L´AUTODÉTERMINATION NE SUFFIT PAS POUR JUSTIFIER L´INDÉPENDANCE

UNE VUE DE LA FENÊTRE/POLITIQUE INTERNATIONALE

BIEN COMPRENDRE LA POLITIQUE INTERNATIONALE, par Michelle Mevs P. 16

  • [foto illustration. La Catalagne, c’est l’Espagne ! Artur Mas, indépendantiste réaliste, reconnaît que l’indépendance ne peut se concrétiser maintenant. Oriol Junqueras, un indépendantiste prudent].

L’Espagne se veut unie, forte, européenne, tandis qu´une partie de la population de la Catalogne entend qu’elle soit indépendante et européenne.

Qu’il me soit permis, d’entrée de jeu, de situer les positions juridiques des antagonistes, par rapport à un royaume espagnol aspirant à l’unité nationale et à l’intégrité territoriale, en sus d’être un espace européen et, la Catalogne, région d’Espagne jus qu’ici autonome et prospère, dont une partie de la population réclame son indépendance, tout en se voulant encore intégrée à l’Europe.

Des arguments juridiques universels avancés des deux côtés

Dans le débat déclenché par cette dispute inter-espagnole, les protagonistes reposent leurs points de vue sur des arguments juridiques universellement établis.

D’une part, Carles Puigdemont, de la Generalitat catalane, avance le droit légitime de la Catalogne à l’autodétermination. En effet, les indépendantistes catalans s’appuient sur la Résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale des Nations-Unies, en date du 14 décembre 1960, qui stipule : « (…) consciente de la nécessité de créer des conditions de stabilité et de bien-être et des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect des principes de l’égalité de droits et de la libre détermination de tous les peuples, et d’assurer le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ».

De son côté, Mariano Rajoy Brey, devenu Premier ministre d’Espagne, depuis 2011, parlant au nom de l’Espagne, brandit le même article 6 de l’Assemblée générale de l’ONU appuyant la nécessité de préserver l’intégrité territoriale et de conserver l’unité nationale d´Espagne. La partie officiellement évoquée par les autorités espagnole est ainsi formulée : « toute tentative visant à détruire, partiellement ou totalement, l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies ». Il s’agit d’un principe qui constitue le socle même du droit international.

Que pensent les spécialistes en droit international ?

Passion et idéologie mises à part, les spécialistes en droit international consultés pensent que l’indépendance réclamée par Carles Puigdemont, au nom de la Catalogne, est sujet aux circonstances politiques mondiales; aussi bien qu’au rapport de forces entre la Catalogne et l’Espagne. Autant dire, la reconnaissance de la Catalogne par des pays tiers constitue un enjeu crucial dans ce bras de fer engagé entre la région en rébellion et le gouvernement espagnol, particulièrement suite à une déclaration d’indépendance unilatérale émise par Carles Puigdemont considérée illégale par Madrid.

Dans le cadre de ce conflit, la France, l’Angleterre et l’Allemagne, et les principaux États membres de l’Union européenne soutiennent Madrid contre la décision de Barcelone. Cela exige une meilleure compréhension de la politique de l´UE. Puisque, fédératrice elle ne fait pas dans la légitimation de territoires séparés unilatéralement émergeant de pays auxquels ils étaient originellement intégrés.

De toute évidence, une telle situation serait de nature à produire un « effet domino » suscitant la propagation de la sécession dans toute l’Europe. Dès lors, les États européens auraient fort à craindre que d’autres régions n’imitent l’action de la Catalogne. Citons en exemples, la Belgique, en situation compliquée par rapport à la Flandre pros père, et la Wallonie en grande difficulté économique, ou encore la riche Lombardie de l’Italie septentrionale souhaitant se dissocier de la Vénétie. Sans oublier l’Ecosse en mode de sécession presque permanent par rapport à l’Angleterre.

