DES ÉVÉNEMENTS NOUVEAUX DANS L’AFFAIRE DES GANGS ARMÉS
- Arnel Joseph veut déposer les armes, mais..
Le sénateur Gracia Delva pris en flagrant délit de s’acoquiner avec le chef de gang de Cité de Dieu.
Depuis les affrontements qui ont été déclenchés entre les brigades spéciales de la Police nationale et le chef de gang armé de Cité de Dieu, Arnel Joseph, dont le théâtre a été Marchand-Dessalines, dans le département de l’Artibonite, il y a deux semaines, des rebondissements sur cet événement se sont suivis presque au quotidien. Après une descente des lieux orchestrée par une faction de gang évoluant sous l’obédience de ce dernier contre le commissariat de Petite-Rivière de l’Artibonite, l’affaire de ce corps armé illégal a connu d’autres rebondissements en un seul jour. Dans un premier temps, le sénateur Gracia Delva a été dénoncé de s’entretenir à plusieurs reprises avec M. Joseph. Dans un second temps, ce dernier a annoncé sa volonté de déposer les armes moyennant certaines conditions posées d’avance.
En effet, lors d’une conférence de presse, à la capitale haïtienne, aujourd’hui, le sénateur de l’Ouest Jean Renel Sénatus, président de la Commission Sécurité et Justice du Sénat, a fait des déclarations selon lesquelles son collègue de Marchand-Dessalines, Gracia Delva, s’entretient régulièrement avec Arnel Joseph, le puissant chef de gang active ment recherché par la Police nationale. Le sénateur Sénatus a précisé que, dans l’espace de quelques semaines, durant le mois de février, le parlementaire a eu plus de 20 conversations avec présentement installé à Marchand-Dessalines où il établit son quartier général avec une armée de plus de 100 hommes et de femmes. D’aucuns font savoir que, entre le Village de Dieu, son fief original, et Marchand-Dessalines, il compte plus de 600 hommes, une armée dévouée à sa cause dont les membres sont payés régulièrement encore mieux rémunérés, dit-on que les policiers.
Le sénateur de l’Ouest a indiqué qu’il a pu obtenir des données de la CONATEL précisant que, entre le 7 et le 22 février 2019, le sénateur Delva a eu 24 conversations téléphoniques avec Arnel Joseph, dont l’une d’entre elles a duré au moins quinze minutes.
Convoqué par la Commission Sécurité et Justice du Sénat
Le sénateur Sénatus n’a pas explicité les transgressions dont son collègue de Marchand-Dessalines serait accusé. Mais le ton ferme qu’il montré, tout au long de la conférence de presse, laisse croire que Gracia Delva a «dépassé les bornes ».
Jean Renel Sénatus a précisé que le sénateur Delva est invité à répondre aux questions du Comité Sécurité et Justice du Sénat afin de déterminer la nature de ses relations avec le chef de gang. Il dit avoir été au bureau du Directeur général de la Police judiciaire (DCPJ). Cela semble vouloir indiquer qu’il y a possibilité que le sénateur Delva soit interrogé, dans le cadre d’une enquête de son cas. Cette étape ne saurait être franchie sans la levée de l’immunité du parlementaire.
On ne peut encore penser dans quel sens va évoluer cette affaire, au Sénat de la République. Mais il y a fort à parier que la majorité parlementaire totalement acquise à la cause de Jovenel Moïse ne va pas faciliter le lancement du processus de levée de l’immunité de Gracia Delva, s’il est établi qu’il agissait pour le compte du président haïtien.
Gracia Delva a-t-il agi indépendamment du Palais national ?
Il y a fort à parier que l’affaire Gracia Delva ouvre une boite de Pandore. Car en tant qu’adepte fidèle du PHTK, le sénateur de Marchand-Dessalines n’aurait jamais agi indépendamment du Palais national. Sans aucun doute, les démarches que va entreprendre le sénateur Sénatus, pour faire la lumière sur les relations de M. Delva avec Arnel Joseph, va déclencher un réflexe de défense du côté du président et de ses alliés, tant au Parlement quand dans les autres institutions de l’État. Car la présidence ne restera pas les bras croisés sans faire un geste pour épargner à Delva les ennuis que pourraient lui causer les initiatives de M. Sénatus.
