Redonner à l’Aigle Noir son Lustre d’Antan

REDONNER À L’AIGLE NOIR SON LUSTRE D’ANTAN par Léo Joseph

  • Les aigle-noiristes de New York s’organisent à cette fin

D’une manière générale, le sport-roi est en déclin en Haïti, les exploits qu’avaient connus l’équipe nationale, dans le passé, ne sont plus qu’un beau souvenir, entraînant la démobilisation des fanatiques. Amants naturels de ce sport, les Haïtiens trouvent leurs vedettes à l’étranger. Ce qui incite des fils de l’Aigle Noir à s’organiser en vue de voler au secours de leur équipe et de l’inspirer pour qu’elle retrouve ses succès d’autrefois.

Sans tambour ni trompette, des membres de la famille de l’Aigle Noir résidant aux États-Unis, particulièrement à Brooklyn, New York, ont saisi l’occasion de la célébration de l’anniversaire de la création de l’équipe du Bel-Air, à Port-au-Prince, le samedi 29 juin (la création du club remonte au 27 juin 1951) pour relancer les activités du « Comité de soutien à l’Aigle Noir ». Les informations recueillies à cette fête ont permis d’établir que cette nouvelle initiative est due à l’intervention de trois plus jeunes membres de cette famille qui croient nécessaire que leur équipe soit réorganisée afin de lui permettre
de faire face aux défis du 21e siècle.

En effet, tout a commencé avec une visite en Haïti de Judes Bélony, entrepreneur engagé dans l’immobilier et le transport. Après plusieurs visites en Haïti (deux fois par an) — et dont la dernière en date remonte à février 2018 —, qui lui ont permis de constater de première main la décadence du football, en général, et de l’Aigle Noir, en particulier, M. Bélony a décidé d’entreprendre une action
permettant la réorganisation de l’Aigle Noir sur des bases plus rationnelles capables de sortir ce club
du trou où il se trouve.

Revenu de son dernier voyage en Haïti, Judes Bélony, ancien joueur de première division, s’est réuni avec ses deux amis, également des anciens membres de l’Aigle Noir, Makens Limage et Dormélus Sanon, pour discuter avec eux de la nécessité de créer des structures permettant de redonner vigueur au club et d‘augmenter ses chances de succès. D’où la décision de renouer avec le Comité de soutien de l’Aigle Noir, une organisation mise sur pied, voilà déjà plus de quinze ans. Dans un premier temps, durant les années 1992-2004, le Comité expédiait des équipements pour le club qui ne pouvaient être
sortis de la Douane sans le débours de sommes faramineuses exigées sous forme de taxes. Pourtant, l’Aigle Noir était décrété d’« utilité publique ».Toutes les démarches entreprises auprès des autorités de la Douane, en vue de les sensibiliser, les initiatives menées auprès des autorités concernées par la situation n’avaient mené nulle part, les responsables du club ayant systématiquement essuyé le refus des décideurs de l’institution douanière de les recevoir.

À part des valeurs expédiées en espèce, les équipements envoyés au club ne pouvaient être extraits de la Douane pour faire la différence que ces mécènes du club escomptaient. Point n’est besoin de dire que d’autres approches s’avèrent nécessaires aujourd’hui pour éviter les écueils sur lesquels avaient achoppé les membres du Comité d’appui. Un effort que les créateurs de la nouvelle structure se proposent de mettre à profit.

Introduction par Ketly Guillaume
Pour commencer, Ketly Guillaume, la cheville ouvrière de cette initiative, pour avoir mené les démarches ayant culminé à la relance du Comité d’appui à l’Aigle Noir, est intervenue pour remercier la participation des assistants; et pour saluer l’engagement des trois jeunes membres de l’Aigle Noir, désormais se mettant au service du club, une nouvelle catégorie de mécènes. Il s’agit de Judes Bélony, Makens Limage et Dormélus Sanon, qui, dit-elle, ont pris l’initiative de contacter les membres fondateurs du Comité de soutien à l’Aigle Noir pour leur faire part de leur projet.

Mme Guillaume n’a point tari d’éloges à l’égard de ces trois aigle-noiristes authentiques ayant constaté
le grand besoin de revitaliser le club du Bel-Air et d’agir en conséquence. Aussi invite-t-elle les membres de cette grande famille, d’où qu’ils se trouvent, en diaspora, à se mobiliser autour de ce projet.

Prenant la parole, à son tour, Makens Limage a dirigé les éloges vers Judes Bélony qu’il a présenté
comme étant à l’origine de cette initiative. Aussi a-t-il plaidé pour la collaboration et l’encadrement que peuvent fournir ses devanciers afin que se concrétise ce projet.

Tous les intervenants qui se sont succédé, dans la catégorie des aînés, se sont prononcés en faveur de cette idée qu’ils croient porteuse d’immenses bénéfices pour l’Aigle Noir. De toute évidence, à entendre les prises de positions exprimées par les uns et les autres, on peut, d’ores et déjà, conclure à de bons résultats.

