Des hôpitaux de la capitale sous le déchet humain par Léo Joseph

LE MSPP EN FLAGRANT DÉLIT DE MANQUEMENT AU DEVOIR

  • Des hôpitaux de la capitale sous le déchet humain par Léo Joseph

Dans le cadre de la campagne d’assainissement lancée par les autorités haïtiennes, les hôpitaux de la capitale ont été particulièrement ciblés. Les ouvriers à qui a été confié ce travail ont vite découvert qu’ils avaient surestimé leurs compétences. Car ils ne pouvaient supposer la nature des rebuts qu’ils allaient devoir nettoyer

En effet, les éboueurs se sont plaints, surtout, concernant les trois premiers hôpitaux qu’ils ont attaqués, parmi eux la plus grand et plus important centre hospitalier d’Haïti, en l’occurrence l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH), jadis connu sous le nom Hôpital général d’Haïti de Port-au-Prince.

Les ouvriers ont vite compris qu’ils n’étaient pas équipés pour faire face au travail, n’ayant pas été avertis d’avance que l’œuvre d’assainissement consiste à débarrasser ces espaces du déchet humain qui s’y trouvait. Sans faire l’état des lieux pour prévenir une telle condition, les patients n’avaient personne pour empêcher que ces lieux soient débordés par l’insalubrité.

D’après les révélations faites par ces travailleurs, cette même situation prévaut à l’Hôpital général de Port-au-Prince, aussi bien qu’au Sanatorium et à l’Hôpital La Paix (Delmas 33).

Les nettoyeurs embauchés pour mettre les institutions hospitalières en condition de combattre le COVID-19 ont fait état d’une situation de «négligence criminelle» ayant même transformé l’espace où sont internées des personnes malades, généralement vulnérables à la contamination, à des endroits destinés plutôt à accueillir les animaux qui aiment patauger dans l’insalubrité. Ils disent que l’odeur qui se dégage de quelques chambres où sont logés des patients rappelle celle des zones des bidonvilles, comme à Cité Soleil, par exemple, transformées en cloaques.

Si les déchets humains sont visibles à l’intérieur de certaines chambres ou, parfois, dans les couloirs, dans les toilettes, il faut avoir un système respiratoire solide pour faire le nettoyage nécessaire pour rendre l’espace décente. D’ailleurs, l’insalubrité s’installe aussi dans la cour, car il semble que certaines gens «fassent leur besoin», dans la cour même des hôpitaux

Il faut signaler, en passant, que le personnel affecté à ces institutions ne vient pas au travail avec gaité de cœur, en raison de l’insalubrité ambiante. Surtout que, privés de leurs salaires durant plusieurs mois, dans bien des cas, des médecins (surtout les internes), les infirmières et infirmiers, aussi bien que le petit personnel, en raison de cette même situation, s’éloignent des hôpitaux auxquels ils sont affectés. Mais depuis que le coronavirus fait partie de la conversation quotidienne des Haïtiens, l’absentéisme est devenu en quelque sorte plus systématique.

Quelles protections assurer au personnel des hôpitaux

D’autre part, privé de protection contre le COVID-9 et d’autres infections engendrées par l’in- salubrité, le personnel des hôpitaux s’éloignent de plus en plus de leurs lieux de travail. Il semble que les dernières importations de matériels dont a parlé le Premier ministre de facto Joseph Jouthe n’ait pas rassuré grand nombre dans le monde des travailleurs d’hôpitaux. Ces derniers n’ont aucun espoir que les arriérés de salaires leur seront versés dans le meilleur délai.

