LE PROCÈS PETRO-CARIBE – Un scénario signé Jean Sénat Fleury 4/4 par Dan Albertini

SUR LA ROUTE DU CINÉMA par Dan Albertini

  • LE PROCÈS PETRO-CARIBE – Un scénario signé Jean Sénat Fleury 4/4

Faut-il toujours se le rappeler, nous sommes en 2026, cela vaut mieux que l’oubli qui n’est pas une notion de tournage. C’est en 2018 l’année de convocation de la fameuse déclaration. Jean Sénat Fleury répond magistralement à la commande : enquêteur spécial, que le film naît. Il est donc curieux d’observer les scénarios parallèles sur le marché du film tandis que l’original n’est qu’à l’affiche. Certes, il serait injurieux de rentrer en polémique, et si l’on tient compte d’un procès en cours, l’appel ne peut se déposer qu’après verdict, faut-il qu’il soit accordé. Sinon, c’est de la rue qu’il se tient, et non pas dans la rue que l’on y assiste au ‘grand écran’. D’ailleurs, Haollywood délivre sur grand écran sur la route du cinéma.

La question est alors celle-ci : pourquoi Judge Fleury a étalé le procès PetroCaribe au grand écran dans chaque coin de rue du pays quand il sait que la presse annonce une joute oratoire dont l’équivalent se trouve dans la confrontation, d’où la convocation de celle internationale ? 

Reprenons la séance.

[La lecture de l’ordonnance de renvoi et de l’acte d’accusation achevée, Me. Guilbaud demande la parole :

« Honorable président, je sollicite la parole ».

Le président : – « Vous l’avez »].

Je me pose la question naturelle sur la route du cinéma, Me Guilbaud est-il au courant, la coupe du monde de football partagée sur l’hémisphère Nord des Amériques, grande passion reine à Républik, se joue ? La raison est fort simple, une personne censée ne tient procès en ce temps. Il y a lieu de croire que Judge Fleury n’est pas sans intérêt dans sa décision. Si c’était pour éviter le procès parallèle dans la rue, il se tient aussi malgré cette passion convoquée où les émotions sont soulevées à hauteur de l’assassinat du président JFK. Raison de l’inquiétude d’Hollywood.

À l’intérieur du tribunal, et sur les écrans tous formats, imaginons la formule-art de Max Kénol.

[Me Guilbaud : – « Magistrat, je demande acte de ma constitution pour les membres du collectif “Petro Challenger” qui se porte partie civile dans le procès »].

Est-ce déjà un coup de théâtre ?

[Le Président : – « ministère public, vous avez la parole sur cette demande d’acte ».

Me Saintilus : – « Aucune objection ».

Le Président : – « Le Conseil de la défense a la parole sur cette demande d’acte »].

Les émotions d’un procès rare gonflent aussi vite qu’un ballon traversier pour les continents.

[Il y eut un moment de consultation du côté de la défense. Après quelques minutes d’échanges, Me Vilaire prit la parole :

« Honorable président, le Conseil de la défense combat cette demande de constitution du collectif “Petro Challenger” en arguant que l’État haïtien est déjà représenté comme partie civile dans le procès en la personne du directeur général de la DGI »].

Il fallait s’y attendre, car le ‘’Petro Challenger’’ sait ventiler ses ardeurs à la caméra.

[Me Guilbaud rétorque :

« Magistrat, y a-t-il un empêchement pour que le collectif “Petro Challenger” se porte partie civile au procès ? Un mouvement instantané s’est déclenché à Port-au-Prince les 6 et 7 juillet 2018 en protestation à la hausse des prix du carburant. Ce mouvement a eu un impact sur les jeunes intellectuels haïtiens qui se sont mobilisés sur les réseaux sociaux pour dénoncer la dilapidation des fonds Petro-caribe, ce programme mis en place par le président vénézuélien Hugo Chavez en vue d’aider les pays de la région à financer des projets économiques et sociaux. De là est partie la naissance d’un mouvement citoyen baptisé “Petro Challenger” »].

C’est le cas de dire que ce n’est pas la rue qui rentre au tribunal, tout en le disant : ‘nou lan K’

[« Ces citoyens engagés demandent des comptes aux autorités de l’époque. Aujourd’hui, ces malfrats sont traduits devant ce tribunal criminel sans assistance de jury pour être jugés pour corruption, malversation, vol et dilapidation scandaleuse des fonds publics. Les jeunes membres du collectif “Petro Challenger”, avec le seul slogan “kot kòb Petro-caribe a”, ont forcé une enquête administrative sur le dossier, ce qui a abouti à l’arrestation des délinquants. Ces jeunes universitaires ont contribué grâce à leur courage et leur détermination à l’ouverture de cette page d’histoire lumineuse. Ils ont veillé, organisé des “sit-in”, des marches et des manifestations en vue de faire entendre leur voix »].

Vieux compère de route de Max Kénol, Robert Josaphat Large doit se vaciller la tête de là… !

