Une vaste conspiration pour assassiner Jovenel Moïse Qui n’en faisait pas partie ?

LONGTEMPS EN CAVALE JOSEPH FÉLIX BADIO APPRÉHENDÉ

  • Une vaste conspiration pour assassiner Jovenel Moïse
  • Qui n’en faisait pas partie ?
  • Par Léo Joseph

Après plus de deux ans qu’il éludait la Police, alors qu’il était « activement recherché » par elle, bien qu’il soit rapporté vu par plus d’un, Joseph Félix Badio a été bizarrement capturé, par un commissaire de Police, qui semble avoir mené une action privée. Depuis environ deux semaine qu’il a été mis en taule, les conjectures fusent de toutes parts concernant son arrestation. Mais il faut reconnaître que cet événement risque de faire des révélations extraordinaires, Il justifiait son action en disant que Badio avait un mandat d’amener contre lui. On sait que les conspirateurs étaient nombreux. On se demanderait bien, et pour cause, qui n’avait pas participé à ce crime, surtout que l’homme accusé d’avoir été la cheville ouvrière de ce crime, qui était l’ « ami » de la victime, plusieurs de ses co conspirateurs étaient aussi des proches de celle-ci.

L’arrestation du fugitif Badio s’est effectuée au moment où Ariel Henry, le chef du gouvernement de facto, était en mission à l’étranger, depuis lors, les théories ne manquent pas de se formuler, histoire d’établir la légitimité de cette décision, car il était déjà, mille fois répétés, que « le Blanc » était responsable du sort de M. Badio, et que le Dr Henry le protégeait de la Police haïtienne. Ce qui revenait à faire accréditer l’hypothèse que le complot, qui a été ourdi pour mettre fin à la vie de Jovenel Moïse, impliquait des hommes politiquement puissants, voire même des personnalités proches du défunt. D’aucuns s’aventureraient jusqu’à accuser la participation même de son épouse. Selon des révélations, qui ont été faites, le complot était mené sur plus d’une année et la majorité des acteurs n’a pas été identifiée, certains autres auraient été délibérément ignorés, tandis qu’il en reste une autre catégorie qui ne sera jamais mise en cause.

Qui n’a pas participé au complot ?

À l’instar d’autres complots d’assassinat d’hommes d’État ou de chefs d’État, perpétrés ailleurs, celui de Moïse a suscité beaucoup de commentaires, notamment une pléthore de personnes qui se rencontraient pour en discuter. Autrement qui avaient des relations de proximité. Il est quand même bizarre de retrouver l’ex-première dame en compagnie du conspirateur numéro un. C’est, en tout cas, le rapport fait à son sujet par les enquêteurs de la Police nationale.

En effet, il était allégué que Martine Moïse entretenait des relations avec des conspirateurs de l’assassinat de son défunt mari. Des enquêtes plus approfondies, de toute dernière heure, ont placé Mme Moïse, bien souvent, en compagnie de Joseph Badio. Voulant prouver l’amitié, qui existait entre ce dernier et l’ex-première dame d’Haïti, un témoin prétend que, Martine Moïse, une cliente du monde vaudou, se faisait accompagner quand elle se rendait chez son houngan, un ex-sénateur, de surcroît ancien président de l’Assemblée nationale, identifié en la personne de Simon Dieuseul Desras. Encore, selon cette même personne, quand Mme Moïse se rendait chez ce dernier, c’est précisément Badio qui pilotait son véhicule personnel.

De toute évidence, l’arrestation de Joseph Badio va devoir écarter le voile mystérieux qui persiste à cacher la vérité sur les relations ayant existé entre celui-ci et le Premier ministre de facto Ariel Henry. Des rumeurs incessantes, qui couraient depuis plus de deux ans, font croire que l’ex-fugitif avait dirigé au moins deux appels sur son téléphone du Dr Henry, avant, pendant et après le crime.

Jéronimo n’est plus ?

