Les malheurs de la gourde haïtienne (suite) par Charles Dupuy

LE COIN DE L’HISTOIRE

  • Les malheurs de la gourde haïtienne (suite) par Charles Dupuy

Suite à la publication de ma courte étude sur les malheurs de la gourde haïtienne, j’ai reçu plusieurs messages de la part des lecteurs dont un en particulier qui m’a rappelé qu’à l’époque où le ministre Marc Bazin dirigeait nos finances, celui-ci avait déclaré qu’il n’était pas du tout dans l’intérêt d’Haïti que son économie soit «dollarisée», allant même jusqu’à prétendre que le taux de la gourde devait fluctuer de sorte qu’Haïti soit libre d’exercer sa propre politique monétaire.

Aujourd’hui que les fluctuations d’une gourde dépréciée plus que jamais ont ruiné l’économie du pays et rongé l’épargne des particuliers, on admettra que la thèse défendue par Marc Bazin, le brillant économiste de la Banque mondiale était, si j’ose le dire, complètement erronée.

Le même lecteur soutient qu’à son avis les Américains ne négocieront pas la remise en fonction de la Convention de 1919 pour les raisons suivantes: tout d’abord,

  1. le président Trump a récemment taxé Haïti de «shit hole country», et aussi
  2. à cause de certains facteurs macroéconomiques (production, balance commerciale, etc.) et finalement,
  3. la santé économique défaillante d’Haïti, qui est actuellement, soutient le lecteur, pire que sous les Duvalier. Je veux seulement rappeler ici que, pendant l’Occupation, une certaine commission Mayo, du nom de l’amiral qui la dirigeait, s’était rendue en Haïti afin d’enquêter sur les actes de barbarie perpétrés par les Marines dans le pays et que dénonçait la grande presse américaine.

Peu de jours après, prétextant qu’elle ne pouvait trouver aucune base sérieuse aux grossières accusations que l’on portait contre ces braves soldats américains, la commission Mayo plia bagages et conclut ses travaux sans oublier de féliciter les Marines qui accomplissaient en Haïti, soutenait-elle, une besogne au-dessus de tout éloge. Un certain amiral Knapp, resté sur place pour terminer l’enquête, poussa même l’affront jusqu’à prétendre, dans son rapport, que les Haïtiens étaient tous… des cannibales ! Figurez-vous donc que c’est au moment même où les officiels américains nous traitaient publiquement de cannibales que Washington et Port-au-Prince signaient la fameuse Convention monétaire de 1919. C. Dupuy coindelhistoire@gmail.com


cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, VOL. L No.16 New-York, édition du 29 avril 2020 et se trouve en P.14, à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2020/04/H-O-29-avril-2020-1.pdf