ÉDITORIAL
- Le seuil de tolérance de la nation franchi, il est temps d’éjecter Jovenel Moïse du pouvoir
Le secteur populaire et démocratique, dans le cadre de la mobilisation « pays lock », s’est prononcé pour le départ immédiat et sans condition de Jovenel Moïse du Palais national. Les millions de citoyens, qui sont descendus dans la rue, tant à la capitale que dans les villes, villages et régions de province, regroupés autour de cet objectif, traduisaient bien la légitimité de la cause. Les actes criminels, illégaux et anticonstitutionnels commis par l’équipe au pouvoir, au cours des derniers mois, sont élevés à un point tel qu’ils ont franchi le seuil de tolérance du peuple haïtien. Il est maintenant plus que temps d’amorcer un ultime effort unitaire pour chasser Nèg Bannann nan définitivement de la Maison du peuple.
En effet, en Haïti, sous la gouvernance de M. Moïse, les dernières semaines ont été marquées par des actes scélérats dépassant en horreur ceux qui ont été antérieurement perpétrés par des gens liés à l’équipe au pouvoir. Après l’assassinat du bâtonnier de l’Ordre des avocats de Port-au-Prince, le brillant juriste Monferrier Dorval, on s’imaginait que ce gouvernement de gangsters était au bout de ses forfaits. Mais d’autres crimes sont venus s’ajouter à ceux enregistrés, particulièrement, à Port-au-Prince, donnant une allure inquiétante à la série criminelle initiée par l’Exécutif et ses hommes de main recrutés au sein des gangs armés. De toute évidence, le pouvoir s’est enfoncé encore plus profondément dans les opérations criminelles dignes de la mafia. Pour comble de barbarie, les sbires du régime n’ont pas hésité à envahir l’enceinte sacrosainte de l’Université pour commettre l’acte immonde d’ôter la vie à un étudiant en phase terminale.
Le jeune Gregory Saint-Hilaire, qui a grandi dans le quartier de non droit appelé Village de Dieu, à la capitale haïtienne, fief des bandits armés, à la solde des décideurs du pays, mais qui a opté pour une noble carrière, a trouvé la mort tragiquement, à l’intérieur de l’École normale supérieure (ENS), victime d’une balle assassine tirée par un policier de l’Unité de sécurité générale du Palais nationale (USGPN), le vendredi 2 octobre. La victime participait à une manifestation pacifique, à cette institution, dans le cadre des démarches menées par les étudiants de l’ENS exigeant leur intégration dans l’enseignement.
Le mort de Gregory Saint-Hilaire a suscité une vague de mécontentement et d’indignation au sein de différents secteurs, tant du monde professoral que de la société civile, déclenchant toutes sortes de critiques à l’égard de l’Exécutif rendu directement responsable de ce vil acte. Car Jovenel Moïse et ses proches collaborateurs sont accusés d’avoir dépêché les policiers sur la scène de la manifestation avec l’ordre précis de réprimer brutalement les protestataires.
Le jeune Saint-Hilaire est doublement victime. Blessé par une balle lancée par un policier, il a été transporté, après une longue période d’attente, à l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH) pour recevoir les soins que nécessitait son état. Mais il n’y avait aucun médecin compétent présent à l’institution pour prendre soin de lui. Il devait inexorablement succomber à ses blessures.
De toute évidence, les policiers gagnés à la cause de Jovenel Moïse et de PHTK se donnent pour mission, encouragés par leurs patrons, de réprimer les manifestations de rue dans le sang, ayant reçu « carte blanche » pour assassiner ceux qui s’érigent en critiques de leur chef. Mais les manifestants tombés sous les balles de policiers dévoyés, à moins d’avoir les possibilités d’être conduits à un centre hospitalier privé, n’ont aucune chance d’avoir la vie sauve. Car, bien que l’HUEH ait la réputation d’être le plus grand centre hospitalier de la République, il n’est pas en mesure de prodiguer des soins de manière adéquate aux victimes qui y aboutissent. On notera que le personnel impayé, ou recevant leurs émoluments « parfois », le gouvernement manquant de ressources pour les rémunérer de manière régulière, négligent souvent d’être en poste. Ce problème d’irrégularité de paiement entraîne l’absence de médecins et d’infirmiers et infirmières aux services nocturnes. De telle sorte que les patients qui arrivent à cette institution, le soir, n’ont aucune chance de recevoir de soins. Comme c’était le cas pour Gregory Saint-Hilaire.
