DR GRACIA MAYARD S’APPLIQUE À SURMONTER SES DÉBOIRES RPROFESSIONNELS

AVEC UN MÂLE COURAGE ET UNE DÉTERMINATION INÉBRANLABLE par Léo Joseph

« Tu seras un Homme, mon fils » Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir, Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties Sans un geste et sans un soupir; Si tu peux être amant sans être fou d’amour, Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre, Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour, Pourtant lutter et te défendre…» (Traduit de l’anglais par André Maurois)

Par ces vers extraits du poème «Tu seras un homme, mon fils » de Rudyer Keepling, Dr Gracia Mayard a initié l’interview qu’il a accordée à Haïti-Observateur, ré- pondant à la requête de Léo Joseph. Durant plus de deux heures, il a épanché l’expérience malheureuse et douloureuse qu’il a essuyée, dans le cadre de ses démêlés avec la Drug Enforcement Administration (DEA), et qui l’a amené en prison. En connaissance de cause, il a raconté sa regrettable histoire, sans se soucier le moindrement des qu’en-dira-t- on. Car c’est à ce prix, croit-il, que jaillira la lumière sur les conséquences de son inconséquence, dans la pratique de la médecine. Ce qui lui procurera la maturité nécessaire pour relancer sa carrière.

La version des faits ayant entouré les problèmes de Dr Mayard avec la justice fédérale, pilotée exclusivement par les autorités, a présenté la vérité partiellement.N’étant pas disponible pour présenter la sienne, ni pour donner une réfutation en bonne et due forme, les faits exposés par la DEA a son sujet restent ce que retient l’opinion publique. Aussi cet entretien avec lui vaut-il son pesant d’or, non seulement pour lui, mais aussi pour tous ceux qui se soucient de posséder toute la vérité dans cette affaire.

En effet, en tant organisme de contrôle de médicaments, notamment les substances hautement toxiques et susceptibles de créer la dépendance; qui concerne également les médicaments contrôlés dispensés sur prescription la DEA s’était lancée aux trousses de Mayard Paul, comme cela se fait pour d’autres médecins se trouvant dans la même situation. Autorisé à prescrire ces substances, en sus du droit légal accordé aux médecins en général de traiter des patients, Dr Mayard a reconnu qu’il a commis certaines négligences dans l’émission de prescriptions aux patients en proie aux douleurs intenses. Il affirme s’être laissé entraîner dans ces décisions par le souci de rester fidèle à son statut de disciple d’Esculape. Littéralement poursuivi, dit-il, à son cabinet médical, à Brooklyn, par des patients en peine ayant besoin de soulagement immédiat, il négligeait souvent de mettre à jour certains dossiers. Surtout qu’il affirme avoir été souvent littéralement fait prisonnier par certains patients qui venaient jusqu’en sa résidence privée, adresse légale où était immatriculée sa licence pour l’émission de prescriptions aux patients ayant besoin du médicament «oxycodone », afin de calmer la douleur qui les terrorisait. Selon Dr Mayard, des patients venaient chez lui, bloquant la sortie avec leurs véhicules parqués à l’entrée, le mettant dans l’impossibilité de laisser sa maison sans les voir. Dans bien des cas, il remplissait les prescriptions séance tenante. Toutefois, rentré chez lui tard le soir, il était trop débordé pour mettre à jour tous les dossiers.

Après coup, Mayard dit com- prendre que la multiplicité des prescriptions qu’il a émises a dû attirer l’attention des responsables de la DEA, surtout que les pharmacies sont requises de sou mettre périodiquement des rapports sur leurs activités.Aussi a-t-il reçu la visite des agents de l’organisme de contrôle fédéral.Suite à l’examen des documents qu’il a soumis à ces visiteurs, suite aux comparaisons aux copies des prescriptions obtenues des pharmacies, ces derniers lui ont suggéré d’annuler son autorisation de prescrire les substances toxiques. Ce qu’il fit sans maugréer car, a- t-il expliqué, cette autorisation lui rendait la vie difficile.

Les agents fédéraux ont emporté les dossiers de 60 patients qu’ils ont analysés au hasard, avant de conclure que Dr Mayard n’avait pas examiné les patients pour lesquels il avait rempli des prescriptions, une pratique con- traire aux règlements établis par la Drug Enforcement Administration. Se basant sur l’examen des pièces, les autorités fédérales ont déterminé que l’intéressé avait réalisé plus de 2 millions $ dans l’émission de prescriptions dans de telles conditions. Toutefois, Dr Mayard a révélé que les recherches effectuées dans les banques et autres institutions financières n’ont pas révélés les millions qu’on lui attribuait.

