La Chapelle royale de Sans-Souci par Charles Dupuy
- LE COIN DE L’HISTOIRE
Le 13 avril de l’année 2020, la Chapelle royale de Sans-Souci a été complètement rasée par un incendie. Construite en rotonde, la Chapelle royale faisait partie de l’immense complexe du palais de Sans-Souci. Commencée en 1808, Sans-Souci ne sera achevé qu’en 1813. Imposant édifice de cinquante et un mètres de long sur vingt-cinq de large et autant de haut, il a coûté à lui seul quinze millions de dollars. Avec sa toiture d’ardoise, ses plafonds ornés de lambris dorés, ses fenêtres vitrées ceintes en acajou, ses murs lambrissés de bois précieux, ses lustres de cristal, ses rideaux de soie, ses escaliers aux marches en pierre de taille, ses jardins, ses fontaines, ses statues, sa caserne, son hôpital, ses écuries, son imprimerie, sa salle du trône et celle du Conseil d’État, sans oublier l’Hôtel de la Monnaie, c’était le véritable siège du gouvernement royal.
Édifiés en contre-bas de ce palais, les travaux de construction de la Chapelle royale avaient débuté en 1810 sous la direction de l’ingénieur haïtien Chéri Warlock. Chéri Warlock est aussi celui qui avait construit l’Opéra royal au Cap (aujourd’hui loge maçonnique l’Haïtienne, no 6) le seul édifice de la ville qui résistât aux dévastations du tremblement de terre de 1842. Chéri Warlock faisait partie de cette équipe d’ingénieurs haïtiens, Henri Barré, Henri Besse, François Poisson, André Décourtil, Jean- Baptiste et Théophile Badaillac, qui ont construit les fortifications, les monuments et les palais que Christophe aura parsemés sur tout le territoire de son royaume. La tradition rapporte qu’au moment de la construction de la Chapelle royale, Christophe qui observait les travaux à partir du palais a constaté que le dôme haut de 30 mètres que l’on édifiait n’était pas tout à fait droit, qu’il penchait quelque peu. Il fit venir Warlock qui fit le même constat que Christophe et courut rectifier son erreur.
Dans la préface de son Histoire du peuple haïtien, publié en 1953, Dantès Bellegarde écrit: “Nous avons des descriptions brillantes des fêtes somptueuses données au palais de Sans-Souci par le Roi Henri, mais nous ne savons pas comment vivaient en ce temps les habitants du village de Milot situé au pied du magnifique château royal.“ L’image est très forte bien évidemment, mais Bellegarde se trompe ici, pour la bonne et très simple raison que le village de Milot n’existait pas à l’époque de Christophe. Milot était alors une habitation appartenant au roi et où il produisait un rhum de très bonne qualité. Comme tous les généraux de Toussaint, en effet, Christophe était un commerçant et un grand propriétaire terrien. C’est après la mort du roi que la population est venue s’installer au pied du palais abandonné. La Chapelle royale deviendra ainsi l’église du nouveau village et le restera jusqu’en 1842 au moment de sa destruction par le tremblement de terre. Elle sera alors livrée aux éléments et restera abandonnée jusqu’au milieu des années 1930, sous l’administration du président Sténio Vincent. C’est alors seulement que les ingénieurs du ministère des Travaux publics procéderont à la reconstruction, à l’identique, de ce joyau unique de notre patrimoine. Mentionnons qu’à la même époque nos experts restauraient d’autres monuments historiques comme la citadelle Henri et le palais des 365 portes de la Petite-Rivière-de-l’Artibonite.
Aujourd’hui classée au patrimoine mondial de l’humanité, on peut seulement espérer que la Chapelle royale, ce témoin unique de notre passé glorieux, ne restera pas abandonnée à l’arroche et à la ronce, comme elle l’est restée, hélas, pendant tout près d’un siècle.
- C . Dupuy coindelhistoire@gmail.c om (514) 862-7185
cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, VOL. L No.14 New-York, édition du 15avril 2020 et se trouve en P.4 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2020/04/H-O-15-april-2020-1.pdf