Brève Visite de Lambert à Washington : Mission Auprès de Merten

Brève Visite de Lambert à Washington : Mission Auprès de Merten

Une semaine après l’intervention de l’ambassadeur Kenneth Merten à l’émission créole de la Voix de l’Amérique pour déclarer que la démarche des PetroCaribe Challengers pour obtenir le départ de Jovenel Moïse n’aboutira nulle part, le président du Sénat haïtien a effectué une visite à la capitale américaine. Puisque, selon le sous-secrétaire d’État aux Affaires latino-américaines et de la Caraïbe, tout changement de président en Haïti doit obligatoirement passer par des élections. Une déclaration que l’équipe au pouvoir juge douce à leurs oreilles. Aussi une délégation présidée par le président du Sénat a-t-elle été vite constituée pour se rendre à Washington, auprès du proconsul Merten, en vue d’obtenir de nouveaux mots d’ordre qui permettront de résoudre la crise.

Tout cela n’est que simulacre diplomatico-politique destiné à épater certains et à bluffer d’autres. Ce voyage s’inscrit de préférence dans la logique de dépenser les derniers décaissements effectués par l’exécutif pour avoir raison de la mobilisation qui charrie les revendications des demandeurs de reddition de compte PetroCaribe. À cette fin, le Premier ministre Jean Henry Céant avait mis le cap sur New York; et Lambert en direction de la capitale américaine.

Combien de millions de gourdes ont été décaissés pour mener cette campagne, la énième depuis le lancement de PetroCaribe Challenge ? On ne le saura jamais, car toujours, dans la manière de fonctionner des régimes tète kale, dans l’opacité totale, de telles occasions constituent des opportunités d’augmenter les comptes en banque à l’étranger de la famille présidentielle et de leurs alliés.

En tout cas, pour démontrer que les dépenses consenties pour financer ces déplacements valaient la peine, les deux « émissaires spéciaux » ont estimé qu’il était de bonne guerre, chacun de son côté, d’expliquer ce qu’ils ont réalisé.

En effet, de retour au pays, Lambert a déclaré à la presse que l’ambassadeur Merten Merten a fait savoir que les autorités américaines ne prévoient aucun changement au niveau de l’exécutif en dehors des « élections », exhortant l’opposition à respecter les règles du jeu démocratiques. Selon lui, M. Merten incite tout le monde à avoir les regards fixés sur les élections législatives qui doivent avoir lieu prochainement.

Le sénateur Lambert a, par ailleurs, indiqué que lui et la délégation qu’il dirigeait se sont entretenus avec des autorités américaines concernant la crise qui sévit présentement au pays.

Pour sa part, Jean Henry Céant a affirmé avoir rencontré des membres de l’opposition à New York. Dans la foulée de son passage dans cette ville, les médias sociaux ont rapporté l’entrevue qu’il a eue avec Edens Débas, de l’émission en ligne Tout Haïti dans laquelle il a exposé sa mission consistant à multiplier les rencontres avec l’opposition, tant à l’intérieur qu’à l’étranger, en vue de dégager un consensus qui permettra d’en finir avec la crise.

Céant, qui proclame sa volonté de développer une politique visant à faire jouer la justice contre les voleurs du fonds PetroCaribe, prétend prendre incessamment des décisions favorables à une telle politique. On se demande si son annonce du limogeage prochain du commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Clamé Ocnam Daméus, s’inscrit dans la logique de l’action judiciaire contre les ex-premiers ministres, ministres et autres anciens hauts fonctionnaires de l’État indexés dans le rapport des deux enquêtes menées par la `Commission éthique et anticorruption du Sénat, enquêtes pilotées tour à tour par les sénateurs Youri Latortue et Évalière Beauplan.

Quelles promesses a faites Merten à Lambert et son équipe ?

La rencontre Merten-Lambert et consorts, qui s’est déroulé à la capitale américaine, est, pour le moins, bizarre. Alors que le président du Sénat prétend avoir rencontré des officiels Américains, aucune séance de photo n’a été offerte. Excepté celle prise avec le sous-secrétaire d’État et les visiteurs haïtiens. Le langage corporel pouvant servir de moyen d’interpréter la nature et la teneur de la réunion n’autorise guère à voir l’harmonie qui devait caractériser les discussions. D’ailleurs, Kenneth Merten affichait l’attitude d’un homme gêné de la présence des émissaires haïtiens dont il semblait vouloir se débarrasser sans trop tarder.

Ce qui est encore plus sur- prenant, à propos de cette rencontre : aucune allusion n’a été faite de la présence de la délégation haïtienne au siège du Département d’État. Généralement, quand il y a des visiteurs, l’hôte ne reçoit jamais ces derniers tout seul. Aussi faut-il conclure que la visite de Lambert et co était-elle une entrevue privée entre l’ancien ambassadeur américain en Haïti et des officiels d’Haïti avec qui il partage de beaux souvenirs.

On peut dire que, au moins, une des personnes qui accompagnaient Lambert n’est pas en odeur de sainteté, auprès du personnel du Département d’Haïti. Mais il y a un fait certain, Joseph Lambert jouit d’une mauvaise réputation, en ces lieux. Il y est tenu à distance parce qu’il a la réputation de « trafiquant de drogue » et de « criminel ». Au fait, un diplomate a fait la réflexion suivante à son sujet : il peut se féliciter d’avoir pu retourner à son pays sans être retenu « pour affaire le concernant ».

Par ailleurs, on se demande pourquoi aucun communiqué n’a été émis par le Département d’État concernant cette visite. Ou encore pourquoi le sous-secrétaire d’État n’avait pas sollicité la couverture de l’événement par les organes de presse de la capitale américaine ?

Quelle anguille gît sous la roche ?

À la capitale américaine, la présence de la délégation haïtienne, dirigée par Joseph Lambert, a été à peine remarquée. Car personne ne pouvait expliquer ce que ces officiels Haïtiens étaient venus chercher. C’est pourquoi certains diplomates s’imaginent qu’il y a, comme ils l’ont dit, « anguille sous roche ».

Parlant d’ « anguille », à Washington, d’aucuns disent que, durant son tour de service en Haïti, l’ambassadeur a eu l’opportunité de côtoyer, ou même de « traiter », avec des membres de la bourgeoisie, profitant de la présence, dans le monde des affaires, des parents de sa femme, qui est d’origine haïtienne, auraient cherché à instrumentaliser ses interventions.

Dans certains milieux proches du Département d’État, on affirme que, ambassadeur des États-Unis en Haïti, Kenneth Merten a largement contribué à l’octroi de prêts léonins à des hommes d’affaires et industriels du pays. Selon ces sources encore, certains décideurs américains veulent savoir s’il a joué un quelconque rôle auprès des entités ayant bénéficié de ses compétences de diplomate américaine, après avoir quitté Haïti.

Par ailleurs, on n’exclut pas les possibilités, dans ces mêmes milieux, que les dirigeants haïtiens partagent certaines « informations » avec l’ambassadeur que ce dernier aimerait garder « enterrées » en permanence. C’est pourquoi, argue-t-on, encore dans ces milieux, M. Merten se montre docile, voire même « accommodant » par rapport aux requêtes formulées par des dirigeants haïtiens.

Tout cela dit, reste à savoir quelles promesses Merten a faites à Joseph Lambert et consorts. En tout cas, pour plusieurs diplomates américains, il s’agit de « beaucoup de bruit pour rien ».


cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 05 décembre 2018 P.1, 7 et se trouve à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2018/12/H-O-5-decemb-2018-1.pdf