ÉDITORIAL
- Un autre Premier ministre nommé par Jovenel Moïse, de nouveaux cadavres dans le placard
Quand Jovenel Moïse ou Michel Martelly fait choix d’un personnage pour accéder à une haute fonction gouvernementale, notamment au niveau de l’Exécutif, il y a de fortes chances qu’il traîne après lui une réputation déshonorante. En tout cas, dans l’esprit des gens qui restent attachés au principe d’intégrité absolue dans la fonction publique. Car il semble que ni l’actuel occupant du Palais national, ni son prédécesseur ne se sent parfaitement confortable qu’avec des proches collaborateurs sur qui pèsent des soupçons honteux. En ce sens, rien n’autorise à croire que si le Nèg Bannann nan parvenait à faire atterrir Jouthe Joseph à la primature, le pays serait enfin doté d’un gouvernement différent de ceux offerts jusqu’ici par le chef de l’État.
D’entrée de jeu, à peine annoncée la nomination de Jouthe Joseph comme Premier ministre, on n’a pas tardé à vider son placard où gisent des cadavres. L’actuel ministre intérimaire des Finances et de l’Environnement, appelé à former le prochain gouvernement, est accusé d’avoir été mis à la porte pour corruption par l’organisation Care-Haïti alors qu’il était basé à Saint-Marc. Bien que la spécificité des reproches qui lui ont été faites n’ait pas été révélée, d’aucuns pensent qu’il s’agirait d’indélicatesse administrative, du genre de celles qui ont été mises au compte de Jean-Michel Lapin et de Fritz William Michel. En faisant sa nième nomination à cette haute fonction d’un homme du même acabit que les précédents, le chef de l’État donne l’impression de se sentir bien dans sa peau en collaborant avec de personnes dont la carrière est marquée d’actes répréhensibles.
Est-ce par hasard que les individus choisis par Jovenel Moïse pour combler la vacance à la primature ont, à quelque point de leur carrière politique ou administrative, trempé dans la corruption ou dans d’autres méfaits de cette nature ?
En effet, aucun des Premier ministres de Nèg Bannann nan n’a été au-dessus de tout soupçon. Si le Dr Jacques Guy Lafontant n’a pas été accusé de donner dans la corruption, les commentaires émanant de Léogâne, à l’occasion de sa nomination, le rendaient inapte à participer à la gestion de l’administration publique à ce niveau. Même le notaire Jean-Henry Céant n’est pas sorti indemne face aux accusations. N’a-t-il pas été dénoncé de «vol de terres», dans le cadre de sa profession par des clients se déclarant victimes de sa mainmise sur leurs propriétés ? Quant à Jean-Michel Lapin, il s’était vu mettre en cause pour avoir accédé à la primature, même à titre intérimaire, sans obtenir décharge. Dans le débat qui faisait rage autour de sa candidature au poste de Premier ministre, en tant que membre du cabinet Céant, ce dernier éjecté de la primature par la Chambre des députés, il était accusé de détournement de fonds publics. On lui reprochait aussi d’avoir détourné les fonds destinés au financement du Carnaval des Cayes pour l’année 2019.
Parmi les personnalités nommées pour remplir la fonction de Premier ministre par Jovenel Moïse, Fritz Williams Michel a été le plus vilipendé. Accusé de détournement de fonds, au ministère de l’Agriculture au point d’avoir été dénoncé par le titulaire de ce département, sa friponnerie devait être exposée dans toute sa laideur. Aussi a-t-il remporté la palme d’escroquerie, au détriment de la caisse publique, dans le cadre de la vente de chèvres à des prix exorbitants à l’État haïtien.
En clair, Jovenel Moïse n’a aucune intention de diriger le pays autrement. Son dernier choix pour le poste de Premier ministre ne fait que confirmer sa politique des trente-six derniers mois. Si le peuple haïtien anticipe le changement, l’actuel occupant du Palais national n’est pas à même de l’apporter. Carson entêtement à continuer la gabegie administrative, la corruption à tous les échelons de la fonction publique, en sus de diriger dans l’opacité totale avec des hommes et des femmes qui partagent sa conviction calcul, il trouve sa garantie d’action avec des collaborateurs pouvant l’assurer que l’action qu’ils comptent mener assurera le plein succès de sa politique.
Aucun doute Jovenel Moïse a le cap mis sur l’objectif de PHTK, c’est-à-dire la gestion des affaires du pays en vue d’assurer le retour de Michel Martelly au pouvoir. Voilà pourquoi l’occupant du Palais national a mené une politique visant à donner le change aux partis politiques d’opposition ainsi qu’à la société civile, donnant l’impression qu’il cherchait le dialogue, en vue de la mise en place d’un gouvernement de consensus. Dans cet objectif, il n’a pas hésité à rouler les représentants de la communauté internationale dans la farine. C’est surtout le cas d’Helen Meagher La Lime, l’émissaire du secrétaire général des Nations Unies en Haïti, qui s’était lancée dans des négociations en vue de trouver les conditions nécessaires à la mise sur pied de ce gouvernement, tel que souhaité par les soit disant amis d’Haïti.
En effet, le choix de Jouthe Joseph comme Premier ministre contredit les prises de position publiques du chef de l’État haïtien. Il est loin d’être l’homme du dialogue dont il prétend projeter l’image. Le compromis qu’il prône pour la consommation externe n’a aucune place dans sa politique.
De toute évidence, le peuple haïtien ne peut pas s’attendre à ce que Jovenel Moïse réponde à ses attentes. Aucune chance qu’il change de politique. Dès lors, il ne reste plus à la nation de se regrouper dans toutes ses composantes pour mettre fin à ce régime incompétent et criminel que la communauté internationale appuie sans réserve, se fichant du bien-être de nos sœurs et frères comme de l’an quarante
Cet article est publié en collaboration spéciale avec Réseau HEM Geneva, et l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 4 mars 2020 VOL. L, No.8 New York, et se trouve en P. 10, à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2020/03/H-O-4-March-2020-1.pdf