Plainte Amendée Déposée Contre le Régime Haïtien et Consort

FRAUDE FISCALE AU DÉTRIMENT DE LA DIASPORA

  • Plainte amendée déposée contre le régime haïtien et consort
  • La UNIBANK ajoutée à la liste des entités citées comme accuse Par Léo Joseph

La plainte déposée, dans le cadre de l’action collective intentée contre le gouvernement haïtien et les entités servant d’appui à l’opération de fraude fiscale perpétrée contre la diaspora haïtienne, le 24 décembre 2018, a été amendée. Le nouveau document acheminé à la Cour fédérale de l’Eastern District de Brooklyn est présenté par Marcel P. Denis, de Denis Law Group PLLC, et Rodney R. Austin, de Rodney R. Austin PLLC., les avocats constitués pour mener cette action au nom des Haïtiens vivant à l’étranger, et qui avaient fait le dépôt original. Dans la nouvelle version de la plainte, les avocats des plaignants ont ajouté un treizième chef d’accusation sous la rubrique « conversion».

Dans la dernière version de la plainte déposée le 25 janvier, les avocats de l’accusation ont ajouté la UNIBANK, en tant que maison mère de la Unitransfert U.S.A., Inc. immatriculée en Floride. Cette rectification se justifie par le fait que cette institution bancaire privée haïtienne prend les décisions en ce qui concerne le transfert d’argent par le truchement de sa filiale Unitransfert basée à Miami, Floride, faisant d’elle partie prenante de ce procès, au même titre que Caribbean Air Mail (CAM), Unigestion Holding S.A. (Digicel Haïti) et Natcom S.A. aussi bien que le gouvernement haïtien, bien sûr.

Les avocats de l’accusation ont déposé la nouvelle version de la plainte avec les traductions en créole de celle-ci et de la citation de comparaître. Me Denis a précisé que le greffier du tribunal fera acheminer prochainement ces documents au consulat d’Haïti de New York, pour les suites que de droits.

Un treizième chef d’accusation est ajouté aux douze autres intégrés dans la plainte originale déposée le 24 décembre 2018. Il s’agit de ce qui s’appelle en droit anglo-saxon « conversion ». Ce procédé s’explique par le fait que les demandeurs se plaignent du fait que les accusés se sont emparés « sciemment » de leurs biens « sans aucune justification légale» et les ont gardés en dépit des demandes réitérées faites pour qu’ils soient retournés.

Le concept « conversion » explicité dans la plainte amendée

Afin de permettre à tout un chacun de bien saisir le concept « conversion », les avocats des plaignants en expliquent l’énoncé en ces termes dans la plainte amendée.  « Les demandeurs invoquent de nouveau et incorporent par renvoi les allégations énoncées dans les paragraphes précédents, ceux numérotés d’un (1) à deux cent quatre-vingts (280) comme s’ils étaient intégralement énoncés aux présentes. « 282. La ‘conservation’ par les accusés de la propriété des plaignants et des membres du groupe, malgré la demande de ces derniers qu’elle soit restituée, car la non-restitution constitue une ‘conversion’, parce que les défendeurs, délibérément, illégalement, et sans justification, se sont appropriés les biens des demandeurs et des membres du groupe sans leur consentement.

« Les défendeurs ont délibérément porté atteinte aux droits des demandeurs et des membres du groupe par rapport aux biens et services. Les défendeurs ont délibérément utilisé un stratagème frauduleux impliquant la collecte d’argent prétendument au nom du peuple haïtien pour financer des activités gratuites, l’éducation obligatoire en facturant les consommateurs aux États-Unis un supplément de 1,5 million de dollars; 1,50 $ sur chaque transfert d’argent et 0,05 $ la minute pour chaque appel international».

Des dispositions illégales dès le début

La décision par Michel Martelly de mettre en application, avant même sa prestation de serment, sa promesse de campagne consistant à imposer un supplément sur les transferts d’argent et les appels téléphoniques n’est supportée par aucune disposition légale haïtienne. Il s’agit, arguent les avocats de l’accusation, d’une décision fantaisiste prise unilatéralement par un président élu voulant se donner des moyens d’escroquer la diaspora haïtienne avant même d’avoir prêté serment.

