DIPLOMATIE INTÉGRALE SANS FAILLE
- L’ambassadeur de France a son franc-parler par Nènè Wiseman
Langue de bois, euphémisme et flatteries dans le coin, l’ambassadeur de France en Haïti n’a point maquillé la réalité socio-économique et politique qu’il constate. Contrairement à des collègues américaine, onusienne et autres, il a dit les choses comme elles sont, quitte à essuyer la foudre de la Chancellerie haïtienne, qui n’aura pas sans doute la décence, même de faire contre mauvaise fortune bon cœur.
Dans son discours de circonstance, à l’occasion du 14 juillet, fête nationale de la République française, M. José Comez s’est adressé à ses compatriotes vivant en Haïti, aux Français d’Haïti ainsi qu’aux amis haïtiens, abordant, au prime abord, la crise sanitaire occasionnée par la pandémie de la COVID-19. Aussi a-t-il déclaré avoir constaté le recul de la maladie, dans le pays, souhaitant que tout le monde et ses proches aient été épargnés par la maladie et que vous ayez, dit-il, «traversé du mieux possible cette triste période».
Bien que M. Gomez ait dit regretter de n’avoir pu, comme dans le passé, «au cours d’une une grande réception et m’adresser à vous de vive voix», il s’est félicité du fait que la maladie ait frappé Haïti mais elle n’a pas pris les «dimensions catastrophiques» qu’on craignait. Selon lui, les autorités avaient pris à temps les mesures barrières nécessaires pour combattre le fléau. Tandis que les citoyens se sont protégés «du mieux qu’ils le pouvaient».
Le chef de la Mission diplomatique de France en Haïti a attiré l’attention sur l’apport de la communauté française en matière d’appui au peuple haïtien. Il souligne, dans son discours : «La communauté française d’Haïti a partagé avec les Haïtiens cette période difficile. L’Ambassade a apporté son soutien en matière médicale et sanitaire aux Français les plus fragiles. Plusieurs vols spécialement affrétés ont permis de rejoindre la France à nos concitoyens qui se trouvaient de passage en Haïti et à ceux dont l’état de santé pouvait inspirer des inquiétudes. Je veux saluer l’attitude responsable et courageuse de nos concitoyens tout au long de ces mois d’urgence sanitaire».
José Gonez n’a pas négligé de relever, à cette occasion, les actions menées par le gouvernement français, dans le cadre de la lutte contre le coronavirus, soulignant que les cérémonies et le défilé du 14 juillet, en France, ont été aussi l’occasion de rendre un hommage bien mérité «à tous ceux qui ont lutté contre le Covid19 et de leur marquer la reconnaissance de la Nation». Sans négliger de mentionner que son pays se trouve confronté «aux conséquences économiques et sociales de la pandémie. Il y répond par un effort de reconstruction économique, écologique et sociale sans précédent par son ampleur depuis la deuxième guerre mondiale».
Gomez donne l’assurance de la solidarité française à l’égard d’Haïti, qu’il a exprimée en ces termes «Bien qu’elle ait été elle-même éprouvée par la pandémie, la France qu’il s’agisse de l’État, des collectivités territoriales ou des ONG apporte son soutien solidaire à ses amis haïtiens. La France poursuivra son effort en faveur du secteur de la santé haïtien; de nouveaux projets sont en préparation. Enfin, la France participe à l’appui très important que l’Union européenne se propose d’apporter à Haïti».
Déballage de vérités sur Haïti
Si la Diplomatie française s’était alignée sur le protocole en vigueur au sein Du CORE Group, par rapport à la politique de ce dernier à l’égard du régime haïtien, elle est maintenant en rupture de ban avec les diplomates regroupés au sein de cette structure. Témoins, les paragraphes qui suivent. En effet, l’ambassadeur Gomez enchaîne, dans son discours :
«Le Covid-19 n’est pas, hélas, le seul fléau qui frappe le peuple haïtien. L’épidémie, qui sur vient après plusieurs épisodes de peyi lock, a durement frappé l’économie haïtienne, détruit des emplois, ruiné des entreprises tandis que les prix continuent d’augmenter.
«L’économie ne pourra se redresser que dans un contexte de sécurité retrouvée, de stabilité politique et de paix sociale. Nous espérons que les Haïtiens pourront trouver les chemins pour y parvenir et pour organiser des élections libres et démocratiques, tenues dans un cadre législatif renouvelé qui assure leur crédibilité et leur équité».
Condamnation sans appel des massacres d’État
Contrairement au silence coupable affiché par d’autres diplomates étrangers par rapport aux massacres perpétrés par des tueurs à gage à la solde du pouvoir s’acoquinant avec l’équipe du Palais national, l’ambassadeur de France expose et condamne les atrocités, exhortant la justice à prendre ses responsabilités. Son discours continue sur ce ton :
«Par ailleurs, nous déplorons profondément que les quartiers populaires de Port-au-Prince subissent les attaques sanglantes des gangs, que leurs habitants vivent souvent dans la terreur et soient contraints de quitter leur domicile pour fuir la violence. Ces quartiers et leurs habitants ont le droit à la paix et à la sécurité. Les meurtriers et les bandits doivent être traduits en justice. Ces organisations criminelles font peser un risque majeur sur la démocratie haïtienne».
On n’a pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que l’ambassade de France, aussi bien que les autres missions étrangères dont les diplomates se taisent et font bon ménage avec le régime Moïse, qui pourvoie les gangs en armes et munitions, en sus de leur verser des salaires, alors que les employés de l’État attendent jusqu’à trois ans d’arriérés de salaires pour certains, n’ignore pas qui sont les commanditaires de ces criminels.
Dans la mesure où l’ambassade de France en Haïti fait partie du CORE Group, il faut conclure que la cohésion de cette entité est rompue. À moins que le diplomate français ait avisé ses collègues qu’il allait profiter de la célébration de la fête nationale de son pays pour déballer les vérités concernant la situation en Haïti, sous l’administration Moïse-Jouthe
Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur édition du 15 juillet 2020, Vol. L, No.27, et se trouve à P. 1,15 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2020/07/H-O-15-juillet-2020-1.pdf