[« Aujourd’hui, ces citoyens engagés – de vrais patriotes –, mobilisés au sein du collectif baptisé “Petro Challenger”, ont non seulement le droit de demander des comptes aux inculpés, mais ils ont également le droit à des dommages. C’est la raison pour laquelle le collectif se porte partie civile au procès. L’État haïtien sous la gouvernance des accusés représente l’exemple parfait de l’État prédateur. Tandis que des millions ont été dilapidés par des hommes sans vergogne, le citoyen honnête n’a même pas de quoi vivre dans le pays. Honorable magistrat, Haïti est depuis des décades le pays le plus pauvre et le plus corrompu de l’hémisphère occidental. Il faut tracer un exemple. Le moment est venu de châtier les responsables qui doivent enfin rendre des comptes à la nation. Le moment est venu de rembourser les fonds dilapidés aux citoyens haïtiens. Le collectif “Petro Challenger” que je représente est là pour réclamer des dommages. C’est pourquoi, je réitère, honorable président, ma demande d’acte de constitution comme partie civile dans ce procès au nom du collectif “Petro Challenger”»].

Je ne suis pas confus, c’est le même esprit. Judge Fleury aux procès contre les nazis, et Hirohito.

[Le président : – «  Le ministère public a la parole ».

Me. Saintilus : – « Honorable président, le ministère public demande au tribunal de rejeter l’exception des avocats de la défense comme étant chicanière. Le groupe des citoyens haïtiens réuni au sein du collectif “Petro Challenger” a le droit de se constituer partie civile au procès conformément à l’article 80 du C.I.C. Aussi, nous demandons au tribunal de donner acte à Me Guilbaud agissant comme partie civile au nom du collectif “Petro Challenger” ».]

[Le président prend quelques minutes pour consulter le Code d’instruction criminelle avant de déclarer :]

Les arguments se toisent de part et d’autre comme en air de défi sur une cour d’école, mais là :

[« Au nom de la République

Attendu que la partie civile est la personne lésée par le crime ou par le délit et la personne qui, par application de l’art. 3 du C.I.C., exerce l’action civile en même temps et devant le même juge que l’action publique.

Attendu qu’à cette phase des débats, le collectif “Petro Challenger”, par l’organe de Me Guilbaud, demande acte d’intervenir comme partie civile, au motif pris de ce que les intérêts du groupe ont été lésés par cette série d’actions frauduleuses commises par les inculpés.

Attendu qu’il y a lieu d’établir un distinguo entre les intérêts de l’État haïtien et les intérêts du groupe; que les détournements de fonds ont lésé les intérêts de l’État certes comme une collectivité, mais également les intérêts de chaque citoyen haïtien comme un membre actif dans la société, de chaque groupe et de chaque organisation comme des entités séparées de l’État].

L’éloquence prônée par la vie courtoise comme de l’impolitesse en Républik, étant donné que personne ne peut éviter non plus ‘lè lekòl kay frè ap kontre nèg lyse sou teren an’, cela ne peut se traduire donc en vocabulaire, laissons faire la littérature par la poésie, c’est ce qu’il advint là, bon gré mal gré. Le président poursuit :

[Qu’il soit de principe que toute partie pourra se porter partie civile quand elle réunit les conditions suivantes :

1) Que le crime ou le délit lui ait causé personnellement un dommage.

2) Que ce dommage soit réel et actuel.

3) Que cette personne ou le représentant de l’organisation lésée soit capable d’ester en justice; que ces conditions une fois réunies, cette personne ou cette organisation peut se porter partie civile.]

La loi c’est la loi, le Droit en dépend en fait et en droit.

[Attendu que le groupe des citoyens réuni au sein du collectif “Petro Challenger” réunit ces conditions.

Par ces motifs, admet le collectif “Petro Challenger” comme partie civile au procès, donne acte à Me Guilbaud de sa constitution pour représenter les intérêts du collectif des ‘’Petro Challenger’’, dans les débats »].

Le tribunal, Républik, la presse, même internationale, les écrans cèdent au micro, un seul son : justice ; la presse bolivarienne : !Justicia!

[Le président après avoir dicté sa décision, se tourne vers le ministère public et déclare :

« Ministère public, vous avez la parole pour exposer le sujet de l’accusation »].

D’un élan de victoire.

[Me. Saintilus : « Monsieur le président, messieurs les membres de l’assistance, je sollicite d’abord votre indulgence pour avoir toute votre attention afin de comprendre les crimes commis par les inculpés à savoir : vol, détournement de fonds, malversation, escroquerie, abus de confiance, en rapport avec la gestion des fonds de Petro-caribe].

C’est la scène stricte de Judge Fleury, mais je m’interroge sur : derrière l’image. Il nous dit :

[cette affaire, nous le répétons, est difficile à expliquer tant la compétence des uns, l’expérience et l’astuce des autres, ont été mises en œuvre pour monter la plus…].

  • Merci d’y croire !

cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, VOL. LIII, No.38 Édition spéciale Canada du 25 octobre 2023, et se trouve en P.1, 2, 3 à  : special h-o 25 oct 2023

Haïti-Observateur / ISSN: 1043-3783