LE TORCHON BRÛLE ENTRE LE GROUPE KLASS ET DES ANIMATEURS DE RADIO

par Robert Noël

La division n’aide pas au développement et à l’avancement d’une société, d’une nation, du monde, encore moindre d’un genre musical. Au contraire, elle est la cause principale des luttes fratricides, des querelles sans grandeur, des guerres et des polémiques grossières. Dans l’industrie musicale haïtienne, l’hypocrisie devient palpable entre musiciens-musiciens, animateurs-animateurs et musiciens-animateurs de radio. Aujourd’hui, des allégations sont proférées contre le groupe Klass, l’accusant de vouloir diviser pour régner en seul maître sur la scène HMI. Une analyse approfondie de la situation permettra de voir le bien fondé de ces accusations.

L’industrie musicale konpa dirèk dans l’œil d’un tourbillon

Actuellement, on vit une situation de tension dans l’industrie de la musique haïtienne, particulièrement dans l’univers konpa dirèk. Trois animateurs ont élevé la voix contre le groupe Klass. Il s’agit de Wilfrid, le fondateur de Konpaevents; Jean Mary Simon, animateur de l’émission « Konpa Pacific », à Radio Pacific ; et Didi Paradi, présentateur de l’émission « Rendez-vous Konpa », en Floride. Il est rapporté que le fondateur de Konpaevent s s’est fâché parce que Klass lui a refusé une date qu’il voulait avoir en vue d’organiser une soirée dansante. C’est ce qui a accéléré son changement de camp, dit-on. Le patron de Konpaevents a démenti l’information.

Il a annoncé publiquement que le groupe Klass lui a fait une proposition lui demandant de ne pas diffuser la musique des autres groupes au cours de ses émissions, particulièrement celle de Nu Look. Ce que beaucoup considèrent comme une forme de boycottage de Nu Look. Mais, Wilfrid a fait preuve de courage, car disant haut et fort ce que d’autres animateurs se limitent à dire tout bas. Cependant, il faut lui reprocher son manque de précision. Car il parle de l’équipe Klass lui ayant fait une telle proposition, sans indiquer les noms des personnes à qui sont imputées de telles allégations. Ce qui donne un caractère de papotage au récit et laisse refléter un grand doute. Pagen wout pa bwa.

Konpaevents est en droit de citer des noms, conformément à la loi, puisqu’il s’agit de personnages publics. Craint-il que les responsables de Klass ne viennent dévoiler des vérités liées à la relation qui a existé entre eux quand tout allait bien ? Tout ce vacarme a commencé après un commentaire de Wilfrid au sujet de Klass, disant que ce groupe musical connaît une baisse actuellement. Ce qui, dit-on, a suscité la colère des membres influents de Klass, considérant un tel commentaire comme portant atteinte à la popularité et à la sûreté de leur formation musicale.

Cela se comprend quand on sait que les musiciens haïtiens ne tolèrent pas la critique. Men yo dwe ranje chita yo. Dès qu’on cri- tique une formation musicale, ses responsables et ses musiciens lancent toujours l’argument qu’on veut détruire leur groupe. Dans le langage vernaculaire haïtien on dirait : Mesye yo vle kraze djaz la. On accuse le manager et le chanteur de Klass qui affirment que quatre animateurs de radio fomentent un complot pour détruire cet orchestre, tout en se gardant de les nommer. Cela ressemble comme deux gouttes d’eau aux déclarations de Pipo l’an dernier, laissant croire que quatre groupes musicaux préparaient un complot contre Klass. Pris de peur, le chanteur ne les a jamais cités publique- ment.

L’émergence de la vérité pour effacer les doutes

Au tribunal, les accusations de Konpaevents seraient susceptibles d’être rejetées pour insuffisance de preuves. Son porte-parole doit en toute urgence présenter la suite de son éditorial en mentionnant les noms de tous ceux qui lui avaient demandé de boycotter Nu Look. Une telle décision l’aiderait à garder son intégrité et sa crédibilité intactes. Ce qui a surtout attiré l’attention de plus d’un, c’est qu’il a affirmé qu’aujourd’hui NuLook bénéficie de la visibilité dont Klass jouissait pleinement, en déclarant : si Nu Look bénéficie d’une grande visibilité aujourd’hui c’est à cause de l’argent dont dis- pose ce groupe — Si Nu Look parèt anpil, se akòz lajan nan pòch li. Il semble que Nu Look offre mieux que Klass aux animateurs de radio. Mais cela reste à vérifier.

