Les soirées « double-affiche » et les groupes musicaux

ARTS & SPECTACLES Par Robert Noël

  • Les soirées « double-affiche » et les groupes musicaux : Un dilemme à résoudre

Dans l’industrie konpa dirèk, les mésententes se multiplient entre les groupes musicaux que les pro- moteurs présentent en tandem aux soirées dansantes. Certains responsables de groupes ne com-prennent pas encore le côté business de la musique. On constate qu’une insupportable attitude se
développe dans le circuit konpa dirèk depuis l’adoption du concept de soirées « double-affiche ». Il s’agit de groupes musicaux refusant de commencer un bal, prétextant qu’il n’y a pas assez de gens présents dans la salle à la première heure.

Le renforcement des règles liées aux soirées «double-affiche»
Des fois, ces musiciens utilisent le même alibi, faisant croire que tous les musiciens du groupe ne sont pas présents dans la salle. Ils s’accrochent au vedettariat, pensant attirer les regards en entrant dans le club. C’est seulement dans le milieu haitien qu’on constate un tel fait. Le public souffre grandement des caprices de ces groupes musicaux. Ces excuses sont inacceptables et montrent leur manque de professionnalisme et l’irrespect manifesté à l’égard du public qui fait le déplacement pour les supporter. Les négociations entre les groupes ne peuvent se faire à leur arrivée au lieu du rendez-vous, avant de se présenter sur l‘estrade. C’est ce qui explique que les bals commencent très tard, à 1 heure du matin, dans la plupart des cas.

Les promoteurs sont entièrement responsables de ces débâcles puisqu’ils n’imposent pas leurs règles aux orchestres qu’ils choisissent pour animer les bals. Ils ne signent aucun contrat légal avec eux et ne désignent au préalable la formation musicale qui doit ouvrir la soirée.Certains musiciens pensent que commencer une soirée diminue la valeur de leur orchestre. Ils comprennent mal le fait de présenter leur prestation au début de la soirée et n’imaginent pas les avantages qu’offre le premier choix. Les  promoteurs doivent certainement clarifier l’ordre dans lequel les groupes vont offrir leur prestation
pour la soirée.

Ils peuvent tout aussi bien l’annoncer dans la promotion qu’ils confient aux stations de radio et de télévision. Cela aide- rait aussi le public, qui fera de son mieux pour être à l’heure. Ces artistes se mettent en tète qu’ils jouent en levée de rideau. Tel n’est pas le cas puisqu’il ne s’agit pas d’un festival ou d’un concert. Une fois que le groupe est engagé pour animer une soirée, il devient automatiquement un salarié / un ouvrier du promoteur. L’organisateur d’un spectacle ou d’un bal, de qui le groupe musical reçoit un cachet, remplit les fonctions de patron. L’ouvrier travaille au goût du maître, nous dicte l’adage. Les promoteurs haïtiens doivent renforcer les règles.

Ce qui paraît bizarre c’est que ces orchestres n’exhibent pas une telle attitude quand ils vont honorer des contrats aux Antilles françaises. Ils acceptent toutes les conditions que les promoteurs leur imposent. Aucun groupe musical haitien n’a jamais osé violer les clauses stipulées dans les contrats qu’ils reçoivent, via courriel, de ces promoteurs étrangers. Certes, un groupe a le droit de faire des exigences aux promoteurs en ce qui a trait aux conditions d’hébergement des musiciens, de leur repas, du mode de paiement, de leur transport de l’hôtel au club et vice versa, etc. Si les exigences et conditions du contrat d’engagement ne sont pas satisfaisantes, le groupe n’a qu’à le refuser. Dans un tel cas, le promoteur choisira un autre orchestre puisqu’il a une diversité de choix.

Il faut redéfinir les rôles des promoteurs et managers de groupes musicaux

Aucun groupe musical haïtien n’a jamais demandé à un promoteur étranger de lui accorder le privilège de clôturer une soirée, un festival ou un concert. Dans l’industrie konpa direk, le rôle d’un promoteur n’est pas correctement défini. Tout est à l’envers. Dans toute industrie musicale réglementée, ce sont les orchestres qui emploient les promoteurs pour qu’ils organisent des spectacles, des concerts, des soirées dansantes pour eux.

Un manager d’orchestre ne peut pas être seulement un agent de réservation de dates « booking agent », comme cela se voit dans l’univers HMI. Il doit assurer la bonne marche de l’orchestre à tous les points de vue. Il a pour devoir de vérifier que la boîte de nuit où la soirée va avoir lieu est détentrice d’une police d’assurance pour garantir la protection du public, des musiciens et de leurs équipements. Cette assurance prend effet dès que le public et les musiciens entrent dans l’enceinte jusqu’à ce qu’ils la laissent. Les agents de sécurité doivent être des professionnels ayant suivi des stages dans le domaine. En plusieurs occasions, on a vu des agents de sécurité ayant des démêlés avec la justice américaine assurer une telle fonction. Pourtant, ils ont de lourds casiers judiciaires.

Le public a légalement droit au respect et à la protection, puisque sans lui les orchestres ne peuvent exister. Le retard des groupes musicaux mérite d’être pris en considération. Les promoteurs ont droit de sanction sur les groupes musicaux retardataires. Les soirées « double-affiche » représentent un grand dilemme dans l’industrie konpa dirèk. Un tel problème mérite d’être résolu une fois pour toutes. Et l’on se demande même si les soirées « double affiche » sont plus bénéfiques pour les promoteurs, car on
a été témoins d’échecs répétés dans de telles circonstances.


cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, édition du 27 juin 2018 et se trouve en P. 16 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2018/06/H-O-27-juin-2018.pdf