Luis Abinader élu président au premier tour par Léo Joseph

ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES ET LEGISLATIVES EN R. D.

  • Raz de marée du Parti révolutionnaire moderne
  • Luis Abinader élu président au premier tour par Léo Joseph

Les derniers résultats du scrutin du dimanche 5 juillet, en République dominicaine, exprimant l’intention des électeurs ont donné la victoire au candidat de l’opposition, Luis Rodolfo Abinader Corona, 52 ans, candidat du aux présidentielles et fondateur du Parti révolutionnaire moderne (PRM). Le dépouillement du scrutin confirmant les prédictions faites par les différents sondages d’opinion, qui ont été effectués tout au long de la compagne, a confirmé l’intention des votants. Si décisive a été le triomphe de l’apôtre du changement que le président sortant, ainsi que les deux concurrents de M. Abinader n’ont pas attendu jusqu’au lendemain (lundi) pour lui téléphoner et lui présenter leurs félicitations.

En effet, suivant les statistiques officielles proclamées par le Conseil électoral, sur le dénombrement de votes effectués dans 10 063 bureaux de votes sur un total de 17 100, Luis Abinader a raflé 52,07 %. Tandis que le parti au pouvoir, le Parti de libération dominicaine (PLD), qui a été créé par l’ex-président Juan Bosch, ayant pour porte-étendard Gonzalo Castillo, en a recueilli 37,25 %. Pour sa part, l’ex-président Léonel Fernandez Reina, qui tentait un retour au Palais national, s’est vu infliger une défaite humiliante par les votants, qui lui ont attribué seulement 8,62 % du vote. De l’avis des observateurs, la mise en déroute, de cette manière, de l’ex-chef d’État dominicain, traduit le rejet sans appel du peuple dominicain, qui semble ne pas avoir gardé un heureux souvenir de la présidence de M. Fernandez.

Le candidat du Parti de libération dominicain (PLD), le parti au pouvoir, lui aussi, a concédé la victoire à M. Abinader. Au téléphone, Gonzalo Castillo lui a dit dans son bref discours : « Désormais, nous avons un président élu, qui sera le président de tous les Dominicains, à partir du 16 août prochain. Nous présentons nos félicitations à M. Luis Abinader Corona ».

Il faut signaler que Léonel Fernandez, qui n’ayant pas réussi à se faire octroyer l’aval de son parti, le PLD, qui est aussi celui de la présidence, avait décidé de jouer la carte de la rupture. Aussi avait-il opté pour se rallier à un parti mineur, peu connu sur l’échiquier politique de la République dominicaine. Dans sa jugeote, en tant qu’ex-président de la République ayant achevé trois mandats consécutifs, il croyait pouvoir encore attirer dans son giron ses électeurs d’antan. Il se battait pour forcer son parti, le PLD, à faire choix de lui comme porte-étendant aux présidentielles de 2020. Ses ambitions politiques ainsi définies, il a eu des démêlés avec le président en fonction, Danilo Medina, qui, avisé sans doute de la déchéance politique de l’ex-président, avait jeté son dévolu de préférence sur Gonzalo Castillo.

Certes, après plus d’une décennie loin du centre du pouvoir, au moment où le président Medina, son second mandat finissant, manigançait pour effectuer un troisième tour de piste électoral en renforçant son emprise sur le PLD, Léonel Fernandez s’est rendu compte que la route qui mène à la reconquête du pouvoir est devenue, tout au moins, malaisée, pour ne pas dire impossible. Sa tentative de rallier à sa candidature des parlementaires du parti au pouvoir (son parti aussi, bien entendu) s’est révélée un désastre. D’où sa décision de faire alliance avec le «Parti du peuple» sous la bannière duquel il a placé sa candidature à la présidence.

Mais le pèlerinage de M. Fernandez en vue de son retour au pouvoir était une catastrophe annoncée. Car les différents sondages d’opinion orchestrés, tout au long de la campagne électorale, n’autorisait aucun espoir qu’il parviendrait à attirer même 10 % de l’électorat. Des observateurs attribuaient son obstination forcenée à poursuivre son rêve à une « ultime manœuvre électoraliste» qu’il aurait pu sortir de son chapeau, s’il avait les coudées franches. Mais il semble que de telles capacités aient été considérablement laminées, encore que le personnel qui aurait pu mener à bien de tels stratagèmes soit devenu indisponible avec le temps. Au fait, dit-on dans certains milieux autorisés de Santo Domingo, les magouilles qui ont failli entacher d’irrégularités les élections municipales, le 15 mars 2020, n’ont pu être relancées pour les présidentielles et les législative du 5 juin.

Après cette défaite cuisante, que l’électorat dominicain vient d’infliger à l’ex-président Léonel Fernandez Reina, reste-t-il encore quelque ambition politique endormie dans son âme d’ «animal politique» ? La réponse à cette question réside dans l’évolution de la présidence d’Abinader. Si l’apôtre du changement se donne les moyens de sa politique annoncée, c’est-à-dire affranchir la République dominicaine, notamment de la corruption, le paysage politique dominicain aura beaucoup changé. Ce qui forcera les dinosaures politiques à la retraite définitive, ou bien à l’apprentissage de nouveaux talents.

Chapeau, président Medina !

