Martelly au tribunal avec son père; Descente de marshals en Haïti – Faut-il s’attendre à une répétition de l’opération du 5 janvier ?
Depuis la condamnation de Guy Philippe à neuf ans de prison, après avoir plaidé coupable, c’est l’attente des retombées de sa saga avec la justice fédérale, c’est à dire l’impact de ses révélations en termes de personnes qu’il a dénoncées comme faisant partie du réseau de trafiquants de drogue et d’autres activités illicites évoluant en Haïti. Mais les autorités fédérales, qui entendent agir seulement quand elles estiment le moment à leurs avantages et dans leurs intérêts, attendent que tous les « pions » soient à leurs places avant que soit donné l’ordre d’une « descente ». Il semble qu’une série d’activités soient sur le point d’être lancées, quoique les milieux généralement informés de pareilles initiatives se montrent avares d’informations.
[Michel Martelly, quand l’Oncle Sam demande des comptes, il rattrape tout ce qu’il avait perdu.] [Sophia Saint-Rémy-Martelly, il ne faut jamais tricher aux dépens de l’Oncle, il fait payer le prix fort.]
Toutefois, sans donner de précisions, on laisse croire que l’ex-président haïtien, le chanteur du compas, devrait se présenter, « très bientôt » au tribunal fédéral, à Miami. Mais on affirme, en même temps, que des marshals et d’autres agents feront leur apparition en Haïti, avec pour mission de ramener des « personnes recherchées » par la justice américaine.
Selon un agent généralement au courant des routines au tribunal fédéral, mais qui affirme être sujet, lui et ses collègues, au mot d’ordre de la « discrétion », Haïti sera à bientôt « au centre des activités ».
Prenant le soin d’éviter de commettre d’indiscrétion, il a, toutefois, précisé que sur le calendrier figure, en tout premier lieu, une comparution d’Olivier Martelly avec son père, l’ex-président Michel Martelly.
Il a expliqué que cette double comparution est le suivi de deux séances antérieures dont la toute première était marquée par la présence de Sweet Mickey, alors présent, en compagnie de son ministre des Finances d’alors, Wilson Laleau, car il devait payer la caution pour son fils, dont le montant était fixé à USD 5 millions.
En tant que celui qui avait payé pour que son fils soit mis en liberté provisoire, Michel Martelly est requis d’être présent à cette audience, histoire d’être disponible, le cas échéant, pour renégocier les termes de la caution d’Olivier. On ignore s’il y a aucune possibilité que se déroule une nouvelle séance sur la caution de l’inculpé. Mais on apprend, de sources hautement confidentielles proches de l’ex-famille présidentielle, que Martelly père est sérieusement préoccupé par cette comparution.
Mais pour un autre informateur, qui souhaite que ses révélations restent « entre nous », Sweet Mickey s’inquiète pour d’autres raisons. On laisse croire qu’il fait, lui aussi, l’objet d’une investigation pour les mêmes raisons que son fils, qui a des démêlés avec la justice américaine. On se souvient que le jeune Martelly avait été, disait-on, inculpé, puis arrêté, après qu’une investigation de son cas eut amené les agents fédéraux à identifier plusieurs comptes bancaires en son nom totalisant des millions. Alors qu’il déclarait à peine USD 100 mille $ dans sa déclaration d’impôts.
À en croire ce dernier informateur, le fils aîné de l’ex-première famille d’Haïti n’est pas seulement en difficulté avec l’Internal Revenue Service (IRS), il aurait des problèmes avec d’autres institutions.
[Olivier Martelly, le moment d’affronter l’orage.]
C’est, selon lui, ce qui explique cette forte somme exigée comme caution.
