LE POUVOIR DERRIÈRE UN GROS SCANDALE TERRIEN DANS LE NORD-EST Par Léo Joseph
- Plus de 10 000 agriculteurs dépossédés de leurs terres
- Place à l’installation d’une entreprise mafieuse par Jovenel Moïse ?
Les récentes initiatives annoncées par le Premier ministre de facto Joseph Jouthe en faveur de la relance de l’agriculture a plutôt l’allure de la couverture d’une vaste conspiration ayant pour objectif la dépossession arbitraire et illégale de centaines de familles sur des terres dans le Nord-Ouest du pays, qu’elles ont héritées de leurs parents et grands-parents et qu’ils cultivaient depuis des décennies. Ces familles constatent, impuissantes, l’envahissement des terres en leur possession et la destruction de leurs jardins par des inconnus accompagnés d’individus lourdement armés, dont certains en uniforme de policiers, à la solde de la première famille et ses alliés politiques. Les victimes, regroupées au sein de deux syndicats de planteurs, lancent un appel désespéré en vue d’arrêter cette intervention relevant de la spoliation.
Les membres de deux regroupements de planteurs se déclarant victimes d’actes de dépossession perpétrés par des représentants de Jovenel Moïse et de sa femme Martine, sur l’ancienne Habitation Dauphin, dans le département du Nord-Est, lancent un SOS afin de porter le président haïtien et ses agents à faire marche-arrière par rapport à leur initiative. Celle-ci a tout l’air d’une activité mafieuse, car il n’est indiqué nulle part à quelles fins sont destinés les travaux entamés.
Par le truchement du Mouvement des paysans de Terrier-Rouge (MPTR) et de la Coopérative des petits planteurs du Nord-Est (CPPNE), les paysans lésés dans leurs intérêts dénoncent ce qu’ils croient être un projet lancé par le président haïtien lui-même et sa femme. Ils ont comme représentants leurs alliés naturels, notamment Wanique Pierre, sénateur PHTKiste du Nord-Est, Hervé Fourcand, ex sénateur du Sud, dont le nom est mentionné dans des trafics de stupéfiants; ainsi que Ardouin Zéphirin, conseiller politique de M. Moïse. Sans oublier des dirigeants locaux de Terrier-Rouge, de Caracol et de Trou-du-Nord.
Environ 600 carreaux de terre que les paysans cultivent depuis les années 80
Les paysans, qui dénoncent l’envahissement de ces propriétés par la famille présidentielle, font savoir qu’ils cultivent ces terres depuis les années 80, précisant qu’ils avaient obtenu le droit de les exploiter depuis après la chute de la dictature des Duvalier. Milostaine Castin, leader du MPTR, également sociétaire de la CPPNE, informe que les cultivateurs ont été chassés de leurs terres par des hommes de Moïse utilisant la «force excessive». M. Castin dit que les terres en question représentent une étendue de 600 carreaux dont l’exploitation par les paysans remontent à l’année 1986. Grâce aux investissements en argent et en labeur effectués par ces derniers, ces terres ont été mises en valeur, favorisant la production agricole de toutes natures, d’élevage et de bois de construction. Point n’est besoin de dire que les activités agricoles que soutenaient ces terres favorisaient l’emploi de plus de 10 000 personnes.
À en croire Milostaine Castin, des démarches incessantes ont été, par la suite, menées auprès des autorités compétentes, afin d’assurer la jouissance légale de ces terres cultivables. À la grande satisfaction des demandeurs, le 30 avril 1995, sous l’administration du président Aristide, le droit légal d’exploiter ces vastes étendues de terres a été accordé aux paysans de ces régions. Ce droit a été entériné par un arrêté présidentiel publié dans le journal officiel, Le Moniteur, daté du 30 avril 1995.
À la lumière de tous ces faits, on peut comprendre comment des membres de la famille politique du PHTK, tel que Roro Nelson, peuvent s’arroger le droit d’exproprier à longueur de journée ― et avec impunité ―, des biens appartenant à des propriétaires légitimes. Certes, on est en train de constater un super scandale de spoliation perpétré par celui-là même à qui incombe la responsabilité constitutionnelle de défendre les citoyens contre de telles dérives. N’est-ce pas le cas de dire «le poisson pourrit par la tête» ?
Documentation érudite sur les propriétés de l’ancienne Plantation Dauphin
Leader du MPTR, Milostaine Castin possède une documentation érudite sur l’ancienne Plantation Dauphin, surtout sa genèse, mais aussi les transformations qu’elle a connues après le désengagement de la société américaine, la «Haitian-American Development Company, S.A.» (HAD CSA), qui en assurait l’exploitation. On se rappelle, d’heureuse mémoire, que cette compagnie s’adonnait à la plantation du sisal. Établie dans le Nord-Est, en 1927, (selon Castin), elle mit fin à son contrat avec le gouvernement haïtien en 1946.