Pour sa part, Haïti s’impliqué dans la dispute en cours entre l’Espagne la Catalogne. L’ambassade d’Espagne à Port-au-Prince, à travers son tweet, en date du 30 octobre dernier a fait état d´une note de presse diffusée le 29 octobre par la Chancellerie haïtienne dans laquelle celle-ci confirme le positionnement de la République d’Haïti déplorant la déclaration d’indépendance unilatérale de la Catalogne entraînant la mise sous tutelle de cette région. De plus, les excellentes relations existant entre le Royaume d´Espagne et Haïti sont renouvelées dans cette déclaration faite par Haïti : « Le gouvernement de la République d’Haïti ne reconnaîtra aucun nouvel État créé en violation des principes du droit international ».

Par ailleurs, les analystes prévoient une baisse de la croissance économique de la Catalogne au cas où sa rupture avec l’Espagne serait définitive. Dans le même ordre d’idées, les observateurs estiment qu’une éventuelle séparation apportera également son cortège de difficultés pour le royaume espagnol.

D’ores et déjà, la démobilisation est en cours dans le monde des multinationales en Catalogne. Selon les statistiques recueillies, plus d’un millier d’entreprises et industries ont quitté la Catalogne dès le début de la période d’incertitude suivie de la déclaration d’indépendance unilatérale de Puigdemont. Parlant de cette rupture, Madrid fait état d’un défi indépendantiste catalan qu’elle juge anticonstitutionnel ; tandis que les séparatistes Catalans revendiquent l’autodétermination, tout en dénonçant l’humiliation et la distribution de leur richesse à d’autres communautés par le gouvernement central de Madrid.

Rappelons, pour mémoire, que Carles Puigdemont avait unilatéralement déclaré l’indépendance de la région catalane, le 1er octobre 2017, prétextant la victoire d’un référendum dénoncé pour son caractère illégal et partiel.

Mais, fait surprenant : Puigdemont avait jugé bon de mettre immédiatement en veilleuse sa propre déclaration d’indépendance, préconisant un délai de deux mois de « dialogue », tandis que Madrid réagissait par ultimatum enjoignant le récalcitrant Puigdemont d’éclaircir sa position, à savoir si la déclaration d’indépendance était « sérieuse » ou un ballon d’essai.

Madrid insistait pour que la Catalogne retourne à la légalité et à la constitutionnalité. Aussi, Madrid brandissait-il une menace, celle d’appliquer l’article 155 de la Constitution espagnole consistant à la suspension de l’autonomie de la Catalogne et imposant des sanctions contre les séparatistes.

À date, l’article 155 a été appliqué contre la Généralitat, de sorte que le gouvernement catalan de Carles Puigdemont a été destitué constitutionnellement. De ce fait, Madrid a pris le contrôle de la Généralitat et remplacé les séparatistes aux postes de direction. En même temps, la force de Police nationale espagnoles a pris les commandes des « mozos » catalans. Des condamnations pénales ont été également prononcées par la haute cour de justice espagnole à l’encontre des meneurs de la rébellion.

Quant à Puigdemont, il s’est rendu à Bruxelles se disant en quête d’appui auprès de l’Union européenne. Tandis que certains membres de son groupe de séparatistes continuent, de Barcelone étant, avec Oriol Junqueras et Artur Mas, proches de Puigdemont, à mener des démarches contre les mesures découlant de l’application de l’article 155. « Rébellion, sédition et malversation », telles sont les accusations portées contre les chefs séparatistes et responsables de la crise. Carles Puigdemont, destitué de ses fonctions de président du gouvernement catalan, déclare à la presse internationale n’avoir pas demandé d’asile en Belgique et réclame des garanties à son retour. Il est, jusqu’à ce jour, en résidence volontaire à Bruxelles. (Affaire à suivre).

@Michelemevsportes. Madrid, 2 noviembre 2017.


cet article est publié dans la version intégrale de l’édition du 8 novembre 2017, de l’hebdomadaire Haïti Observateur, en P. 16. Il est disponible à cette adresse : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2017/11/H-O-8-nov-2017.pdf