La Mobilisation Petrocaribe Challenge s’Intensifie

LA MOBILISATION PETROCARIRE CHALLENGE S’INTENSIFIE par Léo Joseph

  • Jovenel Moïse et ses alliés rudement mis à l’épreuve…
  • Les personnes accusées sont terrorisées

Il semble que la peur ait changé de camp. Pour la première fois depuis des mois, les personnes  accusées du vol, du gaspillage, du détournement ou encore de la dilapidation du fonds PetroCaribe
comprennent que le peuple haïtien est décidé à maintenir la pression jusqu’à ce que le jour soit fait
sur l’usage qui a été fait des USD 3,8 milliards $. À rien à faire, la mobilisation PetroCaribe Challenge a rudement mis à l’épreuve Jovenel Moïse et ses alliés, toutes catégories confondues, qui sont impliqués dans la plus vaste conspiration en vue d’escroquer l’État et appauvrir le peuple haïtien. Car, au fur et à mesure que des révélations se fassent sur les procédés utilisés et les sommes faramineuses volées, les individus épinglés par les deux enquêtes de la Commission éthique et anti-corruption du Sénat se rendent compte du sérieux de l‘affaire et qu’au bout du compte les portes de la prison seront grandes
ouvertes devant eux.

En effet, les marches déclenchées au début, qui ont changé en manifestations par dizaines, puis par centaines pour atteindre des milliers de citoyens, dont la grande majorité sont des jeunes, maintenant presque dans tous les coins et recoins du pays, prend l’allure d’un mouvement global. La notion qu’entretenaient ceux accusés de la dilapidation du fonds PetroCaribe selon laquelle les militants PetroCaribe Challenge allaient se fatiguer après un certain temps s’est révélé fausse. Car plus les manifestants sont déployés dans les rues davantage ils ont envie de continuer la mobilisation. C’est pourquoi, désormais, le mouvement gagne chaque jour de plus en plus de terrain.

Certes, on a eu des manifestations presque quotidiennement à Port-au-Prince, la capitale. On en a enregistrées dans tous les dix départements, dans les chefs lieux aussi bien que dans les villes secondaires, de même que dans les communes et les section rurales. On peut dire que le peuple haï- tien, dans sa majorité, s’est rendu compte que PetroCaribe, ce n’est pas quelque chose à prendre à la
légère. Puisque au fur et à mesure que se multiplient les manif, et que le nombre des participants  grossit, les citoyens comprennent à quoi auraient pu servir les USD 3,8 milliards qui ont été détournés. Donc fort d‘une si profonde conviction, le peuple haïtien est déterminé à aller jusqu’au bout pour obtenir la restitution de cette somme en sus d’exiger que les coupables reçoivent un châtiment exemplaire.

KOTE lAJAN PETROKARIBEA ?
Au train où vont les manifestants, à l’échelle mondiale, le monde entier finira par savoir ce que signifie cette phrase créole « KOTE LAJAN PETROKARIBE A », le slogan officiel du mouvement. Même si les étrangers ne peuvent tenir une conversation en langue créole, ils sauront que cette phrase s’adresse à des ex-dirigeants qui ont volé USD 3,8 milliards de la caisse publique. Assurément les Premier ministres, ministres, directeurs généraux et autres hauts fonctionnaires accusés dans ce scandale ont
eu l’occasion de mener des transactions avec leurs collègues étrangers quand ils étaient au pouvoir. Maintenant leurs anciens collègues vont se rendre compte que des hommes et femmes qu’ils côtoyaient dans le cadre du traitement des affaires pour leurs gouvernements étaient des « monstres » qui n’ont jamais aimé leur pays.

De toute évidence, grâce à ce mouvement qui s’affirme en outre loin d’Haïti, des manifestations PetroCaribe Challenge se dérouleront dans tous les continents, dans tous les pays, dans toutes les villes. De telles sortes que les personnes épinglées seront facilement identifiées puisque leurs photos sont largement diffusées.

