MOTIVÉES PAR UNE SÉRIE DE REVENDICATIONS

MOTIVÉES PAR UNE SÉRIE DE REVENDICATIONS CONTRE LE RÉGIME – Des manifestations de rues dans tout le pays

PORT-AU-PRINCE, 12 septembre — Au moment où Jovenel Moïse et son équipe multiplient les discours creux et font des promesses irréalisables au peuple haïtien, en sus d’autres initiatives jugées abusives, la grogne, qui gagnait du terrain à travers tout le pays, change en revendication populaire. La grande manifestation déclenchée à Port-au-Prince, aujourd’hui, lundi 12 septembre, pourrait être le signal d’un grand mouvement national, aux conséquences imprévisibles, mais qui ne saurait augurer rien de bon pour le régime tète kale deuxième version. Puisque les organisateurs de ces manifestations, qui prévoient ce qu’ils appellent « manifestasyon manch long », véhiculent une série de revendications très appréciées dans les milieux populaires, estudiantins et dans le monde des travailleurs.

Des milliers de manifestants, des jeunes en majorité, sont descendus dans les rues de la capitale haïtienne exhibant des pancartes improvisées anti-Jovenel Moïse et l’équipe tèt kale. Il semble que plusieurs groupes de protestataires aient emprunté des parcours différents puis se sont réunis sur l’autoroute de Delmas avant de se diriger vers les hauteurs de Pétion-Ville. Selon des observateurs présents sur le parcours, plusieurs milliers de personnes s’étaient donné rendez-vous pour protester contre le Budget 2017-2018, qui avait été votée d’abord par la Chambre basse, puis entériné par le Sénat, sans tenir compte des nombreuses objections formulées par des secteurs différents du pays, y compris des sénateurs de l’opposition. La même version du document, qui n’a pas été renvoyée à l’exécutif, comme l’avait recommandé la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA), pour cause d’irrégularités flagrantes et d’autres failles, a été votée par la Chambre des députés, à la cloche de bois, samedi 7 septembre.

Des barricades enflammées ont été érigées à plusieurs points de la capitale, donnant l’impression que la ville était totalement investie par les groupes d’opposition regroupés sous la bannière de plusieurs organisations. À noter que Moïse Jean-Charles, candidat malheureux aux élections controversées de 20016, qui ont porté Jovenel Moïse au pouvoir, avait annoncé une manifestation qui, selon ses propos, serait une grande surprise pour l’administration Moïse-Lafontant et leurs suppôts. Dans les milieux politiques, à la capitale, on laisse croire que Fanmi Lavalas serait également impliqué dans ce mouvement.

Après avoir parcouru plusieurs quartiers de la capitale, notamment Cité Soleil, Delmas 3, Delmas 19, les protestataires se sont dirigés vers Pétion-Ville. Arrivés à ce point, la violence s’est mise de la partie, les manifestants ayant lapidé des véhicules, et des immeubles logeant des entreprises privées. Selon des témoins, des véhicules ont été incendiés et plusieurs autres, qui se trouvaient en stationnement, ont eu les vitres cassées. D’aucuns disent que la violence a éclaté après que la Police eurent fait feu sur les manifestants. À noter que le cabinet d’avocat d’Aviol Fleurant, ministre du Plan et de la Coopération externe, dénoncé dans l’affaire des kits scolaires, a essuyé des jets de pierres; deux véhicules qui se trouvaient en stationnement devant l’immeuble ont été incendiés. Les flammes, qui embrasaient complètement les deux voitures, s’élevaient jusqu’au niveau supérieur de l’immeuble. On n’avait pu déterminer s’il y a eu dégâts à l’intérieur du cabinet d’avocat. On n’a pu vérifier la version des faits ayant fait état de tirs dirigés sur les manifestants par des agents de Police.

Plusieurs établissements commerciaux ont essuyé la colère des manifestants s’en prenant verbalement à Jovenel Moïse et à des hommes d’affaires proches de son gouvernement, notamment des fournisseurs d’électricité, tels que Gérard Rouzier, Dimitri Vorbe et Reynold Bonefil, aussi bien que le Dr Réginald Boulos dont le nom est généralement cité lors des élections et la formations du gouvernement.

Parmi les entreprises saccagées, on peut citer Economic Tires, dont les vitres ont volé en éclats, sous la pluie de jets de pierres. Un témoin a laissé entendre qu’un des propriétaires de cette compagnie, Pilou Rouzier, frère aîné de Gérard Rouzier, aurait laissé entendre que deux de ses employés auraient essuyé des blessures.

On rapporte aussi que Deli Mart, à Delmas 32, aurait été envahi et des voitures en stationnement aux alentours ont eu les vitres brisées. Toutefois, un des responsables de Deli Mart aurait été entendu à la radio disant que son établissement a été épargné, car son personnel avait eu le temps de fermer les portes et de tirer les rideaux métalliques.