Selon les explications fournées par M. Castin, l’État haïtien avait, originellement, dépossédé les paysans de 40 000 carreaux de terre pour accommoder la HADCSA. Au départe de celle-ci, ces propriétés ont été remises au Ministère de l’Agriculture.
Au début des années 80, les paysans, particulièrement ceux regroupés au sein des deux syndicats en question aujourd’hui, qui avaient besoin de terre à cultiver, entreprenaient des démarches, en vue de récupérer ces terres dont leurs parents et grands-parents avaient été dépouillés par l’État haïtien au profit de la HADCSA. Aussi leurs démarches ont-elles résulté en la récupération de 600 carreaux de terre, dont ils sont, à leur tour, dépossédés par Jovenel Moïse et ses acolytes.
Milostaine Castin a précisé que les problèmes ont commencé après une visite de Martine Moïse dans la région, en compagnie d’autres grosse légumes du pouvoir.
Les paysans concernés ont dénoncé une série d’hommes d’ affaires de Port-au-Prince liés à la famille présidentielle, ainsi que des hommes et femmes politiques proches de Jovenel Moïse, tous des adeptes du PHTK. Les bourgeois mentionnés sont, entre autres, Sharif Abdallah, Alain Zurek et Olivier Barreau. Ainsi que Hervé Fourcand, ex-sénateur du Sud et le sénateur Wanique Pierre, du Nord-Ouest. Parmi les autorités locales engagées dans cette sale entreprise, se signalent Ton Jozilis, homme de main de Jovenel Moïse, le maire Renel Pierre, de Caracol, ainsi que la mairesse adjointe Nadège François de Terrier-Rouge, en sus d’Amaral Fonblan, membre du CASEC. Le nommé Augustin Jean Glodin, alias Blan Beljou, identifié comme bandit notoire et chef des gangs armés qui terrorisent les agriculteurs, les tenant éloignés des propriétés qui leur sont léguées par leurs parents, grands-parents et même arrières grands-parents, soit plus de 10 000 fermiers de Caracol, de Terrier-Rouge et de Ferrier, dans le Département du Nord-Est.
Les informations obtenues sur place font état de la présence de ces familles agglutinées sur 6 000 carreaux de terre, notamment dans les localités appelées Nanbwapen, Nanbasken, Kolo et Nantiplantè. Chose bizarre, au moment où le régime Moïse-Jouthe fait la propagande autour de quelques sacs d’engrais distribués à des planteurs de l’Artibonite, qu’il fait passer pour la relance de l’agriculture, il suscite une réalité toute autre dans le Nord-Est du pays. Des équipements lourds sont déployés dans ces localités mentionnés où ils abattent la culture des paysans. Aussi des plantations de multiples denrées ont-elles été dévastées, et des arbres fruitiers ou destinés à la construction ont-ils été abattus sans aucune considération. Ces engins exterminateurs ont également détruit les puits artésiens qui fournissent l’eau nécessaire à la consommation humaine et animale. Car c’est grâce à ces puits que le cheptel est abreuvé.
Voilà, avec l’envahissement de ces terres par Jovenel Moïse et ses alliés, c’est quasiment toute l’industrie agricole du Nord-Est du pays qui disparaît. Mais les paysans de cette région, qui avaient pu récupérer leurs terres dont ils étaient privés de la jouissance par l’État, après de longues et éprouvantes luttes, jurent de ne pas baisser pavillon face à cette pandémie humaine que représente Nèg Bannann Nan pour l’agriculture dans le Nord-Est.
Accompagnés de policiers en uniforme et en civil, arborant d’armes de gros calibre, les émissaires de Jovenel Moïse, dont l’ex-sénateur Hervé Fourcand et le sénateur Wanique Pierre, ont tenté d’apaiser les paysans révoltés, face à la dépossession dont ils sont l’objet, en leur faisant miroiter une proposition pour le moins indécente consistant à leur offrir 500 gourdes en guise de récompense pour leur silence. Autrement dit, pour qu’ils renoncent à l’idée de défendre leurs droits légitimes sur leurs propriétés. Aussi l’offre a-t-elle été écartée avec véhémence.
Les victimes de cette dépossession ont déclaré n’avoir jamais reçu un avis officiel par rapport à cette initiative ténébreuse lancée par le président du pays lui-même. Exceptée l’explication verbale donnée sur place par Hervé Fourcand indiquant que le président a besoin de ces terres «pour construire un hôpital». Les victimes ont réagi, à leur tour, en offrant cinq carreaux de terre, espace suffisant, croient-ils, pour soutenir les opérations d’une telle entreprise. L’ex-sénateur a opposé un non catégorique à cette proposition. Depuis plusieurs semaines, les équipements lourds sont au travail, des techniciens sont à pied d’œuvre, tandis que des hommes lourdement armés surveillent les terres pour tenir à distance leurs propriétaires légitimes.