On comprend pourquoi une brigade de volontaires PHTK avait pour mission d’enlever les affiches comportant les slogans KOTE LAJAN PETROKARIBE A et autres, ou les photos des anciens hauts fonctionnaires accusés de tels crimes. On comprend aussi pourquoi, dans le cadre de sa visite aux Nations Unies, à New York, cette année, Moïse Jovenel ne veut pas rencontrer la communauté haïtienne, comme il l’avait fait l’année dernière; ou ses prédécesseurs avant lui, y compris son mentor et
« suzerain » Michel Martelly.

De toute évidence, dans le mesure où les manifestants PetroCaribe Challenge font flèche de tous bois, Jovenel Moïse craint qu’ils ne surgissent sur le lieu de cette réunion en vue de dénoncer les anciens dirigeants comme des voleurs, et Jovenel Moïse, non seulement pour le même crime, mais d’être un receleur par-dessus le marché.

Voilà pourquoi l’Église évangélique des pêcheurs d’homme de pasteur Philius Nicolas n’a pas été retenue, cette année. On apprend que le Consulat d’Haïti de New York avait retenu une salle à un hôtel situé à Orange-town, Rockland County, au nord de New York, sur l’autoroute 87, qui mène à Albany et à Montréal.

Il va sans dire que Jovenel Moïse et ses proches collaborateurs, en sus des dilapidateurs du fonds PetroCaribe sont rudement mis à l’épreuve par ces manifestations. Pourtant, comme on dit en créole, tout cela « se twókèt la, chay la dèyè » (« tout cela, ce n’est qu’un début, le plat de résistance arrive »).

En effet, des manifestations sont programmées presque chaque jour : il y a eu manif dimanche 23 septembre, à Port-au-Prince; mardi 25 septembre devant le tribunal civil de Port-au-Prince; il y en aura samedi 29 septembre, dans la commune de Tabarre; samedi 6 octobre, dans les dix départements; ce même samedi 6 octobre, à la commune de Delmas aussi; dimanche 13 octobre, à Port-au-Prince et dans plusieurs villes du pays; mercredi 17 octobre, soulèvement général dans tout le pays : chasse aux voleurs qui ont volé l’argent PetroCaribe empêchant aux citoyens d’avoir accès aux soins de santé, à l’éducation, qui sont au chômage, n’ont pas d’accès à l’eau potable, au logement.

Selon des sources proches des milieux organisateurs de ses manif. la date du 17 octobre, anni- versaire de l’assassinat de Jean Jacques Dessalines, sera consacrée à une série d’activités dans le
cadre de la mobilisation PetroCaribe Challenge qui se déroulera dans plusieurs villes d’Haïti et à l’étranger. Les participants seront encouragés à arborer des pancartes où sont exhibés les slogans dénonçant le vol des USD 3,8 milliards $ et à s’affubler de t- shirt où est également affiché le slogan officiel du mouvement.

Tout compte fait, le mouvement PetroCaribe a pris une allure sérieuse, au point d’inquiéter les politiciens haïtiens dont certains, comme Evans Paul, par exemple, n’ignorent pas l’impact qu’il pourrait avoir sur les dirigeants. Pour sa part, l’ex-Premier ministre de Michel Martelly paraît convaincu que le pays évolue dans une zone dangereuse et que Jovenel Moïse est débordé parles événements. Les dernières déclarations qu’il a faites indiquant que tout n’est pas au beau fixe s’inscrit dans cette logique.

En effet, intervenant à l’émission « Haïti Sa k ap kwit » diffusée, vendredi, à la Télé 20, Évans Paul (K-Pli) a déclaré avec une franchise déroutante que la situation est extrêmement grave, exhortant le président haïtien à ne pas se faire d’illusion. Selon lui, cité dans l’édition du 21 septembre de Le Nouvelliste : « Le pays est tèt anba. Un méli-mélo ! J’ai beaucoup de peine. C’est comme un bateau sans gouvernail qui ne sait quelle direction prendre. Il y a un capitaine, mais il est dépassé. C’est une cacophonie… »

Plus loin, il explique en ces termes: « D’abord, c’est le système. On n’improvise pas le poste de président, de Premier ministre, ni de ministre. Or, depuis un certain temps, c’est ce qu’on fait. Ma
position est claire : la défaillance de l’État est la conséquence de la faiblesse des partis politiques ».

