Arrestation de 8 Hommes Lourdement Armés : Le Pouvoir est Triplement Coupable par Mario Andrésol
Avec l’arrestation, dimanche soir, dans des circonstances non encore élucidées, de sept étrangers et d’un haïtien lourdement armé à bord de véhicules non immatriculés, la thèse de la présence de mercenaires, lors des manifs du 18 novembre 2018 semble, de plus en plus se confirmer.
En effet, les infos qui circulaient, quelques jours avant cette date, laissaient entendre que le DG d’un important ministère s’était, lui-même, rendu à l’aéroport pour accueillir des étrangers qu’on croyait être des journalistes. Le jour de ces manifs, on se rappelle que des éléments au teint clair ont été aperçus encagoulés certains en treillis, d’autres en jeans, ou en tenue de « sniper», en compagnie d’éléments portant l’uniforme des unités du Palais national.
Déjà, les scribes du pouvoir cherchent à noyer le poisson. Et, ça ne fait qu’augmenter les suspicions. Pour eux, il est normal que des étrangers se baladent dans le pays lourdement armé, sous prétexte qu’ils travaillent pour une institution étatique. Mais, quelles que soient les raisons qu’ils évoqueront, pour justifier leur présence sur notre territoire, ils susciteront, non seulement des questionnements, mais mettront à nue l’amateurisme, voire le crétinisme de nos politicards.
Un pouvoir, qui donne accès, clandestinement, à son territoire à des hommes en possession d’armes de guerre, est coupable de trafic illégal d’armes de guerre. Ce pouvoir peut être doublement coupable, si ces armes de guerre sont trafiquées. Et triplement coupable, s’il y a embargo sur les armes contre son pays.
Dans le cas qui nous concerne, au moment de leur arrestation, les étrangers avaient en leur possession des armes de guerre très sophistiquées et parmi elles, à bien regarder, il y a de fortes chances pour que l’une des armes longues, la première à droite, sur la première photo, soit munie d’un dispositif « silencieux », si ce n’est une décoration. Une autre est, apparemment, munie d’un télescope. N’est-ce pas le cas de dire qu’ils étaient là à toutes fins utiles, ces étrangers ?
Si cela s’avérait, on est en droit de se demander qui voulait-on, silencieusement, éliminer ? Un ou des compétiteurs, un ou des opposants politiques? Un des citoyens ou nos petits chefs de gang ? À moins que ce ne soit pour éliminer des pilleurs ou des casseurs à la petite semaine. Voilà le danger qui semble planer sur la tête de chaque citoyen, en ces moments de turbulence politique. Depuis quand ces étrangers sont-ils en Haïti ?
- Ont-ils un sceau d’entrée de l’immigration sur leurs passeports ?
- Si, non, par où sont-ils passés ?
- Quelles sont les raisons de leur présence dans le pays ?
- Pour qui travaillent-ils ?
- Pourquoi les avait-on embauchés dans la clandestinité ?
- Pourquoi la police n’en a pas été avisée ?
- Comment ont-ils fait pour entrer avec ces armes sur le territoire ?
Dans l’hypothèse qu’ils travaillent pour une institution de l’État, pourquoi ne détiennent-ils aucune pièce d’identification pouvant l’attester ?
- S’ils sont des contractuels où sont les contrats ?
N’était-ce leur arrestation, dimanche soir, ces étrangers seraient encore, incognito, dans le pays.
- Quid des plaques d’immatriculation ?
- Pourquoi les plaques d’immatriculation ont-elles été retrouvées à l’intérieur des véhicules plutôt que d’être exposées ostensiblement comme le veut la loi ?
- À quelles institutions appartiennent les véhicules à bord desquels circulaient ces étrangers ?
Sachant que des plaques d’immatriculation IT et DM ont été retrouvées à l’intérieur de leurs véhicules, les concessionnaires ou les agents vendeurs de véhicules sont-ils toujours les seuls autorisés à recevoir les plaques « Démonstration » (DM) après les formalités d’usage ?
Les véhicules immatriculés IT circulant sur la voie publique appartiennent-ils tous à des organisations légalement enregistrées et dûment identifiées. À quelles institutions autres que celles déterminées par la Loi du 26 mai 2006 distribue-t-on les plaques DM et IT ?
Pas besoin d’être grand clerc pour remonter aux commanditaires dans un tel dossier. L’attirail de ces étrangers en dit long, et il est enfantin de faire croire qu’ils étaient seulement là pour travailler pour une institution étatique.
Nonobstant les pressions dont elle peut faire l’objet, la Police doit faire son travail à tête reposée et chercher le moindre indice qui servira à la manifestation de la vérité.
Mais on ne sera pas, non plus, étonné d’apprendre, un matin, que le dossier, avec toutes les évidences, a été classé sans suite ou acheminé au cabinet d’instruction. De là, on va tirer l’échelle. Et, sur trois colonnes, on va titrer : « Les étrangers sont libérés ». *Mario Andrésol Ex-directeur général de la Police nationale d’Haïti (PNH)
Cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 20 fév. 2019 et se trouve en P. 1, 7 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2019/02/H-O-20-fev-2019-1.pdf