Le nouveau plan de production musicale des groupes musicaux compas direct : Un risque inquiétant. par Robert Noël
La musique demeure un langage qui unit le monde. On peut ne pas être en mesure de parler et de comprendre la langue qu’un chanteur utilise comme medium pour délivrer un message. Cependant, tout le monde a un sens musical inné, et le niveau d’évolution individuel diffère d’une personne à l’autre.
On doit se rappeler qu’une pièce musicale possède la capacité de plaire aux gens de traditions culturelles diverses. C’est ce qui porte à dire que la musique est un langage universel. En ce sens, le compas direct pourrait confirmer l’universalité de cet art et le langage qui le définit, si de bonnes
structures sont considérées et mises en place. Autrement, on court le risque de se perdre en chemin.
Les promesses des groupes musicaux prennent un mauvais tournant
Les musiciens du monde compas direct semblent considérer un nouveau plan de production, dans
le but d’atteindre un plus large public. Ils donnent l’impression qu’ils ont fait l’état des lieux de ce
marché musical. Pourtant, ils négligent certains paramètres importants pouvant affecter leurs
nouvelles œuvres.
Personne n’ignore que tous les groupes musicaux craignaient mettre un nouvel album en circulation
avant la période du carnaval haïtien. Cela est si vrai qu’ils avaient promis de livrer leur nouveau
produit au public après cette période de réjouissance. Ils prenaient le mois de mars comme la
période de référence la plus propice pour la mise en circulation d’un nouvel album. Aujourd’hui, ils font d’autres considérations. Ils attendent que leurs compétiteurs fassent le premier pas en mettent leur nouveau disque en circulation avant eux.
Le groupe Zenglen, qui a toujours été le premier à offrir ses nouvelles œuvres au grand public, décide de céder la priorité aux autres cette année. On se souvient des plus récents albums de cette formation musicale, qui avaient pour titres « Rezilta » et « Rezilta Pi Rèd ». Alors tout paraissait bien pour ce groupe musical, au point de croire qu’il était « devan, devan nèt ». Point n’est besoin de détailler les faits liés à ces deux productions musicales. On ose croire que cette année, la formation Zenglen adoptera une nouvelle stratégie de promotion et de marketing.
On constate que les dernières productions des groupes ne créent plus le même impact d’hier. Elles ont perdu de leur intensité, un signe significatif exprimant l’idée d’un besoin de nouvelles créations. Les musiciens ressentent la nécessité de produire de nouvelles chansons, mais ils ont peur de l’échec. La logique autour de la production de 10 à 11 chansons sur un album semble bien tenir et soulève de longs débats. À quoi bon s’accrocher à cette exigence de pluralité de chansons sur un même CD quand seulement une seule reçoit la bénédiction du grand public ? Et celle-là s’épuise avant six mois, à force de la diffuser à la radio. Et le groupe musical ne cesse de la jouer aux bals, partout.
Certains responsables de groupes semblent bouder l’idée de produire un CD cette année. Tandis que d’autres, qui avaient donné la garantie d’une nouvelle production après le carnaval 2018, jouent à « Cache-cache Luben, sere Luben ». La période de vaches maigres continue. On est déjà au mois de mars, la fête de Pâques est proche, mais les dirigeants oublient aussi que la Coupe du monde de football commence en juin 2018. Ce grand événement sportif aura certainement un grand impact sur le marché du disque.
L’impact de l’engagement des musiciens de studio dans les projets
Il y a un problème qui retient l’attention, c’est que les groupes musicaux, après la sortie de leur nouvel album, ne rendent pas l’authenticité des pièces musicales aux soirées, par rapport au contenu du CD mis en circulation. Les musiciens ont toujours tendance à ajouter quelques riffs et de longs solos qui ne répondent pas aux espérances et exigences des participants à ces soirées. À se rappeler que ces gens font le déplacement avec l’intention de fredonner le contenu du nouveau disque. Les groupes n’offrent pas une telle possibilité à leurs clients qui expriment leur mécontentement, en disant qu’ils sont fatigués
de revivre le traditionnel « Menm ti bagay la » à chaque soirée. Les orchestres n’interprètent pas leurs nouvelles compositions aux bals, immédiatement après la sortie de leurs nouveaux disques.
Tout cela est dû au fait que les responsables de groupes engagent des musiciens de studio pour réaliser leurs albums. Une telle disposition crée une situation obligeant les musiciens titulaires d’un
groupe donné à apprendre ces nouvelles chansons. Dans la plupart des cas, ces derniers ne peuvent pas les reprendre fidèlement, ce qui les force à les modifier aux bals. L’apprentissage prend du temps,
puisque les musiques ne sont pas écrites sur partition, et les musiciens ne savent ni lire ni écrire la musique.
Il faut toutefois souligner la confusion qui existe au niveau du nombre de chansons à enregistrer
sur un album. Certaines formations musicales ne pensent offrir au public qu’une seule chanson pour tester le terrain. Si la chanson reçoit un bon accueil du public, on doit s’attendre à son épuisement
après six mois. On va certainement connaître une multitude de soirées en salle vide « vacuum » en cette période de l’année. On a tant d’exemples qui confirment cette réalité.
Il est à souhaiter que les responsables de groupes musicaux fassent une meilleure évaluation de
la situation qui menace d’affecter leur business dans les jours à venir. Sans vouloir être un prophète
de malheur, il est possible de s’attendre au pire, vu les conditions d’évolution du marché musical compas direct. L’anticipation se base sur les faits déjà vécus dans le passé, et qui permettent de confirmer que l’histoire peut se répéter dans des conditions similaires.
l’original de l’article se trouve en P. 16, 12 de l’édition du 7 mars 2018 de l’hebdomadaire Haïti Observateur à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2018/03/H-O-07-March-2018-2.pdf