Les comploteurs, qui s’entendent, dans la cadre d’un projet d’assassinat, quelles que soient leurs langues ou nationalités, s’arrêtent sur un nom code pour leur victime. Il n’en était pas différent pour Jovenel Moïse. Il faut poser la question à Badio de savoir qui avait inventé ce nom à la victime et pourquoi il a été choisi. Il semble que les conspirateurs n’aient jamais cité le nom de leur future victime durant la période de machination de leur complot.

On rapporte que la nouvelle de la mort de Moïse a été communiquée à Gilbert Dragon, qui a été empoisonné en prison, sous prétexte qu’il est décédé des suites d’une attaque à la COVID. Il semble que Dragon ait fait ait fait également partie du complot. Dans ce cas, Badio devrait savoir qui aurait intérêt à faire disparaître Gilbert Dragan.

Bien que des révélations aient été faites relatives à des communications téléphoniques entre Badio et le Premier ministre de facto Ariel Henry, aucune indiscrétion n’a été déclarée concernant la teneur de leurs conversations. Mais il est possible que la mort de «Jéronimo », dont Dragon a été communiquée par Badio ait été aussi annoncée par le même personnage au chef de gouvernement de facto.

Dans les milieux proches de la Police nationale, on apprend que, bien qu’en cavale et que « recherché activement» par les forces de l’ordre, Joseph Badio restait en contact téléphonique permanent avec des membres clés de la conspiration, y compris Ariel Henry. On prétend qu’à certains moments se tenaient des rencontres physiques, dont certaines, dit-on, avec Henry.

On laisse croire que Joseph Félix Badio s’était entendu promettre non seulement le poste de « ministre de l’Intérieur », du gouvernement qui émergerait après la mort de Jovenel Moïse, mais qu’il ne serait pas inquiété pour le rôle qu’il a joué dans le complot qui s’est tramé contre celui-ci.

De toute évidence, pour que les promesses faites à Badio aient force de loi, donc porteuses de garanties, il faut que l’autorité du personnage ou de l’équipe soit crédible. Dans de telles conditions, il faut croire qu’il était impératif que tous les comploteurs, surtout ceux qui passent pour des pilotes de ce crime, y compris les commanditaires, soient restés en contact. On comprend pourquoi le fugitif Badio avait trois téléphones en sa possession, qui ont été confisqués par la Police.

Par ailleurs, d’autres rumeurs venant du monde des enquêteurs haïtiens mettent Joseph Badio en complicité avec l’ex-directeur général de la Police national Léo Charles. À l’instar d’Ariel Henry jouissant de la protection que lui assure sa haute fonction, M. Charles jouit de l’immunité parlementaire.

Tel Gilbert Dragon, Badio craint pour sa vie

Les premières séances d’interrogation de Joseph Badio terminées, le prévenu est envoyé en détention au Pénitencier national par le juge d’instruction chargé du dossier, en attendant les suites juridiques et légales nécessaires. Puisque, emprisonné à ce centre de détention, avant lui, l’ancien haut gradé de la Police Gilbert Dragon, n’est pas sorti vivant, il est normal que M. Badio, qu’on estime encore plus valeureux que ce dernier, craigne pour sa vie. Il semble qu’il ait exprimé cette crainte auprès des agents du Federal Bureau of Investigation (FBI), qui avaient fait le déplacement en Haïti, en vue d’avoir une séance d’interrogation avec lui.

Mais, si les Américains tiennent autant à Badio en tant que pièce maîtresse dans cette affaire, qu’on le prétend, on devrait espérer qu’ils prennent toutes sortes de précaution pour assurer sa protection, particulièrement pour lui épargner le sort de Gilbert Dragon.

Dans cet ordre d’idées, encore d’autres sources proches de la PNH lui prêtent un cri d’alarme sous forme d’une déclaration prétendument faite aux enquêteurs du FBI. Il aurait fait savoir qu’il a des révélations importantes à faire, mais qu’il se garde de les faire en Haïti. Si c’est vrai, s’agit-il d’un signe du pied pour que soit précipité son déplacement?

L.J.

cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, VOL. LIII, No.38 Édition spéciale Canada du 01 novembre 2023, et se trouve en P1,2 à  : h-o 1 nov 2023

Haïti-Observateur / ISSN: 1043-3783