Cette affirmation montre que le représentant de Konpaevents était un salarié officiel de Klass, qui a choisi de supporter Nu Look maintenant. D’après certains, Klass est présentement fauché (li razè). Beaucoup d’animateurs disent que Klass n’a plus les moyens d’autrefois et qu’il ne peut plus afficher des photos grandeur nature de ses musiciens sur un minivan, comme la dernière fois. Point de doute que ce groupe va tenter de prouver le contraire à tous ceux-là qui spéculent sur sa situation financière. Il n’y a pas que Konpaevents à se prononcer sur les propositions que Klass a faites aux divers animateurs. À ce compte, on peut signaler aussi Jean Mary Simon, plus connu sous l’appellation JMS, un jeune qui anime l’émission « Konpa Pacific », à Radio Pacific (Haïti). JMS qualifie de puéril l’acte des musiciens de Klass, qui ont cessé de le saluer. Bien que Pipo ne soit pas co-fondateur de Klass, il hérite d’un pouvoir qui le fait considérer comme tel. Le plus grand problème de Jean Mary Simon (JMS) avec les musiciens de Klass c’est que Nu Look lui a lancé une dédicace/un shoutout sur son album, ce qui ne plaît pas à l’équipe que dirige Richie, d’après ce qu’a dit celui-ci.

À travers ses complaintes, JMS avance que sans Klass il sera en mesure de payer ses factures mensuelles. Il rappelle que ce dernier n’a que six ans d’existence et qu’avant sa relation avec cette formation musicale il répondait à ses besoins immédiats sans aucune difficulté. Cela prouve qu’il était aussi un salarié de Klass. Mais il a aussi dénoncé l’hypocrisie et l’esprit contradictoire des membres de Klass en se référant au texte de la chanson titrée « Ranje chitaw », dans lequel groupe Klass exhorte d’autres orchestres à s’unir pour défendre leurs intérêts communs.

Dans ce morceau, Klass a pourtant exhorté Nu Look à emboîter le pas dans la même direction. Si l’on ajoute foi aux déclarations des accusateurs, on est en droit de dire que Klass n’applique pas ce qu’il prêche à travers ses chansons. JMS l’a aussi signalé en faisant référence à la chanson « Priorité » de Klass. À son avis, d’une manière générale, les musiciens payent aux animateurs de radio pour qu’ils ne diffusent pas la musique des autres groupes. Le pire, c’est que ceux-là font honneur aux demandes des groupes musicaux, d’après Jean Mary Simon, JMS.

Un réajustement des stratégies pour survivre au mauvais temps qui s’annonce

Le marché HMI va encaisser un coup dur avec les dernières dispositions de l’ICE (Immigration and Customs Enforcement) relatives à la déportation des immigrants illégaux. La Police ICE (agents de contrôle de l’immigration et des douanes » a déjà commencé de telles opérations dans plusieurs états à forte concentration d’immigrants. Des décentes ont été effectuées dans des restaurants à Brooklyn, Bronx, Queens, Manhattan, Staten Island. Les preuves sont là. La Police ICE ne vise pas seulement les Haïtiens. Quarante et un immigrants ont été arrêtés à New York en un seul jour, au cours de ces descentes des lieux.

Une tournée à Brooklyn, le vendredi 17 février 2017, a permis de constater l’absence de la clientèle habituelle, et les stationnements en double file (double park) aux environs des restaurants ne se remarquent plus. Blanch kou koton. Cette opération se déroule dans tous les états des États-Unis, ces agents de l’ICE étant autorisés à faire du porte-à-porte. Témoin oculaire d’une opération similaire devant l’hôtel St Georges, à Brooklyn, New York (défunt aujourd’hui), après un bal, en 1973, on a la certitude que cela va se reproduire aujourd’hui. Il faut signaler, toutefois, que le maire de New York, Bill Di Blasio, rassure les New-Yorkais que la Police de cette ville ne va jamais questionner quelqu’un par rapport à son statut d’immigrant, ni jouer non plus le rôle d’agent de contrôle de l’immigration et des douanes.

La principale cause de la baisse du marché musical liée à la faible participation de la clientèle aux bals est un phénomène normal dû à la crise économique, tout aussi bien à la saturation du marché et à la redondance du répertoire musical des groupes. La situation pourrait être autrement si ces derniers offraient des concerts. C’est ce qui fait la force du doyen du zouk, après tant d’années d’existence. Puisque les animateurs mesurent la bonne marche d’un groupe à l’aune du nombre de participants aux soirées dansantes, les résultats sont probants. Sans conteste, le marché musical ne se porte pas bien. Le konpa dirèk va mal. La triple affiche Klass, T- Vice et 5 Lan, qui a eu lieu à Robert Treat Hotel, à Newark, New Jersey, n’a pas fait salle comble, comme l’espéraient les promoteurs de cette soirée.