C’est, d’ailleurs, ce qui a créé cette situation d’insalubrité dans les hôpitaux ayant entraîné la puanteur que tout le monde redoute et fuie. Les médecins, infirmiers(ières) ainsi que d’autres professionnels, techniciens et petit personnel assurant le fonctionnement quotidien des hôpitaux ne sont pas certains que ceux qui prennent les décisions en Haïti tiendront compte de leurs besoins. Nombre d’entre eux pensent qu’en dépit des mouvements de protestation et des dénonciations relatives aux arriérés de salaires dus aux salariés des hôpitaux et d’autres centres hospitaliers publics, en sus des enseignants et des policiers, de même que d’autres citoyens travaillant comme contractuels dans les ministères ainsi que dans les ambassades et consulats. On ne peut plus sceptiques par rapport aux promesses non tenues de Jovenel Moïse, les employés de l’État victimes de tels abus de la part du gouvernement justifient leur méfiance par le fait qu’ils restent des témoins passifs de la valse des millions que mène le président Moïse comme chef d’orchestre. Les proches de la présidence ou bien des compagnies étrangères privées engagées de gré à gré, c’est-à-dire sans l’aval de la Cour supérieure des comptes et du Contentieux administratif (CSC/CA), l’institution ayant l’autorité constitutionnelle d’approuver tous les contrats conclus avec l’État.

Le système hospitalier haïtien en survie

Dans la construction du budget national, le système hospitalier est systématiquement relégué très loin à l’arrière-plan. Si cette tendance prenait corps progressivement, sous Michel Martelly, à l’avènement de Jovenel Moïse au pouvoir, le montant alloué à la Santé avait chuté en dessous de ce qui était réservé au Parlement.

La réduction systématique des allocations du budget destiné au secteur de la Santé s’est justifiée par souci de suppléer au manque à gagner intervenu, suite à l’absence du fonds PetroCaribe. Cette source d’argent ayant occasionné le train de vie luxueux de la présidence, du Parlement et leurs alliés de l’Exécutif, les «jouisseurs du pouvoir» multi- pliaient les acrobaties pour trouver d’autres créneaux. D’où la politique dite «déshabiller Pierre pour habiller Paul».Aussi, les sommes soustraites des ministères et d’autres secteurs de l’administration publique, pour compenser les manques à gagner relevés ailleurs sont-elles ajoutées aux allocations de la présidence et aux deux Chambres législatives. Autrement dit, 7 milliards de gourdes par ans pour les parlementaires (sénateurs et députés); et 6 milliards de gourdes pour la même période de temps pour la Santé (soient près de 12 millions d’habitants.

De cette manière, les allocations de la Santé, par exemple, sont drastiquement réduites et le resteront indéfiniment, jusqu’à ce que la communauté internationale, qui tient la dragée haute à Jovenel Moïse, décide de rouvrir la vanne.

À l’avènement du COVID-19, Moïse et ses proches collaborateurs se retrouvent dans leurs petits souliers : Pas de fonds PetroCaribe; pas de manne pro- venant des bailleurs de fonds traditionnels; et les promesses faites par les institutions de haute finance internationales sont de plus en plus incertaines, sinon lointaines.

L’opportunité s’offre aujourd’hui à Moïse et aux PHTKistes de réaliser quelques millions, à la faveur de la déclaration de l’état d’urgence. Mais le financement souhaité, jadis disponible, en veux-tu-en voilà, comme sous Préval-Bellerive et Martelly-Lamothe, fait cruellement défaut aujourd’hui.

De toute évidence, ceux qui disent prévoir des jours sombres pour le pays, dès que le peuple se retrouvera vraiment en butte à la pandémie du coléravirus, un malheur qui surgit trouvant les hommes et femmes du pouvoir privés de moyens pour mener une défense en bonne et due forme contre cet ennemi insaisissable.

Les hauts fonctionnaires de l’État, qui ont été pris la main dans le sac dévalisant les USD 4,2 milliards du fonds PetroCaribe, continuent de s’enfoncer dans leur silence au moment où ils font signe aux autres leur demandant de contribuer au financement d’équipements pour aider à combattre la pandémie dans leurs pays. Car, raisonnent-ils, «Charité bien ordonnée commence par toi-même».

Tout compte fait, à quoi sert le MSPP ? Assurément, la catastrophe a surpris Jovenel Moïse et son équipe avec la garde baissée. l.J


cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, VOL. L No.13 New-York, édition du 8 avril 2020 et se trouve en P.1, 3, à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2020/04/H-O-8-avril-2020-1.pdf