SUR LA ROUTE DU CINÉMA par Dan Albertini
- Au Revoir à Un Immortel
Adieu à l’immortel Mr de Sainte-Colombe qui a su réveiller les morts par le son de sa viole.
Que de fois, j’ai laissé planer le spectre du rejet des autres par Haollywood. Nous évoluons vers notre esthétique stricte. Il faut cependant savoir permettre à l’autre d’enterrer ses morts. C’est la convention, elle est immortelle aussi. D’ailleurs ‹‹ chaque pays a son histoire d’Haïti ››, c’est ce que voyait l’enfant à moitié endormi étudiant à la lueur d’une lampe à mèche dont la flamme vacillante offrait d’autres rimes, d’autres rêves, à Port-au-Prince. Quel beau rêve ! Comprenez, la nuit le rêve est là où on change de personnage pendant le tournage, on change de visage sur la tête du personnage, quelle merveille, même éphémère c’est un droit. Le père belge n’aimait pas ce récit quand étalait cette nuit en plein jour, la leçon révisée à coups de fouet derrières les jambes, quand dehors dans le voisinage immédiat nous savions que le berger allemand rodait dans les couloirs de la pénitence pour mauvais apprentissage. Ce sont eux qui ne respectaient pas la convention, l’exorcisme n’a pas marché, on nous a déportés, mais nous, nous envahirons, c’est l’esthétique Haollywood. Je sais saluer aussi la grandeur de l’autre et cela ne nous diminue pas, je reste vertical. Au revoir à un immortel !
Vous avez probablement vu le film Tous les matins du monde. Un chef-d’œuvre à mon avis. Par le fait de la musique de ses instruments, de son expression, mais surtout de sa culture. Monsieur de Sainte-Colombe est mort par la personne de Jean-Pierre Marielle. Ça n’est pas l’inverse. Vrai acteur de cinéma il a su dire sur grand écran, imposant le rythme du silence à l’élève Marin Marais devenu le maître. Marielle a pourtant joué à hauteur de son standard.
De Sainte-Colombe
Jean-Pierre Marielle l’a interprété, mais avec oh combien de talents, de majesté, il a incarné le personnage dans un rôle qui lui sied. J’en ai parlé vers la fin 2011, je crois. Un événement. Quand sa fille est morte aggravant le souvenir de sa jeune femme décédée par la maladie, là, Jean-Pierre Marielle livre un monsieur de Sainte-Colombe qui ébranle l’ordre des cimetières, ce qui dépasse la cour du roi. C’est-à-dire il fait remuer les pierres tombales sans effraction ni profanation. De sa viole il a su réveiller les morts, ils sont réputés sans âme. Ce que l’œil n’a point vu, pour qu’ils écoutent tandis que la vie qui vibre dans la viole est immatérielle, l’ouïe l’a vécu. L’histoire rapporte qu’il est la septième corde de la viole, cela vient de lui ainsi que le beau port de main que l’on connaît aux violistes, voyez-vous, le temps et demi de silence avant l’exécution (de la perfection). Hommage à Jean-Pierre Marielle.
Le tombeau des regrets
C’est ma scène préférée. Ce n’est pas une expression c’est une mer de souvenirs insaisissables par le fait de remords qui vous guettent parce que vous n’avez pas… ! Par exemple, la mort de Marie de Sainte-Colombe sa femme qui lui imposa un deuil ravageur au point de revoir son fantôme. Au son de la viole en douce voltige. Quel beau rêve l’œil ouvert tandis qu’il le ferme pour échapper à cette douleur. Paradoxe. De Sainte-Colombe pleure une fois de plus, mais de ne pas voir mourir sa fille dans son suicide. S’il n’aima pas la cour du roi au point de préférer se traiter de sauvage pour ne pas courber à la demande du monarque renforcée par l’abbé, il finit par se voir obligé. Se rendre réduire la peine de Marin Marais en internement musical à la cour. Quelle belle peine, quand je pleure de mon âme je regarde tous les matins du monde !
La caméra est fameuse ici chez Alain Corneau réalisateur, double hommage à Jean-Pierre Marielle en partage avec lui. Allez voir JPM dans tous ses films puis dans de Sainte-Colombe.
Merci d’y croire !
cet article est publié par l’hebdomadaire Haïti-Observateur édition du 01 mai 2019 et se trouve en P.8 à : http://haiti-observateur.ca/wp-content/uploads/2019/05/H-O-1-May-2019.pdf