En sus des lois fédérales et celles de trois États des États-Unis violées par les défendeurs, les avocats de l’accusation dénoncent ces derniers comme étant des violateurs flagrants des lois et de la Constitution haïtiennes. Les arguments présentés par ces derniers, dans la plainte amendée, font état de « Déclarations fausses et trompeuses importantes émises au cours de la période visée par les recours collectifs », et continuent ainsi :

« Tout au long de la période visée par les recours collectifs, les défendeurs ont conspiré pour rédiger les circulaires et ensuite ont conclu une entente entre eux pour trouver des moyens de percevoir 1,50 $ sur chaque transfert effectué, et 0,05 $ la minute pour chaque appel international à destination et en provenance d’Haïti.

« Au cours de la période visée par les recours collectifs, qui a débuté le 20 février 2011, les défendeurs ont conspiré pour faire des déclarations fausses et trompeuses quant à la véritable nature des honoraires imposés.

« L’accusé Martelly a faussement fait la promotion et la publicité de la perception de 1,50 $ sur chaque transaction et de 0,05 $ la minute pour chaque appel téléphonique à destination ou en provenance d’Haïti, en tant qu’une taxe spéciale pour financer son “ Programme d’éducation universelle, gratuite et obligatoire“.

« L’accusé Martelly a conspiré avec les anciens Premiers ministres d’Haïti Jean-Max Bellerive, Garry Conille et Laurent Lamothe, qui se sont fait l’écho des déclarations fausses et trompeuses selon lesquelles “ la surtaxe sur les virements télégraphiques et les appels téléphoniques internationaux vers Haïti n’a généré qu’une augmentation de 2,5 %, soit entre 40 et 50 millions de dollars pour l’éducation[…] le pays s’apprête à augmenter… afin de recueillir 100 millions de dollars pour faire “une grande différence dans le système éducatif“.

« Les défendeurs ont perçu environ 1,50 $ sur chaque transfert d’argent effectué et 0,05 $ par minute sur les appels téléphoniques à destination et en provenance d’Haïti sous le couvert d’une imposition fiscale.

« Les défendeurs ont pris grand soin d’induire le public en erreur, en particulier les demandeurs et les particuliers se trouvant dans une situation semblable, en faisant croire que les droits perçus étaient dus à une taxe légalement promulguée.

« Tous les défendeurs ont fait leur les déclarations émises par l’accusé Martelly dans l’intention de promouvoir et de faire connaître la perception illégale des droits.

« Les défendeurs ont fait des déclarations fausses et/ou trompeuses, et ont omis de divulguer des faits défavorables importants concernant l’ordonnance présidentielle et les circulaires.

« Les défendeurs n’ont pas divulgué aux demandeurs ou à d’autres personnes se trouvant dans une situation semblable que l’arrêté présidentiel et les circulaires n’étaient pas des lois fiscales et n’ont pas non plus l’effet d’une loi en vertu de la législature sur l’impôt et le revenu par rapport aux lois applicables d’Haïti.

« Les défendeurs ont délibérément conspiré pour frauder le public afin de percevoir les frais sous prétexte d’impôts pour financer un “programme d’enseignement universel, gratuit et obligatoire” qui n’a pas été créé par la loi.

 « Les défendeurs savaient que la perception des frais était illégale et qu’elle avait pour seul but de bénéficier aux seuls défendeurs.

« Du 1er juin 2011 et à ce jour, les défendeurs ont reçu de nombreuses plaintes concernant la perception illégale et le détournement des redevances perçues.  Ces droits ont été perçus totalisant au moins 300 000 000 000 $ US. ».

Le caractère mafieux de la gestion des fonds générés

La gestion dans l’opacité totale des fonds générés par les transferts d’argent et les appels téléphoniques, depuis la présidence de l’équipe de Michel Martelly jusqu’à celle de Jovenel Moïse, en passant par l’administration intérimaire Privert-Jean-Charles, telle qu’exposée dans la plainte, ne laisse aucun doute quant à l’usage frauduleuse qui a été fait des centaines de millions de dollars ramassés dans ce programme. À coup sûr, le jury qui entendra les arguments ne manquera pas de relever la duplicité des équipes qui ont géré ces fonds. Surtout lorsque les autorités haïtiennes ne mettent en place aucun système de contrôle, de vérification des montants collectés ni ne créent les possibilités de déterminer comment les fonds collectés ont servi au financement de l’éducation universelle gratuite.

En dépit des critiques formulées à l’endroit des autorités, aucun effort n’a été tenté pour rectifier le tir. Sinon qu’elles ont émis de vagues explications orales destinées à dé sar mer les détracteurs du pouvoir, mais aucune tentative réelle pour démontrer que les fonds collectés ont été utilisés objectivement. Au bout du compte, le pays en général et la diaspora, en particulier, ne peuvent dire avec certitude ni combien d’argent a été ramassé, encore moins si l’éducation a bénéficié des centaines de millions de dollars ramassés. Par contre, on sait que l’État haïtien reste devoir des mois d’arriérés de salaire aux enseignants; et que la condition de délabrement des infrastructures scolaires à l’échelle du pays ne s’est pas améliorée, de 2011 à ce jour.