Les bourgeois de Port-au-Prince se convergent-ils sur le Nord-Est?
Bien que, officiellement, la présidence garde un lourd silence sur les activités qu’elle se propose de lancer dans le Nord-Est du pays, tout porte à croire qu’il s’agirait d’ une entreprise lucrative qu’il compte exploiter, de concert avec les hommes d’affaires de Port-au-Prince évoluant dans l’orbite de la première famille. Voilà pour quoi, les riches entrepreneurs généralement liés au pouvoir font leur apparition, dans le cadre de cette honteuse opération de déguerpissement illégal des propriétaires attitrés de ces 600 carreaux de terre.
En effet, les paysans ont déclaré avoir remarqué la présence, entre autres, d’Alain Zurek, Sharif Adallah, Olivier Barreau. Selon toute vraisemblance, d’autres visiteurs assimilés à cette intrusion dans ces régions du pays y montreront le nez. Car, avec le déploiement d’hommes armés jusqu’aux dents préposés à leur défense, ils vont, à coup sûr, se converger en grand nombre dans la zone. Ce qui prouve qu’ils y sont attirés par de gros avantages. Sans explication, ni informations relatives à ces activités en cours sur l’ancienne Plantation Dauphin, les conjectures éclairées sont à l’ordre du jour.
Qu’est-ce qui se passe sur l’ancienne Plantation Dauphin ?
Aucun communiqué officiel n’a été adressé aux communautés du Nord-Est, ni décret présidentiel publié dans l’organe officiel Le Moniteur relatif à ce qui se passe dans ce Département n’a été diffusé à l’intention du pays. Il reste à faire des conjectures éclairées à propos des activités en cours.
Selon les déclarations de l’ex-sénateur Hervé Fourcand, relayées par les paysans de la zone, Jovenel Moïse a ordonné la construction d’une piste d’atterrissage sur les terres. En même, se trouve en construction une voie de pénétration reliant Caracol au Port Dauphin. Les équipements lourds étant en activité jour et nuit, cela fait croire que l’objectif consiste en leur utilisation en urgence.
Les planteurs affiliés à ces deux mouvements syndicaux de planteurs du Nord-Est ne croient pas que Jovenel Moïse ait aucune intention de construire un hôpital sur l’ancienne Habitation Dauphin. Pour eux, Hervé Fourcand s’embarque dans une nouvelle supercherie du chef d’État qui, tout au long de sa présidence, a fait des promesses qu’il n’a point tenues. D’ailleurs, encore selon les planeurs locaux, le fait de ne fournir aucune explication concernant la nature des activités en cours présentement dans cette région constitue une preuve irréfutable qu’il s’agit d’une nouvelle aventure chimérique de Jovenel Moïse.
Dans l’esprit des planteurs de cette région, faute par les autorités de ne rien annoncer, voire expliciter de quoi retournent les activités constatées dans cette région, fait évoquer des mouvements illicites, surtout que cette zone est régulièrement le théâtre de faits suspects imputables à des individus louches d’origine inconnue. La présence, dans la région, de l’ex-sénateur Fourcand liés à des activités de ramassage de stupéfiants largués par des avions d’origine inconnue, dans le Département du Sud, leur met la puce à l’oreille quant à la nature des activités qui pourraient s’y dérouler.
D’autres conjectures portent sur l’exploitation clandestine de minerais d’or dont plusieurs études ont révélé l’existence dans la région. Ou encore de gisements de pétrole dont personne ne parle. La visite d’Abdallah et de Barreau dans la région inspire les rumeurs faisant croire que des activités susceptibles d’engager des millions seraient en passe de se déployer.
En clair, une méga opération de dépossession, menée non par l’État, mais par l’équipe de mafiosi évoluant en Haïti avec l’appui et l’assistance du président Moïse, est en cours dans le Département du Nord-Est. Après que des paysans de cette région eurent été, dans un premier temps, dépouillés de leurs terres par les dirigeants des années 20, 30 et même 40, dans le but de trouver de vastes propriétés d’exploitation à une entreprise américaine, leurs enfants et petits-enfants se retrouvent, à leur tour, victimes d’expropriations en plein 21e siècle. Cet acte de banditisme ne doit pas passer. Les forces vives d’Haïti ont intérêt à se soulever, tel un seul homme, pour dire halte-là, Jovenel Moïse. L.J.
cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur, VOL. L No.20 New York, édition du 27 mai 2020 et se trouve en P.1, 9, 13 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2020/05/H-O-27-mai-2020-1.pdf