CONSEILLER FINANCIER ET PROCHE COLLABORATUER DE JOVENEL MOÏSE
- Un candidat à la présidence assassiné par Léo Joseph
- À qui profite l’assassinat de Norvella Bellamy ?
Si les enquêteurs de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), l’entité de la Police nationale à qui incombe la responsabilité des enquêtes sur le territoire national, cafouillent par rapport aux sept derniers autres assassinats qui ont été perpétrés, à la capitale, au cours des deux dernières semaines, celui d’un cadre supérieur de la Banque centrale pourrait ouvrir la voie sur des pistes intéressantes. Il semble que certaines gens auraient opté pour prendre des mesures extrêmes, dans l’objectif de mettre des bâtons dans les roues de Jovenel Moïse.
Après l’assassinat crapuleux, en leur résidence, à Peggy-Ville, de la poétesse et institutrice Farah Martine Lhérisson et de son compagnon, l’ingénieur Lavoisier Lamothe, ainsi qu’une troisième personne trouvée morte, à la barrière d’entrée en leur résidence, c’était le tour, quelques jours plus tard, de deux jeunes danseurs, d’être, à leur tour, victimes d’actes criminels. Ils étaient portés disparus, la veille, par leurs familles. Mais les cadavres calcinés de Nancy Dorléans, 25 ans, et de Sébastien Petit, 20 ans, ont été retrouvés à Tabarre. Les autorités policières sont encore à pied d’œuvre, sur le dossier, fouinant dans toutes les directions, souhaitant découvrir quelques indices. Environ 72 heures après qu’eurent été découverts les restes des deux jeunes danseurs, dans les conditions déjà décrites, la capitale a été, encore une fois, frappée par un second double assassinat. Norvella Bellamy, haut cadre de la Banque de la République d’Haïti (BRH), ainsi que sa compagne, Daphnée Fils-Aimée, également la mère de son fils, âgé de 4 ans, en sus d’un homme dont l’identité n’avait pas été immédiatement établie, ont été retrouvés baignant dans leur sang. Des témoignages reçus sur place ont indiqué que M. Bellamy avait reçu un coup de couteau derrière la tête avant de subir un projectile au flanc gauche, comme Mme Fils-Aimé, d’ailleurs, et l’inconnu, qui auraient reçu chacun l’impact d’un obus.
Selon les témoignages de témoins, Norvella Bellamy avait fondé un parti politique, le Regroupement de patriotes responsables (RPR). La victime présidait une réunion de cette formation politique, à son domicile, situé à Delmas 75, en face de l’hôpital «Espoir», à laquelle assistaient pas plus de six personnes. On rapporte qu’une dispute a éclaté, qui a mal tourné, provoquant cette attaque.
Un proche de Jovenel Moïse
Norvella Bellamy a tout ce qu’il faut pour s’insinuer dans les vues d’un Jovenel Moïse qui, à l’instar de son prédécesseur, Michel Martelly, l’avait choisi pour lui succéder à la présidence, parce qu’il avait besoin d’un homme de confiance pour lui procurer l’immunité, pendant longtemps. Se trouvant dans la même situation que Martelly, il semble qu’il ait jeté son dévolu sur ce haut cadre de la Banque nationale de la République d’Haïti avec qui il a des affinités.
Comme Jovenel Moïse, Norvella Bellamy est né au Trou du Nord, dans le Nord-Ouest. Parallèlement à sa fonction de vice-président des Caisses d’épargne, à la Banque centrale, il était un haut fonctionnaire de la compagnie de Jovenel Moïse, Agritrans, celle dans laquelle la Cour supérieure des comptes et du Contentieux administratif (CS/CCA) avait accusé le chef de l’État de détourné des fonds du fonds PétroCaribe.
On apprend que Bellamy est un conseillé très écouté du chef de l’État pour les affaires financières et économiques. Dans les milieux proches du Palais national, on affirme que Moïse l’inclut dans ses plans politiques, s’imaginant qu’il ferait un bien meilleur choix pour lui succéder au Palais national que Michel Martelly l’avait choisi.
On apprend qu’un mandat d’amener ainsi qu’une interdiction de départ ont été émis à l’encontre d’Emmanuel Elgin, un ancien agent de sécurité de la Banque centrale. L’inculpé a été révoqué en novembre de l’année dernière.