Réactions des accusés

Les principaux accusés concernés dans cette plainte, en tout premier lieu le gouvernement haïtien, n’ont pas encore réagi. Selon Me Marcel Denis, Unitransfert s’est manifestée la première, se faisant représenter par quatre avocats. Pourtant la Unibank reste à donner sa réplique. Quant à Western Union, elle a signifié sa réception des documents, vendredi dernier (1er février). Cette compagnie a demandé qu’elle soit désignée de préférence sous l’appellation «Western Union Financials, Inc.», a indiqué, Me Denis.

De son côté, un mois après que la plainte eut été déposée, Cam Transfert tarde à se manifester.

Trop peu trop tard avec l’intervention du MHAVE

Tout au long du quinquennat de Michel Martelly ayant initié, de concert avec Laurent Salvador Lamothe, le programme d’USD 1,50 $ sur chaque transfert effectué, et d’USD 0,50 $/minute sur chaque appel téléphonique international, de l’intérim assuré par Jocelerme Privert pour arriver à Jovenel Moïse, aucune précision n’a été donnée sur l’usage fait des millions collectés, encore moins des moyens mis en œuvre pour encaisser ces fonds. Pendant tout ce temps, les critiques formulées dans la presse ainsi que celles émises par les différents secteurs de la vie nationale, notamment le monde des enseignants, sont restées lettre morte. Jusqu’au vendredi 25 janvier 2019, quand, dans le cadre du « vendredi de la diaspora », a été annoncée la tenue de cette session, seraient discutées les préoccupations de la diaspora par rapport aux prélèvements d’USD 1,50 $ effectués sur les transferts individuels d’argent et les USD 0,50 $ sur les appels téléphoniques internationaux.

Mais la montagne a accouché d’une souris. Puis que rien de substantiel n’a été accompli eu égard aux préoccupations mentionnées. Au fait, aucun communiqué n’a été diffusé après cette réunion à laquelle avaient participé le président du Front réuni de la diaspora haïtienne (FUDH), le juge Lionel Jean-Baptiste basé à Chicago, Illinois, ainsi que les ministres des Finances, de l’Intérieur et des Affaires sociales, en sus d’autres hauts fonctionnaires de l’État. Rien ne dit qu’une résolution a été adoptée par rapport au sujet qui semble, soudain, interpeller le pouvoir en place, et qui préoccupe au plus haut point la diaspora. Tout ce que l’on retient de cette rencontre se résume à l’information communiquée disant que 60% des fonds collectés sont affectés au financement de l’éducation universelle privée. Ne serait-il pas une bonne occasion de fournir des preuves irréfutables de ces dépenses et d’autres in formations relatives à de telles opérations prenant l’allure d’activités mafieuses ? Il est donc opportun de conclure que cette intervention du Ministère des Haïtiens vivant à l’étranger (MHAVE) est trop peu trop tard. D’aucuns ont même traité cette intervention de « démagogique».

À la lumière de tous ces faits, on peut objectivement conclure que Marmatha Irène Ternier, la titulaire du MHAVE, s’est vue assigner cette responsabilité en guide de réaction à la plainte déposée contre le gouvernement haïtien et consort au Tribunal fédéral de l’Eastern District de Brooklyn (New York), États-Unis. Il s’agit, de toute évidence, d’une tentative de démobilisation de la diaspora par rapport à cette action judiciaire.

En attendant que soit révélé le montant réel de la somme collectée sur les transferts et appels téléphoniques, les évaluations effectuées, telles que mentionnées dans la plainte amendée,  font état d’USD 300 millions $. Au lieu de se démobiliser, la diaspora devrait organiser une nouvelle campagne sous la rubrique «Kote kòb transfè ak apèl telefòn nan ? » Aucun doute une telle mobilisation servirait d’appui au procès intenté contre les dilapidateurs des fonds dérivés des transferts provenant de la diaspora à l’intention de parents restés en Haïti et des appels téléphoniques toutes destinations confondues. L.J.


cet article est publié par l’hebdomadaire Haiti-Observateur, édition du 6 février 2019 et se trouve en P. 1, 3 à http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2019/02/H-O-6-fevrier-2019-1.pdf