SOS : Un gouvernement irresponsable par Raymond Alcide Joseph
LE PERSONNEL DES AMBASSADES ET CONSULATS TRAITÉ EN PARENTS PAUVRES
Qui peut s’imaginer que des employés de l’État n’aient pas été rémunérés depuis cinq mois ! C’est exactement la situation qui a été constatée à la section des passeports, à Washington, et aussi dans des consulats où des employés relevant du ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales sont en poste. Comment expliquer pareille négligence, pour ne pas dire méchanceté ?
Mis au courant du désarroi des employés avec lesquels j’entretenais de bonnes relations, quand j’étais chef de Mission, à l’ambassade d’Haïti à Washington, il y a de cela trois semaines, j’avais entrepris des démarches auprès du ministre de l’Intérieur, Jean-Marie Reynaldo Brunet. En toute franchise, il m’a expliqué que quand il a été nommé ministre, au mois de mai 2018,il avait constaté des arriérés de salaire qui s’étaient accumulés au cours de plusieurs mois. À peine commençait-il à se colleter avec problème que survint la chute du gouvernement, suite aux journées chaudes des 6 au 8 juillet. Il venait, à peine de reprendre le collier, dit-il, après avoir été reconduit au sein de la nouvelle administration du Premier ministre Jean-Henry Céant. Cependant, il m’avait affirmé qu’il s’était déjà penché sur le dossier avec le comptable, précisant que dans les plus brefs délais les employés devaient recevoir trois mois, tout en indiquant que le nécessaire sera fait pour le solde.
Deux semaines plus tard, aucune action n’a été prise dans le sens qu’avait indiqué le ministre. Ne
pouvant plus rejoindre le ministre Brunet, j’ai essayé, sans succès, de contacter le Premier ministre
par téléphone. Enfin, je lui ai envoyé un courriel qui n’a pu aboutir à destination et m’est retourné. Alors, je me suis adressé au président de la République, M. Jovenel Moïse, via son adresse électronique que j’avais pu trouver. Le message m’étant retourné, j’ai acheminé, encore par e-mail, toute la conversation au diplomate en chef à l’ambassade d’Haïti à Washington. Pas de réponse non plus de la part de
l’ambassadeur Paul Altidor. Voilà que mardi après-midi, j’ai appris qu’un mois de salaire été versé aux employés du ministère de l’Intérieur, à l’ambassade. Je n’ai pas eu l’opportunité de contacter des employés de certains consulats également victimes de ce genre d’abus afin de prendre connaissance de leur situation. Mais tout un chacun peut se poser la question : Que représente un mois de salaire quand le gouvernement n’a rien payé depuis juillet ? Cette situation intenable ne peut plus continuer, surtout quand les officiels haïtiens s’octroient des milliers de dollars de per diem pour effectuer des voyages qui ne sont d’aucune utilité au pays. Signalons, en passant, que le président, le Premier ministre et tous les autres membres de l’exécutif qui ont fait le déplacement afin de visiter les zones sinistrées des départements du Nord-Ouest, du Nord, de l’Artibonite et du Plateau-Central n’ont pas
manqué de toucher leur per diem, alors qu’ils se déplacent à l’intérieur du pays. Quelle insulte de
négliger de payer les employés qui assurent la gestion du département des passeports qui génère
des millions de dollars qui sont accumulés dans le « Fonds Passeport » !
Je tiens à préciser, pour le grand public, qu’arrivé à Washington, comme chef de Mission, en avril 2004, j’avais trouvé une situation similaire. J’avais pu obtenir l’autorisation du gouvernement afin d’utiliser les ressources du « Fonds Passeport » pour payer les arriérés de salaires jusqu’au dernier employé se trouvant à toutes les missions diplomatiques et consulaires d’Amérique du Nord, aux États-Unis et au Canada. Il n’avait pris que deux jours pour tout régler. Pourquoi les autorités gouvernementales, à
Port-au-Prince, n’autorisent-elles pas leur ambassadeur à Washington à puiser au « Fonds Passeport » pour mettre fin au calvaire des employés ? Comment interpréter cette façon d’agir : négligence ou méchanceté ?
Raymond Alcide Joseph, ex-ambassadeur d’Haïti à Washington, 9 octobre 2018
Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 10 octobre 2018 et se trouve en P.1, 15 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2018/10/H-O-10-octobre-2018-1.pdf