LE KOMPA DIRÈK TOUJOURS EN BUTTE À DES DIFFICULTÉS

La crise du marché constitue un handicap à l’avancement du konpa dirèk. Malgré les nouvelles productions musicales, rien n’a vraiment changé comme on l’espérait. La situation s’aggrave de jour en jour. Les groupes musicaux font face à une période de sécheresse qui inquiète les acteurs préposés à la défense de leurs intérêts. Ils sont impuissants face à cette situation. Ce qui fait que le genre musical konpa dirèk se trouve toujours en butte à des difficultés tristes, mais capables d’être solutionnées.

La crise atteint une autre dimension

Le festival compas de la Floride a eu lieu le weekend du 19 mai 2017. Il représente une plateforme adéquate qui permet aux groupes musicaux d’offrir au public quelques bonnes heures de divertissement. Pourtant, cette activité culturelle n’a pas changé la crise qui sévit au sein de l’industrie musicale konpa dirèk. Il faut dire que ce festival n’a pas pour objectif de résoudre les problèmes auxquels sont confrontées les organisations musicales haïtiennes. Les difficultés sont si nombreuses que deux jours de festivités ne peuvent aider à les solutionner.

La crise est plutôt d’ordre structurel ayant à voir avec l’industrie musicale dans son en- semble. La saison estivale est proche et les possibilités de succès des formations musicales sont considérablement réduites. Plusieurs facteurs expliquent un tel fait. Il faut considérer l’insécurité qui remonte en Haïti. La brève disparition de Roro Laîné de Djakout #1 crée une peur bleue dans le monde konpa dirèk. Quelle soit une mise en scène ou pas, cet fait projette une image négative dans l’esprit de la grande majorité, qui pourrait décider des Haïtiens vivant à l’étranger d‘éviter d’entrer au pays.

Dans le même ordre d’idées, les touristes sont effrayés par l’insécurité qui n’épargne personne. Tous ces faits constituent des éléments forçant à la réflexion, considérant le fait que Roro et Djakout #1 jouissent d’une grande popularité au pays. D’ailleurs, cette formation est connue comme « Jazz peyi a ». Que dire d’un inconnu ? Sans vouloir porter un jugement sur l’affaire Roro, elle aura certainement un impact sur la saison estivale 2017. Au point que certains groupes pensent déjà à une autre alternative pour l’été, les musiciens ne voulant pas laisser leur peau au pays. Face à une telle situation, ils devraient profiter de la circonstance pour considérer d’autres marchés plus larges et plus diversifiés.

Les méfaits possibles de l’insécurité au pays

Les promoteurs vivant en Haïti doivent aussi prendre des mesures sécuritaires fiables et utiliser d’autres stratégies pour contourner cet obstacle que crée l’insécurité. Les tournées des groupes constituent une source de revenu garantie pour les organisateurs de soirées. Par voie de conséquences, les recettes de la Direction générale des impôts (DGI) ne seront pas les mêmes, car moins de groupes entreront en tournée cette année. Ce que, dans le langage vernaculaire haï- tien, on peut traduire par: « farinn nan p ap vin nan menm sak la ». Il est encore tôt pour que les concernés trouvent une bonne solution à ce grave problème qui hante tous les esprits. Aux États- Unis, la situation ne paraît pas trop claire. On entre en plein en période de vaches maigres, qui a débuté avec les réceptions de première communion, où tout est servi gratuitement. Et les DJs offrent une diversité musicale extraordinaire qui fait de cette saison la plus fructueuse pour eux.

Le mois de mai a toujours été considéré comme la basse saison de l’industrie musicale haïtienne. C’est ce qui force les orchestres à entreprendre des tournées estivales en Haïti, histoire de compenser le manque à gagner occasionné par la période de disette. Cependant, les soirées de collecte de fonds planifiées ne seront pas affectées, les contrats ayant été signés au moins une année à l’avance. Par exemple, le groupe Nu Look assurera la soirée traditionnelle de l’Association des anciens élèves du Collège cana- do-haïtien et des Frères du Sacré-Cœur, qui aura lieu le samedi 27 mai, au Hilton Hôtel de Huntington, à Long Island, New York.

Le konpa dirèk n’attire pas les

Certains musiciens se disent fatigués avec la routine des bals en weekend. C’est le moment plus que jamais pour eux de trouver une autre alternative de survie. Les promoteurs sont pour la plupart démissionnaires aujourd’hui, ne voulant plus risquer leur investissement dans l’industrie musicale. L’on se demande pourquoi ces artistes n’organisent pas eux-mêmes des concerts pour permettre aux enfants d’y prendre part, puisqu’ils ne peuvent fréquenter les boîtes de nuit. Cela aurait aussi causé la participation des parents qui ne vont plus aux bals.

Il y a une importante observation à souligner : Les musiciens ne prennent pas en compte l’indifférence de la majorité des jeunes Haïtiens, ou bien ceux qui sont nés de parents haïtiens, aux États-Unis ou ailleurs, face à la culture haïtienne. Ces derniers s’intéressent peu à la musique konpa dirèk. Pour la simple et bonne raison qu’ils ne sont pas suffisamment exposés à cette forme de musique, car les artistes haï- tiens ne leur offrent aucune possibilité d’apprécier cette composante de la culture de leurs pares.

Il serait bon que les groupes musicaux peaufinent le konpa dirèk en réalisant l’hybridation de leurs compositions. Une alternative que nous prônons depuis des décades, et qui a le potentiel d’aider à freiner la descente rapide aux enfers du genre musical le plus populaire d’Haïti. Cela voudrait dire qu’ils doivent maintenir la rythmique konpa dirèk et y ajouter des couleurs vivantes susceptibles de la faire accepter par d’autres peuples. Il y a fort à parier qu’une telle initiative attirerait facilement les jeunes Haïtiens.

On ne peut que souhaiter que les musiciens se réveillent de leur profond sommeil pour faire face à la réalité qu’ils feignent d’ignorer. Autrement, le konpa dirèk sera confronté à des difficultés encore plus grave dans les années à venir. Considérant la réalité socioculturelle, Haïti a tout perdu, sauf sa culture. Malgré les dégâts enregistrés lors du tremblement de terre du 12 janvier 2010, celle-ci ne semble pas reste ensevelie sous les décombres. Ce qui met en évidence la force de la culture d’un peuple dont la résilience ne cesse de s’affirmer en toutes les circonstances.

robertnoel22@yahoo.com


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