Les observateurs pensent que Jovenel Moïse et ses alliés politiques ne sont pas ignorants de ce qui se tramait entre Gracia Delva et Arnel Joseph. D’ailleurs, il y a déjà longtemps que des rumeurs persistantes font état de la collaboration que le sénateur de Marchand-Dessalines apportait au chef de gang de Village de Dieu. Comme, par exemple, quand on affirmait que Delva avait facilité l’hébergement de Joseph à Marchand-Dessalines. Au fait, on prétendait même qu’il l’a logé dans sa propre maison. Mais de telles informations n’ont pas semblé émouvoir outre mesure le Palais national.
Ces questions ont encore été évoquées lors des affrontements entre les brigades spécialisées de la PNH, appuyées par des hommes de la Police de l’ONU. On avait alors dénoncé le sénateur Delva d’avoir des relations privilégiées avec le bandit. Un haut gradé de l’institution policière avait été aussi dénoncé comme celui qui mettait la puce à l’oreille d’Arnel Joseph chaque fois qu’une offensive était lancée contre lui. Le haut gradé de la PNH a été arrêté. Mais le sénateur Delva n’a été nullement inquiété. Mais il faut signaler aussi que le haut gradé de la PNH, arrêté sous l’accusation de complicité avec Joseph, ne fait plus parler de lui. Il semble que son cas ait été envoyé aux oubliettes.
Finalement, les faits ne semblent pas supporter la notion que le sénateur de Marchand-Dessalines agissait contre les intérêts du gouvernement Tèt Kale.
Arnel Joseph serait-il prêt à faire la paix ?
Au moment où Arnel Joseph semblait disposé à continuer l’offensive contre la PNH, s’est annoncé un revirement. Suite à l’intervention d’un pasteur de l’Artibonite déclarant que le chef des gangs était sur le point de faire la paix avec les forces de l’ordre, l’intéressé lui-même a déclaré son intention de mettre bas les armes. Toutefois, le puissant chef de gang a mis en avant une série de conditions que le régime Tèt Kale ne serait pas en mesure de concrétiser à court terme.
Selon l’organe de presse en ligne Loop, citant « une source digne de foi », le bandit Joseph «affiche sa volonté de favoriser le retour de la paix dans le département. Cependant, Arnel pose certaines conditions ».
Pour favoriser le retour de la paix dans le département, Loop, dans son édition du mardi 23 avril, attribue les demandes suivantes à Arnel Joseph ; « Exécution de projets d’adduction d’eau potable, d’infrastructure routière, agricole et d’électrification, entre autres conditions posées par Arnel Joseph. Le chef de gang a exprimé son désir de déposer les armes, suite à des discussions avec les membres de la structure dénommée : Inisyativ sitwayèn pou la pè nan Latibonit (ISPPL)».
Il semble que l’actualité sociopolitique soit grandement influencée par Arnel Joseph, dans les prochains jours. Entre ses relations avec le sénateur Gracia Del va et ses démêlés avec la PNH, le chef de gang de Cité et de Dieu-Marchand Dessalines donne l’impression de vouloir se lancer au-devant de la scène politique et d’influencer le débat politique. Après avoir déclaré « M santi m deja prézidan » et « M pa p fè tankou Gi Filip nan pran pouvwa pou moun », il semble prêt à poser « des jalons politiques ».
Quoi qu’on puisse dire et faire, dans le cadre de ces derniers événements, la PNH doit poser un acte pour se racheter, surtout après l’humiliation qu’elle a essuyée, le week-end dernier, quand ses troupes avaient tenté de mettre Arnel Joseph hors-jeu.
Encore la semaine dernière, des hommes armés de la localité de Saviens, dans l’Artibonite, appuyés par l’Armée d’Arnel Joseph ont osé attaquer le commissariat de Petite Rivière de l’Artibonite. Des rumeurs font état de deux morts dans les rangs des envahisseurs et de deux blessés du côté de la Police. En sus de deux véhicules incendiés.
Mais aucune communication officielle de l’institution policière expliquant exactement ce qui s’est passé. On a vu une vidéo montrant deux véhicules en flammes devant le commissariat. Mais aucune information précise par rapport aux dégâts matériels causés au commissariat.
Cet article est publié par l’hebdomadaire Haiti-Observateur édition du 24 avril 2019 et se trouve en P.1, 2 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2019/04/H-O-24-avril-2019.pdf