Dans sa seconde intervention, Mme Guillaume a exposé son projet de levée de fonds pour le club consistant en une excursion à Atlantic City, New Jersey, le 4 août, dans le cadre d’une tournée aux casinos; et un voyage à Las Vegas, dans le Nevada, qu’elle situe à la fin de cette année. Elle a affirmé que pareilles visites effectués dans le passé l’autorisent à croire à un grand succès.

C’était le moment pour l’économiste et hommes d’affaires Jean Robert Dorlette, ex-président du Comité de soutien (durant plus d’une décade), pour qu’il donne ses idées du projet. M. Dorlette dit appuyer totalement cet effort qu’il situe dans la continuation de ce qui a été commencé près de deux décennies déjà. Il rejoint l’idée pour que les aînés encadrent le mouvement et fassent preuve de générosité, afin de rendre la tâche facile à ceux qui s’y sont attelés sincèrement.

Remarques sur des causes des déboires du football
Indiscutablement, le football haïtien joue un rôle d’absentéiste depuis des années, ayant fait piètre figure dans les compétitions internationales régionales. Quand bien même la Sélection nationale aurait récolté des lauriers isolés, elle n’a pas su s’imposer systématiquement. Un ancien joueur du Violette, présent à la célébration du 61e anniversaire de l’Aigle Noir, a fait état de ce qui, à son avis, est à la base des déboires du sport-roi en Haïti. En effet, Frantzy Victor pense qu’une première cause du dépérisse- ment des clubs de football à Port-au- Prince réside dans la désertion du State Sylvio Cator par les fans, obligeant les équipes à jouer devant un public clairsemé. Une situation qu’il dit liée à l’insécurité.

M. Victor impute carrément le blâme aux autorités du football, en l’occurrence la Fédération haïtienne
de football (FHF) et la Police nationale. Selon lui, les équipes qui jouent au Stade ne font pas bonnes recettes, car les marchands et marchandes envahissent l’espace réservé au parking; et en raison de l’insécurité, les familles se gardent de s’aventurer loin de leurs résidences après une certaine heure le soir. Alors que les équipes sont requises de payer la location du Stade lorsqu’elles y organisent des matches. Pourtant, a fait remarquer Frantzy Victor, quand la FHF organise elle-même les compétitions au Stade Sylvio Cator, les fans y affluent. Car la sécurité est assurée dans l’environnement du Stade et l’espace est libéré des vendeurs.

La situation est bien différente dans les villes de province qui sont dotées de leurs propres clubs de foot-ball. M. Victor a affirmé que les stades sont remplis, assurant des recettes intéressantes, donc permettant de rémunérer les joueurs, contrairement à ce qui se pratique à la capitale. À Port-au-Prince, lance-t-il, les clubs qui n‘ont pas de « sponsors » sont livrés à eux-mêmes, mangent la vache enragée. C’est bien le cas, dit-il, pour l’Aigle Noir.

Faisant, à son tour, sa propre remarque à ce chapitre, Judes Bélony explique la démobilisation dont se
trouve victime son équipe. N’ayant pas accès à un terrain situé dans l’aire du Bel-Air pour s’entraîner, et manquant d’argent pour assurer leur transport, les joueurs restent tout bonnement chez eux. Les fans aussi. Quand les autres équipes de Port-au-Prince mieux pourvues financièrement évoluent plus ou moins bien, le club né au Bel-Air n’a pas les moyens d’assurer sa survie.

Dans le cadre du nouveau projet conçu parles aigle-noiristes de la diaspora, les organisateurs se proposent de contacter Emmanuel Cantave, le président de l’Aigle Noir, en vue de forger une collaboration idéale pour le bien du club.

Parmi les membres de la famille du club du Bel-Air présents à l’événement commémoratif, se trouvaient
présents : Béliotte Placide, Yvon Alexis, Ketly Guillaume, Éric Jean-Baptiste (qui a servi d’hôte à la commémoration du 61e anniversaire de la création de l’Aigle Noir), Jean Rondeau, Fritz André Plantin (Fito ou Don Fofito), Agnès Frédérique, Cilotte Bernard, Bernadette Barozy (Mme Michel Blain), Anne-Marie Jean-Baptiste (née Étienne).

Rappelons que M. Plantin faisait partie de la Sélection haïtienne qui représentait Haïti à la Coupe du monde de Munich, Allemagne, en 1974. C’était l’âge d’or du football haïtien et les équipes brillaient comme des escarboucles. L’Aigle noir aussi. Car à côté des autres équipes vedettes, celle du Bel-Air a imprimé sa marque de fabrique sur le sport-roi. Parmi ses joueurs, qui formaient la Sélection nationale, pour représenter Haïti à Munich,se distinguaient aussi (avec Fritz André Plantin), Tom Pouce et Chardin Délice.

Trente-quatre ans après l’épopée de Munich, les aigle-noiristes ambitionnent de changer totalement l’-
image et le potentiel de leur club. Ils jurent d’y mettre le prix, en termes de dévouement, de sacrifices et de ressources pour que de nouvelles vedettes surgissent au Bel-Air. LJ


cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 4 juillet 2018 et se trouve en P. 1, 9 à :  http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2018/07/H-O-4-juillet-2018.pdf