Les caractéristiques criminelles du gouvernement PHTKiste, dirigé par Jovenel Moïse, ne sont plus un secret pour la nation. Si les actes criminels perpétrés au quotidien restent impunis, les manifestants qui descendent dans la rue pour dénoncer de telles pratiques avec véhémence, mais pacifiquement, sont abattus à visière levée par des policiers, bien rémunérés par le Palais national. Ou bien, les gangs, dont certains dits « fédérés », basés dans les bidonvilles, armés par le pouvoir, qui leur procure munitions et salaires, sont chargés de décimer les opposants de l’équipe au pouvoir peuplant les quartiers défavorisés de la capitale et des provinces.
Assurément Jovenel Moïse et ses alliés PHTKistes se donnent pour mission de décimer leurs opposants. C’est donc dans le cadre de cet objectif que les gangs armés sont fédérés sous la houlette de Jimmy Chérizier, communément appelé Barbecue, ex-policier exclu de la Police nationale pour comportement qui ne sied pas à un membre de cette institution. Désormais, « G-9 en famille et alliés » est reconnu par le gouvernement comme une « institution d’utilité publique », dûment inscrite au Ministère des Affaires sociales. Les familles de gangs bénéficient de coupons alimentaires du Palais national. Depuis qu’a été réalisée cette fédération de criminels, ces derniers ne cessent de semer la mort et la désolation dans les quartiers défavorisés. Si les quartiers de Grande Ravine, Village de Dieu, Cité Soleil, Delmas 2 et 3, etc. ont été occasionnellement la cible de Chérizier et de ses hommes, durant les mois de mai, juin et même plus, Bel-Air, une autre zone défavorisée de la capitale, est régulièrement mis à feu et à sang. Durant les mois de juillet, d’août et de septembre, Bel-Air, qui se trouve non loin du Palais national, est devenu l’objet de fréquentes attaques. Presque chaque semaine, ou deux, des hommes de Jimmy Chérizier y tuent de paisibles citoyens, incendiant leurs maisons. Alors que les appels au secours des victimes, adressés au sous-commissariat local, sont restés sans réponse. Pourtant, non seulement les auteurs de ces descentes criminelles dans ces quartiers ne sont pas inquiétés, leur chef, Chérizier, contre qui est décerné un mandat d’amener de la Police, depuis déjà plus d’un an, court les rues sans se soucier de rien.
Reconnu comme un gouvernement criminel, désormais, il faut ajouter l’obscurantisme à ses attributs. C’est la première fois que l’État s’érige en persécuteur officiel du personnel universitaire. L’attaque brutale, perpétrée contre l’École normale supérieure, consacre Jovenel Moïse et son équipe comme tel. Car non seulement ils ont tué Gregory Saint-Hilaire, ils ont aussi mis le feu à la bibliothèque de l’institution.
Certes, vu la manière dont Jovenel Moïse et ses hommes s’attaquaient aux deux autres pouvoirs et sombraient dans des dérives de toutes sortes, on n’avait cessé d’attirer l’attention sur leur ignorance des moyens de la bonne gouvernance, un savoir-faire appris dans les centres du savoir. Ni non plus ils n’ont eu accès à des modèles ou références en matière de bonne gouvernance. Mais on ne pouvait jamais imaginer qu’ils avaient le potentiel de déchaîner leur violence sur l’université.
Dans la mesure où l’occupant du Palais national a toutes les chances de sombrer encore plus profondément dans ses dérives, il a déjà franchi le seuil de tolérance du peuple haïtien. Mais trop c’est trop ! Le moment est venu de déclencher l’ultime effort pour expulser Jovenel Moïse de la Maison du peuple.
Cet article est publié par l’hebdomadaire Haiti-Observateur, édition du 7 octobre 2020, VOL. L No. 39 et se trouve en P. 10 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2020/10/HO7October2020-1.pdf