais peut-on dire que les Américains ont découvert le pot aux roses ?
De toute évidence, quoi qu’on dise et fasse, dans le cadre de cette enquête, on ne peut prévoir ce qui va se passer à coup sûr. Mais il est certain qu’un tel projet risque d’avoir un gros impact sur le milieu des affaires en Haïti.