Il semble que l’ambassade du Canada ait été également la cible des jets de pierre. Alors qu’on lais sait croire que le bureau de l’American Airlines, à Delmas, aurait été saccagé.

Autres manifestations pour demain et les jours après

Les organisateurs de cette première manifestation ont donné des mots d’ordre pour d’autres activités du même genre, mercredi et jeudi. Dans un dépliant distribué sur le parcours et sur les média sociaux, ils se sont identifiés comme « Base populaire » ayant des chapitres dans plusieurs quartiers de la capitale. Selon le document, ils sont présents à : Carrefour, Mariani, Bizoton, Fontamara, Martissant, Bel-Air, Solino, Bas Delmas, Gran Ravin, Ravin Pintade, Jalouzi, etc.

Le dépliant précise encore que par cette manifestation initiale, qui sera de longue durée, « Nous disons non à Dimitri Vorbe, PDG de Sogener et Patisserie Marie Béliard, à Pétion-Ville, à Daniel Rouzier, PDG de E-Power et Reynold Bonefill, PDG de Haytian Tractor ».

À en croire les manifestants qui ont investi les rues de la capitale, aujourd’hui, demain et les jours suivants le mouvement de contestation contre le régime en place prendra une allure encore plus décisive. Le mot d’ordre est donné pour ce qu’ils appellent « Mobilisation citoyenne san pran souf ». Ces manifestations seront organisées par le « Mouvement des étudiants en solidarité avec les opprimés haïtiens (MESOH¨et alliés ». La manif de demain se déroulera dans les rues de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, à partir du mercredi 13 septembre 2017, de 10 h. a.m. à 6 h. p.m.

Les objectifs de ce mouvement sont ainsi définis : « Dé noncer le budget criminel de Jovel Moïse et le Parlement vo you; le coup d’État au Conseil électoral permanent par l’imposition de Léopold Berlanger, Carlos Hercule, Yolette Mengual, Marie France Joachim, Uder Antoine, Frinel Joseph, Simon Saint-Hubert, Kenson Polynice et Marie France Mondésir ».

En sus de cette levée de boucliers contre la création du Conseil électoral permanent, les organisateurs des prochaines manifestations réclament : « le départ de Jovenel Moïse et du Parlement tèt kale; le paiement des professeurs du secteur public; le salaire minimum de 800 gourdes exigé par les ouvriers de la sous-traitance ».


Parcours et lieux de rassemblement

Si la manifestation du mardi a pu rassembler des milliers de personnes, il y a de fortes possibilités que celle de mercredi, tout au moins, pourrait drainer encore davantage de militants. C’est la conclusion qu’on peut tirer en prenant connaissance du parcours et des lieux de rassemblement annoncés par les protestataires.

En effet, selon l’avis qui a été donné, la manifestation défilera devant le Parlement haïtien et la primature, à l’Avenue Marie-Jeanne (Bicentenaire); devant le Palais national; Faculté d’ethnologie, École normale, INAGHEI et Sciences humaines; Carrefour Delmas (Aéroport); Route de Delmas; Carrefour Fleuriot; SONAPI (Carrefour trois mains); Aéroport Toussaint Louverture; devant le Conseil supérieur de la Police judiciaire (CSPJ) sur la route de Frères.

Dans les milieux proches des organisations qui ont initié cette mobilisation, on prétend que le mouvement était en gestation depuis plusieurs mois et qu’il fallait trouver l’adhésion des différents secteurs charriant des revendications différentes avant de gagner les rues. On laisse croire que cette initiative a été facilitée par les manigances politiques de Jovenel Moïse dont les décisions, depuis sa prestation de serment, n’ont fait qu’ « énerver le peuple ».

De l’avis de plusieurs observateurs, les conseillers du chef d’État donnent l’impression qu’ils souhaitent se défaire de l’homme Bannan nan, pour ne lui avoir pas encouragé à s’éloigner des mauvaises décisions de ces dernières semaines, et qui n’ont fait que renforcer l’opposition contre lui. Selon ces mêmes analystes, on comprend difficilement que M. Moïse ait poussé à la roue pour faire ratifier le Budget 2017-2018 par les deux Chambres, sans tenir compte de l’opposition légitime dont il est l’objet dans de larges secteurs du pays. D’aucuns pensent qu’il aurait dû comprendre qu’il s’était engagé sur « une pente savonneuse ». Surtout que les organisateurs du mouvement ont annoncé que des manifestations du même genre vont se dérouler dans quasiment toutes les villes du pays.

Cet article est publié dans l’édition du 13 septembre 2017 de l’hebdomadaire Haïti Observateur et se trouve en P. 1-2 du format PDF, disponible à cette adresse : http://haiti-observateur.ca/…. .pdf