Parlant sur le même ton, il ajoute : « Il y a plusieurs ministres actuels qui ignoraient complètement, il y a une semaine, qu’ils allaient occuper une telle fonction. Nous sommes dans une situation d’improvisation. Dans la formation du gouvernement, nous n’avons pas la mesure qu’il faut ».

Venus d’Évans Paul, ces propos valent leur pesant d’or. Le patron de la KID n’est pas homme à se prononcer en ces termes sur les ondes s’il a la certitude que Nèg Bannann nan est maître de la
situation. Il aurait dû, de préférence, se réunir en aparté avec le chef de l’État pour l’exhorter à rectifier
le tir. Surtout que M. Paul sait bien son « ami » Jovenel Moïse a la susceptibilité à fleur de peau quant aux critiques dirigées contre lui eu égard aux fautes qu’il commet. Il y a fort à parier que ces soit disant conseils prodigués par K-Plim ne seront pas accueillis avec sérénité.

Mais Évans Paul semble oublier qu’il a porté la présidence de Jovenel Moïse sur les fonds baptismaux. Soudain il semble oublier ses prises de positions en sa faveur quand il était question de trouver un autre poulain en qui investir tant de responsabilité, à un moment où la conversation portait sur la compétence de Jovenel Moïse. Il serait donc opportun, après que Paul eut tenu ce langage, de lui demander ce qu’il avait découvert chez le candidat de Martelly qui pouvait se traduire en ce qu’il ne trouve pas en lui aujourd’hui. De toute manière, la manière dont K-Plim décrit la situation présentement expose un chef d’État manquant les compétences nécessaires à celui qui se trouve à la tête de la nation, à titre personnel, mais qui est aussi privé d’une équipe qui pourrait aider à suppléer à ses failles.

En tout cas, Évans Paul semble vouloir dire qu’il a accédé au pouvoir dans un système différent de celui à l’intérieur duquel évolue Jovenel Moïse. Autrement dit qu’il avait une équipe parallèle à celle de Michel Martelly qui lui avait imposé les membres du cabinet qu’il a dirigé. Dans la mesure où les hommes et femmes qui sont appelés à composer les gouvernements tèt kale, de Martelly à Moïse, sont recyclés
d’un gouvernement à l’autre, quelle différence peut-il y avoir entre les deux ?

De toute évidence, K-Plim est en train de tirer les marrons du feu.

Dans l’entourage de Jovenel Moïse, l’intervention d’Évans Paul est sévèrement critiquée faisant dire à plus d’un qu’un tel geste n’a rien à voir avec « la solidarité que le président était en droit d’espérer de K-Plim ». Cela, disent certains équivaut « à un lâchage purement et simplement ». D’ailleurs, Jean Henry Céant vient à peine de prendre la tête du gouvernement. Pourtant, K-Plim n’a point hésité à faire ses «
remarques saugrenues », a lâché un flatteur de Jovenel Moïse.

Situation de tension à Pèlerin
Des informations de toute dernière heure, émanant de la capitale haïtienne,font état d’une situation
inquiétante, au niveau de Pèlerin, sur la route de Laboule.

Selon le témoignage de certains riverains, des individus non identifiés se serviraient de pierres comme obus caillassant les automobilistes ainsi que des résidences. On laisse croire que des policiers au niveau de Pèlerin 5, où se trouve la résidence officiel- le du président Jovenel Moïse, font usage de gaz lacrymogène et tirent des rafales d’armes automatiques. Les automobilistes évitent d’utiliser cette voie pour aller à Kenscoff, souhaitant que les forces de l’ordre puissent rétablir l’ordre dans le meilleur délai.

On se souvient que les 6, 7 et 8 juillet, quand avaient éclaté les émeutes violentes et les pillages
déclenchées par l’augmentation des pris de produits pétroliers, Jovenel Moïse se trouvait hors du
pays, à la réunion de la CARICOM. Cette fois il est absent du pays pour se rendre à New York, où il doit assister à la conférence annuelle de l’Assemblée générale des Nations Unies.


cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 26 septembre 2018 et se trouve en P.1, 2 à: http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2018/09/H-O-26-Septembre-2018-2.pdf