Dans tout business, il faut considérer les hautes et basses saisons et réajuster ses stratégies conformément à la situation qui prévaut. N’importe groupe musical peut, un soir, animer un bal à guichet fermé, alors que, à une autre occasion, il réalise une soirée « vacuum » en salle vide. Surtout qu’on est en pleine période de vache maigre. Car les recettes d’hier ne sont plus les mêmes pour les organisateurs de soirée. Mais les musiciens ne doivent passe formaliser. Car ils sont payés pour la soirée qu’ils animent, quelle que soit l’issue du bal : réussite ou échec. Au demeurant, ce sont les promoteurs qui payent les conséquences de l’échec d’une soirée.

Un changement de position pour une meilleure condition d’évolution

Quant à Didi Paradi, l’animateur de « Rendez-vous Konpa », Pipo Stanis lui a renversé le vase en pleine face. Il se plaignait du fait que le chanteur de Klass ne répondait plus à ses appels téléphoniques. Aussi cherchait-il une explication à cette attitude de l’artiste à son égard. Pipo parlait au téléphone avec Sorel « Soso Brézo », le tambourineur de Klass, qui, soudain, lui informe de la présence de l’animateur, en disant : Men Nèg ou a la a, en faire référence à Didi Paradi. Il lui passa le téléphone, puisque l’animateur voulait que le chanteur de Klass justifie son silence. Et l’artiste de répondre : Lèwap rele m yo, petèt mwen ka wè se nimero Arly k monte ki fè m pa réponn — quand tu m’appelles au téléphone, si je ne réponds pas c’est parce que je n’aimerais pas que ce soit le numéro de téléphone d’Arly qui apparaisse sur mon cadran, une manière d’associer Didi Paradi à Nu Look.

La façon dont Soso a annoncé la présence de Didi Paradi à Pipo au téléphone montre très clairement que le tambourineur de Klass savait que le chanteur a eu un problème ou un antécédent avec l’animateur, lui qui se croyait être l’ami du chanteur de Klass. Cela dit clairement que Pipo a un problème personnel avec Arly Larivière. L’animateur s’est vite rendu compte que, comme les politiciens, les musiciens n’ont pas d’amis, mais plutôt des intérêts personnels. Bien que Pipo ne soit pas un co-fondateur de Klass, il paraît qu’il hérite d’un pouvoir qui l‘incite à agir comme tel. N’est-il pas officiellement l’un des porte- paroles de cette formation musicale ? Que dit Richie dans cette affaire ? Il sombre dans le mutisme. On a essayé de le contacter pour faire la lumière autour de ce litige, mais nos démarches demeurent sans résultat.

Toute cette affaire, mettant en face le groupe Klass et les animateurs, fait écarter la possibilité d’un second face-à-face Nu Look/Klass. Que feraient ces musiciens si ce business de la musique konpa rapportait des mil- lions par année ? Il y a de fortes possibilités qu’ils s’entretueraient même. Toutes les déclarations des animateurs-accusateurs de Klass abondent dans le même sens. Elles font qualifier d’hypocrites tous les musiciens de Klass. Ce groupe musical jouit des droits de réplique aux accusations. Il est aussi temps que certains animateurs cessent de traîner leur bol/- sébile « kwi yo » devant les musiciens et groupes musicaux. L’éthique professionnelle et la déontologie journalistique l’obligent !

Il y en a parmi les animateurs de radio qui sont fiers de bénéficier souvent d’un billet de voyage et de cadeaux d’un groupe musical et, en conséquence, acceptent de se laisser apprivoiser. Yo vann nanm yo. Le vieil adage nous rappelle : « Qui veut son respect se le procure ». Il serait important qu’ils s’entendent et créent une association d’animateurs haï- tiens, où les membres seront tirés sur le volet. Il faut qu’ils pensent aussi à mettre des balises en place pour éviter l’infiltration des animateurs médiocres, « loray kale ». Considérant tous les faits autour du litige entre Klass et les animateurs, on peut dire avec assurance qu’il n’y aura jamais une association de musiciens. Car l’hypocrisie flotte dans l’air. Plus la division et l’hypocrisie gagnent du terrain, moins sera la chance de réussite de l’industrie musicale haï- tienne.

robertnoel22@yahoo.com


l’article intégral se trouve en P. 16 & 7 de la version PDF de l’édition du 1 mars 2017  » http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2016/12/HO1March2017.pdf