Bien préparé pour accéder à la première magistrature
En effet, Nèg Bannann nan croit avoir trouvé l’homme idéal pour lui succéder. Il est grandement impressionné par son itinéraire académique.
Ses études secondaires terminées, au Collège du Notre Dame du Perpétuel Secours, au Cap-Haïtien, Norvella Bellamy est parti pour Montréal, Canada. Il a décroché un diplôme de bachelier ès sciences, et un autre de ès art en Science politique, de l’Université du Québec. En sus d’une maîtrise en Administration publique, à l’École nationale d’administration publique (Mont réal, Canada).
Il est devenu directeur adjoint du Service des caisses populaires à la BRH, après vingt ans de service à cette institution. Selon des informations disponibles, à son sujet, il est également professeur à l’université, ayant assuré des cours à l’Université Quisqueya, depuis sept ans. Aussi bien à la Faculté des sciences économiques et administratives (FSEA).
La carrière politique de Norvella Bellamy a tourné court ?
Bien que Jovenel Moïse n’ait pipé mot au sujet de ses plans, en ce qui a trait à son successeur, des proches de Nèg Bannann nan, qui veulent rester anonymes, ont fait savoir que de tous les hommes que ce dernier se propose de lancer dans la course pour la présidence, Norvella Bellamy occupait une place privilégiée. Il semble que, d’après les révélations faites à ce sujet, le chef de l’État utilisait les autres hommes politiques qu’il continuait à bercer d’illusion d’être des candidats potentiels comme des « pions politiques », mais que le prochain président allait être Bellamy.
Dans la mesure où ces informations relatives à ce haut cadre de la BRH se confirment, il faut conclure qu’ un secteur a conspiré pour faire échec aux plans de Jovenel Moïse et, par la même occasion, manigancer pour que la carrière politique du défunt tourne court.
Mais à qui profite l’assassinat de Norvella Bellamy?
On connaît le vieil adage, en Haïti : l’enquête se poursuit. Éternellement ! Il est encore trop tôt de dire dans quel sens va progresser la recherche des assassins de Norvella Bellamy et les commanditaires de ce crime. Mais il est opportun de poser la question de savoir, à qui profite la disparition physique de cet homme ?
Il semble que l’harmonie et la sérénité ne soient pas au rendez-vous, au sein du PHTK. Car la manière dont Jovenel Moïse mène la stratégie, en vue de conserver le pouvoir pour le parti politique fondé par Michel Martelly, ne fait pas l’unanimité auprès des lieutenants de l’ex-président. Sur tout quand le chef de l’État affiche des ambitions d’indépendance par rapport à son mentor et prédécesseur. Au point que certains osent dire que les choses ne tournent pas rond dans le monde PHTKiste. Surtout la manière dont Moïse gère la stratégie relative à la fin de son mandat. Alors que les adeptes du parti présidentiel attachés à l’ex-président-musicien souscrivent à l’argument confortant la date du 7 février 2001, les partisans du régime Tèt Kale liés à Jovenel Moïse, de leur côté, défendent bec et ongles l’idée du départ de M. Moïse le 7 février 2022.
Si Jovenel Moïse trouve réellement en Norvilla Bellamy le dauphin idéal, au point de commencer à mobiliser d’importantes ressources dans la promotion de son cheminement heureux jusqu’ au Palais national, il y a fort à parier qu’une telle proposition n’est pas bien accueillie dans le monde PHTKiste. On ignore encore la position de Michel Martelly par rapport à un tel choix.
D’ores et déjà, d’aucuns pensent, dur comme fer, que l’assassinat de ce haut cadre de la BRH constitue un message clair envoyé au président haïtien qui, ces derniers temps, n’hésite pas à afficher des gestes d’indépendance à l’égard de celui qui avait facilité son atterrissage au Palais national.
Les enquêteurs de la DCPJ ont du pain sur la planche. Mais il y a des indices qui sont susceptibles d’entraîner dans une certaine direction. Maintenant il faut poser la question de savoir si Jovenel Moïse a les reins suffisamment solides pour faire avancer l’enquête sur l’assassinat de Norvilla Bellamy là où elle peut mener. L.J.
Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur édition du 1 juillet 2020, Vol. L, No.25, et se trouve à P. 1, 13, 15 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2020/07/H-O-1-juillet-2020-1.pdf