De toute évidence, les élections du 5 juillet 2020 se sont déroulées sans heurts, à l’exception d’incidents fâcheux au cours desquels un officiel du PRM a été tué, lors d’une altercation dont la nature n’a pas été explicitée, tandis que trois autres personnes ont été blessées. C’est, d’ailleurs, un cas historique, en République dominicaine, vu que le président élu est sorti du rang de l’opposition.

On se rappelle, d’heureuse mémoire, par exemple, d’une situation révoltante dans ce pays lorsque Francisco Peña Gonez, un Noir dominicain d’origine haïtienne, le gagnant au premier tour des présidentielles de 1996 ― car n’ayant pas obtenu la majorité nécessaire pour assurer une victoire nette et claire ― , a été écarté grâce à un accord jugé contre nature entre le Parti réformiste social-chrétien (PRSC) du président Joaquin Balaguer et Léonel Fernandez Reina, le candidat du Parti de libération national (PLD) de Juan Bosch. Pour barrer la route à l’accession de Gomez au pouvoir, le président sortant Balaguer concocta cet accord avec son super ennemi, en la personne du créateur du PLD, le professeur Juan Bosch. À l’époque, ce dernier, qui avait, en fait, conclu cet accord avec Balaguer, avait essuyé les critiques des secteurs démocratiques internationaux.

En raison de cette mauvaise expérience, d’aucuns craignaient que la mentalité xénophobe dont on estime l’influence très forte, en République dominicaine, aurait pu chercher à influencer le scrutin. Car dans certains milieux politiques de Santo Domingo, l’idée de la victoire aux urnes d’un citoyen dominicain d’origine libanaise est repoussée avec véhémence. Bien que, la situation du scrutin, en 2020, soit totalement différente par rapport au déroulement des opérations électorales, en 1996. Puisque le candidat du PRM a su obtenir une marge de victoire qui a, en quelque sorte, dérouté les magouilleurs éventuels.

Mais, il faut reconnaître aussi que le président Danilo a observé une politique de profil bas, par rapport au Conseil électoral dont il s’est gardé d’influencer la tâche. Sa décision d’intervenir, sans délai, pour adresser ses félicitations à Luis Abinader, constitue la preuve, s’il en était, qu’il n’avait aucune intention d’accorder aux manipulateurs professionnels d’élections le temps de se concerter, en vue de trouver la formule qui aurait pu dérailler l’élection de Luis Abinader. Ses déclarations, suites à la proclamation des résultats, pour les présidentielles, témoignent de son état d’âme par rapport à cet événement historique Il s’est exprimé en ces termes : «En ce jour électoral, le modèle démocratique de la République dominicaine est sorti renforcé. De cette manière, nous adressons nos félicitations au président élu, Luis Abinader, avec qui nous avons parlé tout en lui annonçant le plus grand succès. Vive la R.D. ». Tels sont les propos qu’il a diffusés sur son compte Tweeter.

De toute évidence, M. Medina a fait preuve d’une force de caractère et d’un respect du processus démocratique rarement affichés, en pareille occasion, par des leaders dominicains. Aussi, force est d’ajouter : Chapeau, Président Medina !

Dans presqu’un mois, Abinader prend les rennes

Guéri du coronavirus, il y a à peine quelques semaines, Luis Abinader Corona, est devenu président élu de la République dominicaine, après son élection à une majorité décisive, le 5 juillet. Dans presqu’un mois, soit le 15 août, il prête serment comme président de la République, au moment même où lui seront remis les clés du Palais national. Il y séjournera officiellement durant les prochains quatre ans, la durée de son mandat présidentiel. À moins que les circonstances soient favorables à son maintien en poste, à l’expiration de son pouvoir constitutionnel.

Le président sortant a déclaré avoir pris les dispositions de mettre sur pied une équipe de transition, en prévision du changement des gardes, au Palais national. Entre-temps, les conjectures, les suggestions et les opinions vont bon train autour du choix des membres du Cabinet ministériel du président élu. D’aucuns pensent qu’il va s’entourer d’hommes et de femmes dont les compétences contribueront largement à la concrétisation des promesses électorales du candidat Abinader.

En effet, on sait que le thème «changement», qui a été le leitmotiv de la campagne électorale du président élu, arrivera enfin à sa phase de mise en application, dans l’immédiat. Surtout que le peuple dominicain, assoiffé de changement, s’était identifié aux promesses d’Abinader, au point de lui octroyer une victoire ferme pour mener à bien son projet de société. Cette idée s’est, en effet, renforcée avec une majorité parlementaire, tout au moins au niveau du Sénat, le PRM ayant obtenu 18 sièges sur un total de 31, y compris le District national et Santo Domingo. Le président du Conseil électoral a fait savoir que le compte continue encore en ce qui concerne la Chambre des députés dont les résultats seront proclamés dans les prochaines heures.

À la lumière de tous ces faits, il semble que Luis Abinader a tout ce qu’il faut pour donner satisfaction au peuple dominicain. Reste à voir si ce dernier et le PRM sauront se doter de la volonté d’effectuer le changement, tel qu’il l’a expliqué durant la campagne électorale. Attendu qu’il aura affaire à forte partie, l’establishment dominicain, qui peut ne pas être sur la même longueur d’onde que lui, ou qui risque de refuser d’entendre les revendications exprimées dans le vote du 5 juillet 2020, il faut craindre que le président Abinader ne soit confronté à un réflexe de rejet. L.J.


Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur édition du 8 juillet 2020, Vol. L, No.26, et se trouve à P. 1, 8, 16 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2020/07/H-O-8-juillet-2020-1.pdf