Gracia Mayard s’est plaint du fait que les responsables de la DEA ont donné dans l’exagération pure et simple, d’un bout à l’autre de l’enquête qu’ils ont menée sur lui. Dans l’évaluation des faits, aussi bien que dans la détermination des honoraires qu’on lui attribuait.

Au bout du compte, les agents de la DEA concluaient qu’il y avait suffisamment d’indices contre lui pour justifier son arrestation. Aussi,fait-il remarquer,le 20 mars 2013, il a été arrêté et gardé en détention préventive, sa requête de bail ayant été refusée par le juge, justifiant cette décision par le fait qu’il avait des enfants en Haïti et qu’il pouvait se dérober à la justice. En d’autres termes, dit- il, il était considéré comme un risque de fuite potentiel.

Trouvé coupable d’émettre des prescriptions illégales

Au début de son procès, l’offense qu’il a commise le plaçait dans la catégorie de 10 à 15 ans de réclusion, au cas où il serait l’objet d’un verdict de culpabilité. Les évidences accumulées contre lui ne lui laissaient aucune chance de sortir du pétrin. Aussi a-t-il été trouvé coupable d’émettre de prescriptions illégales.

À cette phase de l’affaire, il devait attendre la sentence qu’allait proclamer le juge. Dr Mayard décerne une opinion favorable à la phase préalable à sa sentence. Le tribunal, dit-il, a contacté des membres de sa famille, ainsi que des gens de la communauté haïtienne, notamment Jude Joseph, directeur de Radio pa nou, à Brooklyn, pour recueillir des in- formations concernant la vie sociale et professionnelle du mari, père et ami du citoyen- médecin qui a pour nom Gracia Mayard.

L’intéressé prétend que Jude Joseph a dit des choses extraordinaires à son sujet, déclarant qu’il est un médecin compatissant, qui montre beaucoup de respect et d’entre-gens envers les patients, et dont certains bénéficient de la générosité du Dr Mayard qui, bien souvent, prend soin d’eux sans rémunération. Au niveau de sa famille, parents et amis, il dit avoir la satisfaction que des termes élogieux ont été adressés au Tribunal à son égard. Selon lui, ces interventions favorables en sa faveur ont influencé la décision du juge eu égard à sa sentence.

La sentence réduite de plusieurs années

La peine de 60 mois de détention suggérée originellement a été complètement révisée. Après 30 mois de prison préventive, il s’est vu libérer au mois d’octobre 2016, bénéficiant d’une réduction de peine quasiment de moitié.

Dr. Mayard se félicite d’avoir toujours la communauté à cœur dans ses démarches professionnelles et sociales. Ceux qui le connaissent et qui l’ont suivi depuis les années 80 ne peuvent oublier ses interventions dans les média, dans les journaux, notamment Haïti-Observateur et Radio pa nou traitant de sujet mettant à l’avant des projets au bénéfice d’Haïti dans plusieurs domaines.

On se rappelle, d’heureuse mémoire, qu’il a été le premier médecin haïtien à introduire le scanner médical au pays, après la chute de la dynastie des Duvalier, en 1986. Malheureusement, il ne pouvait rentabiliser cet appareil, les patients qui fréquentait son cabinet médical ne pouvant aider à subventionner son utilisation. Aussi le déficit qu’il essuyait le forçait-il à repenser le rapatriement en Haïti de sa pratique médicale qu’il avait durant plusieurs années à New York. Sans la collaboration de collègues dont il souhait accueillir la référence de patients souhaitant recevoir des diagnostics fiables de leur condition; ou encore d’une subvention de l’État pour favoriser l’exploitation d’un appareil hautement technique qui pouvait aider à éliminer la conjecture qui, assez souvent, caractérisait les tests qui s’effectuaient autrefois dans la pratique médicale chez nous, en Haïti.

Aujourd’hui réduit au chômage, car incapable d’exercer sa profession sans licence, Gracia Mayard dit concentrer tous ses efforts en vue de se remettre en condition de reprendre le collier. Il suffit, dit-il, de s’y mettre sérieusement. Car il affirme que la loi en vigueur permet à tout médecin dans sa situation d’engager ce processus trois ans après que sa licence eut été invalidée. Dans son cas particulier, une telle opération sera entamée cette année même. Il faut noter, toute- fois, que ce processus pourrait s’étirer sur deux ans.

De toute évidence, Dr Mayard entend s’éloigner définitivement de cette mauvaise expérience.Et il se propose de ne ménager aucun effort pour parvenir à cette fin


Cet article se trouve dans l’édition hebdomadaire courante  (5  au 12 avril 2017) sur support papier et, PDF à l’adresse suivante : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2016/12/HO5April2017.pdf à partir de la page des archives ou en suivant le lien à partir du sommaire.