Le cas de Sweet Mickey jugé délicat
Une source proche de la famille de l’ex-chef d’État haïtien a révélé que l’ancien président « ne sait plus où donner de la tête », car l’opération de caution pour son fils à laquelle il était astreinte, depuis déjà plus de deux ans, l’a exposé son cas à un examen minutieux de la part des autorités fédérales. Car, on pense que une des raisons pour lesquelles la caution d’Olivier a été fixée à un montant aussi élevée, c’est parce que les autorités voulaient confirmer le fait que Michel Martelly, qui avait, il y a à peine 7 ans, abandonné deux maisons dont il ne pouvait plus payer les hypothèques, soit en mesure de verser cette forte somme d’argent comme caution pour son fils. Dans un pays comme Haïti, qui bénéficie de l’aide internationale, en grande partie dispensée par les États-Unis, ces millions de l’ex-président chanteur, dont la vie n’était pas « en rose », voilà seulement sept ans, n’a pas manqué d’attirer l’attention des autorités fédérales américaines. Autant dire, selon des sources juridiques proches des procureurs fédéraux, le cas d’Olivier Martelly a donné une occasion aux responsables américains d’ouvrir une enquête sur toute la famille Martelly.
On apprend, par ailleurs, que les autorités fiscales américaines avaient porté un grand intérêt à la famille Martelly, dont quasiment tous les membres sont des citoyens américains. Car l’histoire des millions détournés par cette famille, quand elle était au pouvoir en Haïti, était suivie attentivement, surtout par l’Internal Revenue Service (IRS) dont les agents épiaient les activités de brassage de millions qu’orchestraient les membres de ce clan. À la lumière de tous ces faits, il est possible qu’une bonne partie du fonds PetroCaribe détournée par Michel Martelly et sa famille aboutisse dans les coffres du fisc américain, sous forme d’amendes et pénalités. C’est, du moins, le sort réservé à toute personne reconnue coupable d’évasion fiscale, de blanchiment des avoirs et de corruption. On affirme que les Martelly seraient en contravention avec la justice américaine pour au moins un de ces crimes.
On se demande si cette enquête, qu’on affirme être lancée sur les finances de la famille Martelly, se limite à ces deux membres ou bien si elle concerne également Sophia Saint-Rémy Martelly et les autres enfants de l’ex-couple présidentielle. S’ils participaient tous au pillage de la caisse publique, il y a fort à parier qu’ils avaient des millions placées dans des banques à l’étranger. Dans de tels cas, il y a de fortes chances que les enquêteurs fiscaux de l’Oncle sauront trouver la route empruntée par les capitaux qui ont fui Haïti, à l’initiative de Martelly et de ses alliés du système bancaire haïtien ayant facilité ce genre d’opérations moyennant de juteuses commissions.
Sur les pistes des personnes dénoncées par Guy Philippe
D’autre part, les révélations faites par Guy Philippe impliquant des barons de la drogue, des blanchisseurs d’argent et des acteurs d’autres activités illégales ont permis de dresser une nouvelle liste de gens se trouvant dans le collimateur de la justice américaine. On affirme, dans les milieux informés, que tout est fin prêt pour que des marshals fédéraux effectuent des descentes « prochainement » en Haïti.
Tout en prenant la précaution de ne pas identifier ceux qui seront la cible de cette « expédition », ces gens proches des procureurs fédéraux font croire que plusieurs parlementaires figurent sur cette liste. Selon ces sources, il y en aurait au moins une douzaine, qui étaient étroitement liés à Guy Philippe.
Interrogés sur le tollé qu’avait provoqué l’arrestation de Guy Philippe au sein de la classe politique haïtienne, essentiellement au sein du Parlement, comment les Américains peuvent-ils penser pouvoir refaire l’expérience du 5 janvier lorsque le sénateur élu de la Grand’Anse avait été appréhendé par des policiers haïtiens de la Brigade de lutte contre le trafic de stupéfiants (BLTS) accompagnés de leurs homologues de la Brigade fédérale anti-drogue ou la Drug Enforcement Administration (DEA). Surtout que, contrairement à Philippe, qui n’avaient pas encore été investi d’immunité parlementaire, il s’agit maintenant de députés et de sénateurs en service actif.
Pour ces informateurs, cela ne devrait constituer un obstacle majeur à une telle opération, car, ont-ils fait remarquer, « Il y a plus d’une façon de s’y prendre ».
Faut-il s’attendre à une répétition de l’opération du 5 janvier ?
P. 1, 15 Haïti-observateur 16 – 23 août 2017